Bon, okay, ça fait des semaines que j’ai pas causé bédé ici. Je vous fais confiance, vous avez trouvé de quoi lire tout seul comme des grands. Sinon, vous aviez qu’à écouter les mardis matin Radio Campus vers 08h40, parce que faut pas croire, là, j’vous ai balancé de l’info bédé depuis le mois de septembre…

Aujourd’hui comme c’est l’actu, j’cause cyclisme. Pas encore un livre sur l’affaire Armstrong, la chute et la mort d’une légende, mais un bouquin L’Écureuil du Vel’ d’Hiv par Lax, qui, quand même, percute l’actualité.

Certains ici, fans d’Henri Desgrange, fondateur du Tour, et amateurs des Louison Bobet et autres Luis Ocaña, savent que le cyclisme italien de l’immédiat après-guerre est en deuil. Vendredi dernier est mort Fiorenzo Magni, triple vainqueur du tour d’Italie et du tour de Flandres, entre 1948 et 1951. Ce type aurait dû être la grande star de l’Italie, il était le grand rival des Fausto Coppi et Gino Bartali. Cet Italien était même surnommé le « Lion des Flandres » par les Belges. Imaginez le truc ! Un type qui aurait pu être le grand Monsieur du cyclisme italien mais qui au contraire se faisait siffler par une partie du public français ou italien. Un public qui le forçat même à l’abandon sur un tour de France alors qu’il portait le maillot jaune. Pourquoi ? Pour deux, trois broutilles. En 1940, en Italie, il décide d’enfiler une chemise noire, plutôt qu’un paletot de coureur. Et avec sa milice, il participe à un massacre à Valibona.

LE CYCLISME SOUS L’OCCUPATION. Bon, je vous rassure, l’Italie reconnaissant les siens, il deviendra quand même sélectionneur de l’équipe d’Italie et recevra dans les années 2000 l’équivalent d’une légion d’honneur. L’Écureuil du Vel’ d’Hiv nous montre l’autre face d’un cyclisme sous l’occupation. Là, c’est une fiction, hein… L’histoire de Lax se passe à Paris. Sam Ancelin est le champion national de cyclisme sur piste. Pendant l’occupation, faut pas croire, Paris savait encore se distraire. À l’époque, le cyclisme sur piste est l’un des sports les plus populaires. L’idole est notre petit Ancelin et contrairement à d’autres, il refuse la fraternisation avec les troupes de la Wehrmacht. C’est pas le cas de son père, médecin, notable parisien qui refuse pas une partie de cartes avec les dignitaires nazis au Lutécia. Pendant que Sam tourne, que papa tape le carton avec l’occupant, le p’tit dernier Eddie écrit dans des journaux anti-collabo comme Combat.

Vous le sentez peut-être, courses et jeux, jeux et politique, ça sent le pari truqué, et c’est effectivement ce qui arrivera… Vous l’avez compris aussi, L’Écureuil du Vel’ d’Hiv est une bédé historique, et si les personnages de Lax sont fictifs, le contexte et tous les événements qui emballent l’histoire de notre cycliste sont vrais. On passe forcément par la rafle du Vel’ d’Hiv et tout plein de petites histoires comme des arrestations, des manifs parisiennes, des départs pour le maquis ou des ch’tits trucs comme la décision des occupants de repeindre les verrières du vélodrome en bleu et l’interdiction d’utiliser des lumières fortes pour cause de défense passive.

C’est pas le premier coup de Lax sur le cyclisme, il avait déjà fait un truc sur les premières années du tour de France, assez chouette, et sur le Paris-Roubaix. Son dessin est super réaliste, très précis, riche mais pas fourmillant ou en tout cas ça ne donne pas l’impression de remplir les cases juste en saturant le regard, même si à coup sûr, les bécanes, les maillots et tous les détails de Paris sous l’occupation sont hyper documentés, jusqu’aux résultats de courses cyclocross en 1943 ou 1944.

Ses personnages sont nerveux, secs. Quand ils sont sur leur vélo, on ressent la vitesse. L’histoire est bien racontée. Et si au départ, il faut aimer l’histoire, l’époque ou le cyclisme pour se lancer dans la lecture, je vous assure qu’on oublie assez vite la pure course sportive. Parce que c’est un bon bouquin. On finit même par croire que l’honneur du cyclisme se trouve finalement ailleurs que sur la route, dans les bouquins.

RATTRAPAGE. D’autres bouquins récents méritent votre attention. D’abord La Grande Odalisque de Ruppert & Mulot et Vivès. Une histoire originale de deux monte-en-l’air 2.0, sortes d’Arsène Lupin pour la drague et de Cat’s Eyes pour le physique. C’est rythmé, intelligent, habillement dessiné et raconté par cet improbable combo scénaristes et dessinateurs à 6 mains.

Texas Cowboys, de Trondheim et Bonhomme, est une histoire du far-west un peu décalée mais avec le souci et le respect des codes du genre. C’est l’histoire d’un jeune scribouillard envoyé chez les culs-terreux pour raconter aux gens de la ville le wild wild west. Le livre est monté comme un feuilleton de l’époque avec à chaque partie une couv’ intérieure. C’est très bien, un vrai plaisir de lecture.

– Martial Ratel

Texas Cowboys, Bonhomme et Trondheim – Dupuis, 20 €
La Grande Odalisque, Ruppert & Mulot et Vivès – Dupuis, 20 €
L’Écureuil du Vel’ d’Hiv, Christian Lax – Futuropolis, 16 €

La chronique bédé est un partenariat avec Radio Dijon Campus.