La semaine dernière, une rumeur a enflé à nos oreilles et dans la ville en même temps que Kill Your Pop commençait à rythmer nos nuits. Le DFCO en ligue 1. Hé ouais ! C’est quand même autre chose que « Hello & Goodbye » de Candeloro au Zénith, bordel !

Etant, je vous l’avoue, un amoureux à mes heures du ballon rond, j’ai déjà passé pas mal de soirées dans les travées du stade Gaston Gérard  (inventeur du poulet du même nom), et je l’avoue, sans avoir peur d’être trop explicite, je me suis souvent bien fait chier ; footballistiquement parlant, j’entends. C’est pour ça que j’y étais pas retourné depuis longtemps. Parce que le plaisir au stade Gaston Gérard, il n’est pas souvent sur le terrain, mais plutôt dans les tribunes (à part peut-être la fois ou Sergeï Bubka est venu passé 6,12m pendant un meeting en 1993 – si je m’en fie au nombre de Dijonnais qui m’ont dit qu’ils y étaient ce soir là, le stade devait bien faire 80 000 places à l’époque).

Bref, Dijon en ligue 1, ça sonne comme une grosse blague mais ça commence à sentir le sérieux si on s’en fie au chiffres, qui ne mentent pas. En fait, avant ce match contre Laval (ça fait rêver), le DFCO était 4ème à 2 points du 3ème et là, ça commence à vous passionner, vous vous agrippez à votre petit ordinateur, vous tremblez en attendant la suite. Et je le sais, une question vous brûle les lèvres : « Est-ce que ce mec est allé au stade nom de dieu ? « 

Bin ouais ! C’est marqué dans le titre ! Comment qu’on aurait su que le merguez-frites était à 4 euros 50 si on n’était pas au stade ? Hein ? La mairie de Dijon offrait 4000 places pour ce match alors on s’est engouffrés dans la brêche. Un mail, 2 places dans la musette. On est partis pour la « marmite Gaston Gérard ». Ca a dû marcher leur histoire de places offertes parce que tous les parkings sont blindés à souhait. On est garés à 2 bornes… et on n’est pas en avance. Une clameur au loin, ah, on a raté le premier but. Eh ouais ! On n’est pas en festoche, ces cons ont commencé à l’heure. On monte les escaliers 4 par 4, et 1-0 pour Dijon.

On n’a jamais vu ça. À part la partie du stade réservée aux supporters de Laval (ils sont 4, chapeau les gars), le stade est plein comme un œuf. Le speaker annonce près de 11 000 spectateurs. Pas mal de minots avec leur père, des couples, des bandes de potes, ambiance assez famille. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu autant de coupes de cheveux « gélifiées/crêtées»,  l’esthétique du fotball… À vrai dire, y’a pas grand chose qui bouge dans le stade… à part les panneaux publicitaires flambants neufs, les coupes de champagne en loges (garnies elles aussi) et la grande attraction du lieu : les 2 kops dijonnais.

Pour les gens qui lisent Sparse plus pour les comptes-rendus des festivals Why Note que pour les matchs de foot, le kop c’est l’endroit du stade où se regroupent les mecs – la gente féminine y est effectivement peu représentée – qui hurlent le plus fort. Ils sont debouts, souvent en bas des tribunes derrière les buts. Ils peuvent ainsi créer des liens entre eux en détestant tous ensemble l’arbitre et l’adversaire. La grosse faute sanctionnée d’un carton étant une des actions les plus applaudies par le kop.

À Dijon, il y a 2 kops : les Téméraires, kop historique, et les Dogs (ou « kop Nord », ça fait plus pro). Passons très vite sur les Dogs. Ils sont 25, ont 16 ans en moyenne et n’ont pas d’autres volontés que d’être plus puissants que les Téméraires. Le genre souffre-douleur du collège qui se sent fort depuis qu’il a découvert le monde viril du préhooliganisme avec son sweat Lonsdale. Mais rien de bien méchant.

Les Téméraires, en revanche, on peut s’arrêter dessus : 150 types environ. Un mélange de bons vieux gars habitués du stade depuis des lustres (qui sont au dessus du kop, plutôt du vieux garçon qui s’est trouvé une passion et des potes à une époque ou les « Dogs » n’étaient encore pas nés) et de la « jeune garde » (sic) des bons gros bourrins vingtenaires qui s’en donnent à cœur joie. Ça chante pendant tout le match. Ce qui évite le silence complet dans le stade. C’est pour ça qu’on s’est posés derrière eux.

Je ne m’attendais pas un non plus à un florilège de poèmes, mais là leurs chants sont vraiment tous pourris. Ils reprennent les standards des autres clubs… type « Qui ne saute pas n’est pas Dijonnais », « Dijon c’est le brésil », etc… pas un ptit truc personnalisé, rien… On voit que les mecs font pas ça depuis longtemps. En particulier parce que le deglingo torse nu qui tient le mégaphone pour haranguer les foules devant pense à regarder le match. Ce qui ne se fait pas dans le milieu. Un bon ne regarde pas le match.

Deux minutes avant la mi-temps, une partie du public commence à s’en aller histoire de ne pas faire la queue à la buvette. Ils ont eu raison… c’est la jungle. Mais c’est beau à voir. Une buvette par tribune, 7 serveurs pour 3 000 personnes… On s’engouffre dans la masse. On repère le mec qui a l’air le plus déterminé. On se cale derrière lui (comme derrière une ambulance pendant un embouteillage). Tactique payante. On atteint le comptoir en un quart d’heure seulement. Y’a plus de pain. Bronca générale. On est tous potes dans le désarroi. On se rabat sur la frite. Seule valeur sûre dans l’enfer de la buvette du stade. Deux petits jeunes sont en train de se rendre compte qu’au stade, y’a pas d’alcool, tu bois de la Buckler. Tristesse dans leurs regards. On y retourne.

Deuxième mi-temps. Même ambiance. Public posé. Sauf les kops. 68ème minute, grosse frappe. But pour Dijon. Hystérie collective. Ola dans le stade. Ban bourguignon, 7th nation army (qu’on appelle ici « Popolopopopo » – le fan de foot n’est pas forcément fan des Whites Stripes, d’ailleurs il connaît pas et il s’en bat les couilles). Enfin grosse ambiance dans le stade. On a cru qu’on n’allait pas entendre le public insulter l’arbitre en coeur, on est rassurés. Ça fait chaud au cœur. Les mecs des Téméraires sont torses nus. Ça fait tourner les drapeaux dans tous les sens. Et on a presque versé notre petite larme quand les 2 kops se sont répondus « Aux armes ».

Fin du match. Les gens sont visiblement plus heureux. Comme quoi, c’est simple. Tout le monde ne parle que de Ligue 1 et de derby contre Auxerre. Aussi d’impôts qui vont augmenter à cause de la montée et que le parking, il est mal foutu, bordel ! Et en plus, les 2 équipes n’ont pas trop mal joué. 2-0 pour Dijon. Ah, après on est allés voir Deerhunter à La Vapeur. Trop de guitares pour nous, 1-0 pour le bar.

Photo : Liverpool… c’est pas Dijon ; Merguez frites ; buvette au Parc des Princes