Hold-up dans le monde merveilleux de la bédé.


Non, non, il ne s’agit pas d’une bédé sur Al Capone, d’une énième réédition de Jerry Spring ou des Pieds Nickelés. C’est un livre de Manu Larcenet, L’armure du Jakolass. Un véritable crossover entre l’univers déglingué et funny de not’ Larcenet et… Valérian, le vagabond des limbes. Oui, oui le Valérian des années 70 qui faisait rêver vos cousins, vos frangins et vos parents. Et oui, toi plus jeune encore attiré par l’étrange lucarne, c’est le même gonz’, Valérian, que tu regardes en sous-série animée sur Game One. Bref, le Valérian, c’est quelqu’un.

Enfin, c’était encore quelqu’un avant que Larcenet ne s’en empare. Valérian, pour moi qui connait pas, c’est le prototype du héros chiant. Le type se balade en soucoupe volante, va croiser des monstres verts et pis ensuite il retourne tout pépère dans son vaisseau parce que c’est la page 48 et que le bouquin est terminé. Bon, après renseignements, c’est un poil plus poussé que ça les scénar’. Il est question de retour dans le passé, d’un univers super beau, super riche, un poil psyché mais beaucoup trop baroque pour moi. Mais bon admettons, maximum respect à tous les massives de Valérian.

Là, c’est avec la délicatesse du cochon d’comptoir que Larcenet s’empare, kidnappe not’ gentil héros. Oubliez, pour ceux qui ont le souvenir, le personnage brun plutôt classe, sportif, habillé par Paco Rabanne dans sa combinaison argentée. Là, pas d’bol, un gros vilain a transmuté not’ héros dans l’corps d’un inoffensif humain du XXIéme siècle, alcoolo notoire, moustachu et abonné au rade « Chez Francisque »… Tout le taf va consister à redonner le VRAI beau corps de Valérian. Pour ça il faudra passer des épreuves et des épreuves. J’peux absolument rien dire. Le scénario est redoutable.

Honnêtement c’est juste classe la façon dont Larcenet tord l’univers et l’esprit de la bédé. Il est à deux doigts du sarcasme et du grossier. A deux doigts et ça change tout… Cette bédé kidnappe, opère un véritable hold-up de Valérian, mais pour lui faire du bien. En faisant disparaitre la dimension space opéra, il fait plus ou moins la même chose que tous les réalisateurs de westerns spaghetti dans les années 60. Il décadre son personnage, accentue le comique ou la gravité de la situation, et surtout gonfle à bloc les aspérités des personnages. Le rythme ne nous donne pas les temps de nous ennuyer, le scénar’ rebondit bien et notre Larcenet a chiadé ses couleurs. C’est magnifique ! Ce « Valérian, finalement, chez Francique » est le tome 1 qui en appellera surement d’autres même si celui-ci est un one-shot.


Maintenant des bédés de « genre »… Vous savez, celles qui plaisent bien aux garçons. D’abord le tome 0 des Chroniques de la lune noire, ça s’appelle « En un jeu cruel » et c’est la genèse des chroniques… Où on apprend qui est le père, la mère de Wishmerhill, comment il a grandi et quelles forces s’amusent de lui. Bon, c’est de l’héroic fantasy qui n’intéressera que les types, qui comme moi, on tous les tomes de cette série. Mais entre nous, cette histoire est inutile et se complait dans la violence.

Sinon autre genre de livre pour les garçons, cette fois avec des dames et tout et tout. C’est Mona Street, dans une belle édition intégrale, avec des histoire inédites. C’est très coquin, c’est de l’erotos tout en dentelle, avec beaucoup de dames qui s’aiment beaucoup beaucoup. C’est encore un Italien qui tient l’pinceau, Leono Frollo. Sa fausse ingénue pratique l’humour autant que l’amour – t’as vu classe la formule. Et le dessin est d’un réalisme cotonneux, noir et blanc magnifique. C’est extrêmement classique et ravira les amateurs.

Martial

Valérian vu par Larcenet, L’armure du Jakolass  – Dargaud, 12 euros
Chroniques de la lune noire, tome 0, Angleraud et Froideval – Dargaud, 14 euros
Mona street, Leone Frollo – Delcourt, 22 euros

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Retrouvez la chronique bédé de Martial sur les ondes de Radio Dijon Campus tous les mardis à 8h40 et vers 12h20.