Toujours pas d’avis de tempête sur le fort de Saint-Père. Presque pas de nuages au-dessus de nos têtes et pas plus de déluges soniques prévus sur scène. La Route du Rock en est à son deuxième jour et le calme règne toujours, à part quelques soubresauts qu’on va égrainer ci-dessous. Sinon, marrant : après le concours de sosie de Patrick Watson de la veille, ce samedi c’est déferlante de jeunes hipsters lorgnant férocement sur le rassemblement du fan-club coloré de The XX. Au moins aujourd’hui, les filles sont jolies. En en guise de concours de sosies, ce sera concours de Souxies…

On a loupé le concert de Veronica Falls, donc on pourra pas vous dire si elles ont rempilé question cols Claudine, ce qui avait fait sensation au dernier Novosonic à Dijon. On en connaît deux qui auraient pu nous rencarder si le stand Jack Daniels ne rinçait pas à l’œil au bar VIP (noms et prénoms par retour de courrier sous pli discret, mais oui, ils sont Dijonnais).

 

On passe un cran dans l’énergie avec Savages. Le groupe de filles de la programmation 2012. Entre résurgences coldwave et accès frénétiques de power pop, les quatre minettes font taire les mauvaises langues qui pensent d’emblée à un coup monté pour séduire les quadras. C’est aussi ce qui marque, à bien y regarder. Vingt ans d’âge moyen et tout ce qu’il faut pour jouer dans le répertoire des grands. Esthétique aussi cold que classe, le girls band emmené par une Palma Violets montée sur Louboutin balance pour la première fois en France leur set post-punk. Et on peut aussi convoquer la panoplie quadra du public Route du Rock : Patti Smith (première époque énervée), Ian Curtis et ses danses carnatiques, forcément lyrisme à la Siouxsie… Le reste des icônes passent et se font mastiquer par un son terrible posé sur une basse monstrueuse et une gratte qui passe sans trembler de la noise au surf le plus hot spicy. À suivre… Pour l’instant, à Saint-Malo, on redescend doucement dans la cold bien frappée. C’est Lower Dens qui vient se perdre en scène. Perdue, peut-être, mais c’est toujours la chanteuse Jana Hunter qui tient les clefs du camion. Le concert dijonnais avait laissé un goût « mur de guitare ». Ce passage malouin est assez loin de ça. Place est faite à la lenteur, le psychédélisme ne ressort qu’à l’occasion d’un ou deux morceaux. Les titres s’étirent et parfois l’ennui peut faire piquer du nez le spectateur inattentif. Le vrai truc qui dérange en ce début de soirée, c’est le concours Siouxsie Sioux like. Les voix féminines éthérées c’est chouette mais pourquoi sonnent-elles forcément comme celle de la prêtresse punk anglaise ? A quand un concours de Plasmatics like ? Ca changerait.

Trois ans plus tard, les nouveaux titres
joués par The XX donnent la direction et le
style de la procession funéraire : pop-step

Ensuite, on les attendait avec envie : The XX. Le trio sortait tout juste de studio et du Sziget festival. Ce qui veut dire que de nouveaux morceaux allaient tomber et que le DJ set de Jamie XX allait être annulé en fin soirée, « parce qu’il était fatigué ». Sur la scène un énorme X en plexi avec projo dessus. Gros jeux de lights et trois petits corps tout en noir et fond de teint blanc. Les nouveaux titres tombent au milieu des tubes du premier album. A l’aube des années 2010, avec le disque XX , le groupe posait une nouvelle fois un avis de décès de la pop et du rock. Trois ans plus tard, les nouveaux titres joués à St Malo donnent la direction et le style de la procession funéraire : pop-step. Une touche de basse et guitare plaintives, et un squelette de dubstep. L’invention du mix électro/rock n’est pas nouvelle mais on pourra cocher dans L’Atlas des étiquettes pour journalistes une nouvelle entrée complètement british grâce au trio. Les nouveaux titres n’ont pas sur scène la force et la classe des tubes comme Crystalised ou Intro. Loin d’être décevant, ça donne envie d’écouter l’album Coexist à la rentrée pour savoir si tout n’a pas encore été dévoilé et que le meilleur reste à venir. Peut-être pour coller avec la densité du dubstep, les XX ont retouché et ralenti des morceaux comme Open Space. Déjà que ce n’était pas le groupe le plus speed, la modif’ a pour effet de doucher les ardeurs de ceux qui attendaient que ça envoie du pâté. Tant pis pour eux.

Après l’immobile convoqué par The XX en version grand-messe minimale, derrière la tour de régie, on nous refait le coup du solo sulfureux. Willis Earl Beal est seul et noir. Pas franchement musicale comme remarque mais à bien y regarder, c’est peut-être un détail pour vous mais ça peut vouloir dire beaucoup. Le gazier est prêt à en découdre avec les clichés roots et groove à lui tout seul. Outillé d’un seul Revox où il a calé au préalable tout le son dont il aura besoin pour éructer ses hoquets soul et ses élans venus du bassin. Ça gueule d’emblée, ça harangue comme gueulaient les aboyeurs au coin des théâtres de boulevard. C’est grand-guignol, exagéré, pauvre musicalement mais ça défouraille sévère question tripes et sueur. Un peu l’arrière-petit-fils de Screaming Jay Hawkins. Gazza aurait sans doute trouvé là un peu de ce qui lui manque dans la prog’ du festoche malouin. Sérieux, il a la trempe et le côté fumiste qu’il faut : « si vous n’aimez pas ma chanson, vous me botterez le cul. Et si on me botte le cul, ce sera bien la première fois ! » Personne n’est monté, ceux qui sont restés secs ont tourné les talons. C’est ce qu’aurait peut-être dû faire Mark Lannegan et rentrer à Carhaix où sa musique aurait été plus à l’aise en marge d’un set de Springsteen. Oui le gazier a beau être un vieux de la vieille et venir des Screaming Trees, là il n’est qu’un vieux et la vieille ne s’émeut plus depuis longtemps. Bon, le gratteux de gauche qui est le seul à grader un peu de classe fait des solos de tarés mais nous on aime pas vraiment ça les solos, quand ya pas de drones qui déboîtent le reste autour. On se serait cru au festoche du Blues de Talant, qu’on aime beaucoup (big up Gérard). Mais c’était pas du tout ce qu’on attendait. C’est à ce moment qu’on a laissé les derniers guerriers du 2-1 finir leur soirée au bar VIP et au camping festivalier jusqu’à 07h du mat’. On attend de voir leur tête demain.

– Martial & Badneighbour

Photos : The XX (Benjamin Lozninger) – Gendarmerie (Vincent Arbelet)