Salut les fluokids. Je sais que vous lisez votre magazine en ligne préféré depuis un club de Berlin, une plage de Hyères ou encore de la route de la dépression et du rock à Saint-Malo. Mais chez Sparse, en ce moment, c’est plutôt « vacances pour ceux qui restent ».

On vous avait livré il y a peu la liste des choses à faire à Dijon en été. Mais tu peux aussi aller chercher l’aventure pour pas cher à quelques encablures de chez toi : baignade à Grosbois, voile à Panthier, concours de pétanque sur la côte (de Nuits, pas d’Azur). « Ça vous tente de faire les courses à Vitteaux, j’y vais dimanche prochain ». La question est tombée un soir de barbecue estival.

– Les courses ? Allez sur le marché ?
Non, les courses hippiques.
– Y’a un hippodrome à Vitteaux ?
Oui, y’a des courses tous les premiers week-ends de juillet et d’août depuis 77 ans.
– Ah ouais, quand même…

D’habitude en juillet, on est sur Dièse et en août, on est au bord de la mer comme de bons vieux bobos dijonnais. Là, on est dans le coin. On a raté la fête de l’andouille et du cornichon de Bèze (sic) cette année, ça nous donne l’occasion de nous rattraper.

Quarante minutes de route, au cœur de l’Auxois. Cinq euros l’entrée. Tu paies pour dépenser ton argent ? Comme à la foire gastronomique ? L’hippodrome est au milieu des champs. En pente. Les tribunes doivent pouvoir contenir pas plus de 200 personnes. Les autres spectateurs sont sur les pelouses des buttes, le long de la ligne droite. La buvette, les guichets de paris et les tribunes sont désignés par un architecte. Stylé à la Shigeru Ban avec des voiles. Agréable. Il fait beau. Ambiance « chic et champêtre » ; il n’y a pas l’air d’y avoir un Dijonnais. On ne sert presque aucune paluche. La foule est nombreuse (environ 1500 selon les organisateurs), et familiale. Beaucoup de gens du coin nous font comprendre que « quand même, les courses à Vitteaux, c’est quelque chose, on n’est pas à Longchamp ici ». Même si on remarque pas mal de gens endimanchés.

On n’est jamais allés sur un hippodrome
un jour de course. On n’a même jamais
parié dans un PMU, à part au Rapido.

On rejoint le pote qui nous a invité. Il nous explique comment ça se passe. On n’est jamais allés sur un hippodrome un jour de course. On n’a même jamais parié dans un PMU, à part au Rapido, vous savez, le jeu inventé pour que les piliers de bar puissent dépenser leur pognon toutes les 10 minutes. On a besoin des clefs.

Il y a 7 courses dans l’après-midi. Une toutes les demi-heures. De l’attelé (trot) et du plat (galop). Après chaque course, on parie sur la suivante. Il faut aller parier aux guichets, là-bas il y a une dizaine d’agents du PMU avec des ordinateurs qui prennent les paris et te font les calculs.

« Tu peux parier sur un cheval gagnant, ou sur un ou plusieurs chevaux placés, mais ça te rapporte moins, forcément. Tu peux parier un ‘couplé’ ou ‘trio’. Il y a des tableaux qui te donnent les paris en cours ». Y’a des chiffres partout comme à la bourse. On comprend rien. Ok, on pariera un cheval gagnant à chaque course.

Mais quel cheval ? À l’entrée, on te distribue un programme. Dessus, il y a toutes les courses, les chevaux, les propriétaires, les jockeys, le poids du jockey pour le plat, un petit pronostic de Geny courses -partenaire de l’événement- et tellement d’infos qu’il te faut un lexique à la fin du programme. À l’intérieur du truc, y’a tous les résultats de tous les chevaux de toutes les courses durant leurs 5 dernières compétitions… Épais comme le bottin. On croit d’abord qu’on s’en servira pas.

Première course. On a parié sur le 5, Titan de Bertrange, « pas incapable de surprendre » selon Geny courses. On met 3 euros. De toute façon, on a emmené 20 euros et on a laissé la carte bleue à la maison. Des fois qu’on s’emporterait…

Entre chaque course, on présente les chevaux
de la course suivante et on présente le
jockey gagnant de la précédente. Le tout
animé par la star de la journée : François Sauvadet. 

Bing ! 2 tours de piste, 2600 mètres. La course est commentée en direct par le speaker. Qui mène, qui est disqualifié, dans un débit de parole hallucinant. Le public est chaud quand les canassons passent dans la ligne droite des tribunes. On se prend au jeu. « Allez, allez, va au bout ! » Notre poulain arrive deuxième. Damn !

On est chaud, on retourne parier : « 3 euros sur le 11 dans la 2ème ». C’est cool de prononcer cette phrase. Ça fait vieux film de mafieux. Le cousin de notre pote passe. Un passionné. « Joue sur le 15, placé ». Il passera nous voir à toutes les courses. Que des mauvais tuyaux. Heureusement qu’on ne l’écoutera pas. 2ème course, le 11 se fait fumer par tout le monde. On commence à jeter un œil sur les statistiques avant le départ de la 3ème. « Si tu veux te faire du pognon, parie sur les outsiders, les canassons qui ont pas l’air trop fort non plus. Si tu parie sur les favoris, tu vas gagner quoi ? 5 pour 1 ? De la merde. » On suit le conseil du voisin, et on met 2 euros sur le 2, Ungheni, gagnant. Il a eu des bons résultats, mais a pas trop gagné. Pratiquement personne ne parie dessus.

Il mène dès le départ. Il gère. « Te fatigue pas trop, allez… tiens le coup, dernière ligne droite… BANCO MON POTE! » Comme au stade, on hurle comme des veaux. Le jackpot ! Combien ? On retourne au guichet empocher les gains : 25 euros. Ah, ça donne envie de parier 100 euros plutôt que 2. Faut fêter ça. On fonce direct au bar. Champagne. La bouteille à 20 euros. C’est honnête. On est heureux comme des gamins qui viennent de gagner le « chamboulle-tout » de la kermesse de l’école.

Entre chaque course, on présente les chevaux de la course suivante et on présente le jockey gagnant de la précédente. Le tout animé par la star de la journée : François Sauvadet. Regardez-le comme il est à l’aise, à la maison, dans son ptit costard crème (hé ouais, c’est l’été). Il est ici chez lui. Il connaît les gens par leur prénom, il serre plus de mains que les jockeys, il évolue au milieu des notables du coin qu’on peut reconnaître grâce à leur costard crème, ou à leur robe de mariage. Il est fan de chevaux. D’ailleurs, c’est sa femme qui est présidente de la société des courses.

Les courses défilent, les gens dépensent. 51 000 euros nets de bénef pour la première journée de courses en juillet. « Le 8 dans la 4ème gagnant », « le 6 dans la 5ème gagnant ». On est chaud, on est dedans. On connaît les stats. On perd. Dans la 6ème, on est sûr de notre coup, on parie sur un des favoris, monté (on dit « drivé » dans le jargon) par une jolie petite jockey. On mise dessus un peu pour ça. Sagrada -c’est son nom- défonce tout le monde tout le long de la course. On gagne. 10 euros ! Bing ! Champagne !

L’après-midi finit tranquillement. On s’est fait 35 euros. On a dépensé 25. Pas mal. Notre pote du cru, qui joue placé, a gagné presque toutes les courses mais ne s’est fait que 16 euros. Il prend des tickets de loterie. On peut gagner un cheval.

– T’en ferais quoi chez toi ?
Bah, je le revendrais


– Pierre Hettbress

Photos : Vitteaux.fr