Aujourd’hui je vous emmène à l’autre bout de la France dans une contrée rêvée, fondée sur un plateau calcaire du crétacé supérieur au bord de la Touvre, dans une ville surnommée le balcon du sud-ouest : Angoulême. Et oui, Angoulême, sa rocade, ses trois piscines et bien sur son festival de BD. La liste des albums en compétition pour le festival 2011 vient de sortir. En janvier prochain, une petite dizaine d’albums aura droit au prix et verra son chiffre de vente exploser. C’est à chaque fois étonnant l’effet produit par ces récompenses, y’a un coté mouton de panurge qui m’étonnera toujours.

Pour mémoire, j’vous rappelle qu’il y a différentes catégories à Angoulême : prix jeunesse, prix patrimoine, prix du supermarché culturel qui sponsorise le festival, prix révélation, prix du meilleur album, prix intergénérations (on va y revenir), prix du jury et le grand prix, celui de la ville d’Angoulême. L’année dernière, c’est Baru qui avait reçu cette récompense et c’est lui qui présidera du festival en janvier prochain.

Cette année donc, 58 albums tenteront d’obtenir la récompense suprême, à coté de la grande compét’, 8 se battront pour le prix patrimoine et 19 dans la catégorie jeunesse. Bref, derrière le subtil équilibre entre les éditeurs ; tant pour les grosses machines (Dupuis, Dargaud, Soleil) tant pour les éditeurs indés, tant pour les faux indés, tant pour les semi indés, tant pour les micro éditeurs, la sélection est alléchante. Et on remarque que les valeurs sures sont bien là. La nouvelle génération des jeunes auteurs arrive en force : Bastien Vivès, Nine Antico et Anouk Ricard placent chacun deux BD dans la compèt’.

J’vais pas vous faire le type sur qui sait tout et qu’a tout lu, parce qu’en plus certaines BD sont à peine sorties dans le commerce…  mais ça fait plaisir de voir que certains coups de coeurs sont partagés. La belle réédition de Jerry Spring, par exemple, sur un papier de belle qualité avec plein de documents annexes. Quay D’Orsay, la vie de l’intérieur du ministère des Affaires étrangères, par-dessus l’épaule d’un Villepin exalté, dessiné par Blain. Belleville Story, de Vincent Perriot, un polar dans les rues parisiennes autour du trafic des petites mains du Sentier. Château de Sable de Peeters ou encore Joe Sacco et son Gaza, Pour l’Empire II ou le dernier Larcenet, le Sens de la Vis (tome 2).

Alors, allez voir le site du festival, faites votre pronostic et votez pour le prix du public. Un pronostic ? La presse est unanime sur Walking Dead que j’ai pas lu, désolé, ou Nina Antico avec ses BD de société ; mais quand même Château de Sable et Quai d’Orsay sont mes deux chouchous. A moins, que Joe Sacco et ses récits politiques n’emportent le morceau. En tout cas, faudra avoir plus de mordant que l’année dernière où le meilleur album fut Pascal Brutal, ce qui sentait l’accord à minima du jury.

Quoi qu’il en soit, le festival nous réserve toujours de belles découvertes comme le prix intergénérations de l’an passé, l’Esprit Perdu qui s’offre une très belle réédition, dans un beau format italien. J’suis d’accord, avec un tel prix t’as envie de partir en courant : le prix intergénérations. C’t’e blague ! C’est quoi l’idée ? Tu prends 5 teenagers, 2 trentenaires, 8 quinqua et 10 retraités ? Tu secoues et t’as le nom du gagnant ? Nan, les gars, changez le nom de ce prix. Et pourquoi pas le prix des revenants ou des anciens combattants ? Nan, quand même !

L’Esprit Perdu, donc, est un très beau récit initiatique d’héroic fantasy. Dessiné par Bonhomme et scénarisé par Bonneval. L’histoire, en noir et blanc, vous emmène dans des contrées lointaines forcément peuplées de monstres mais pas là pour se faire péter la gueule par de superbes héros. Ici, on est à deux doigts de la fable écolo. Le père, fils de noble, devait récupérer la gestion du fief familial mais, refusant la tâche, il préfère s’adonner à des expériences mi-scientifiques mi-magiques. Et puis un jour, bing, il meurt. La mère se remarie avec le futur boss du bled. Ca ne plait pas du tout aux enfants qui partent à la recherche de leur père car… ils l’entendent leur parler. De là, s’en suit une quête dans des mondes fantastiques où il y a bien plus de place pour le dialogue et pour le respect des forces de la nature que dans le monde « civilisé », médiéval et chrétien. Le dessin est très chouette avec beaucoup de crayonnés, des nuances de gris et des personnes très-de-notre-époque avec leurs grands yeux manguesques.

Bref, c’est un beau bouquin à l’univers fantastique qui emballera ceux qui, comme moi, aiment bien replonger avec parcimonie dans ce genre de monde avec casques, épées et magie, mais malheuresement plombé par ce prix… « intergénérations ».

Martial

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Festival international de la bande dessinée d’Angoulême
27 au 30 janvier 2011 – site web.

L’Esprit Perdu (chez Dupuis)
Format italien, autour de 20 euros – site web.

Retrouvez la chronique BD de Martial sur les ondes de Radio Dijon Campus (92.2) tous les mardis à 8h40 et vers 12h20 pour la rediffusion.