C’était la dernière de Kill Your Pop. Dernières soirées sous le signe d’un festival rock-indé-électro bricolé par les loulous de Sabotage. Pour une dernière, on (organisateurs-festivaliers) aura évité le truc lacrymal type : « C’était bien quand même ! Pourquoi arrêter ? » Les raisons étaient connues depuis un moment : marre de faire le même festival depuis 10 ans, marre de tirer les cordons de la bourse jusqu’à l’étouffement, envie d’autre chose… On croit savoir aussi que Kill Your Pop fusionnera avec Novosonic, son festoche frère, quoique plus post-rock que KYP. On nous dit même que du coup, le festival sera beaucoup plus gros, plus riche donc plus ambitieux au niveau des têtes d’affiche.

En dix éditions, Kill Your Pop aura été une bouffée d’oxygène à Dijon. Il faut se souvenir qu’en 2004, les groupes à guitares, pop et compagnie, n’étaient plus franchement en vogue. Et comme on était grave à courir après les tendances, on avait un peu oublié que la pop et ses affiliés avaient encore quelque chose à nous dire. Petit à petit, le truc a évolué aussi. Qui aurait misé sur des soirées électro ou dubstep à Kill Your Pop ?

On ne va pas égrainer nos souvenirs depuis 2004 mais on se souviendra que des types comme Sébastien Tellier ont fait leurs premières dates dijonnaises dans KYP. Que certains artistes confidentiels mais « cultes » ont joué devant 20 personnes, parfois venues de très loin (Josh T. Pearson par exemple). Bref, Kill Your Pop c’était bien, c’était de la passion, de la découverte, une orga besogneuse mais avec le smile… Y’a intérêt que le festival remplaçant soit aussi bien ! On compte aussi sur la bande de Saboteurs pour continuer à programmer dans les rades ou dans les salles toute l’année. Lâchez rien ! Allez, retour quand même sur cette dernière édition collector.

The Wave Pictures

Mercredi. The Wave Pictures – Ferronnerie. 

Au-delà des pulls de ski trop larges et trop vieux portés par les trois britanniques, la folk popeuse est pas mal. Des fois y’a même des accents Violent Femmes. Pas mal.

Jeudi. Dave.I.D – Ferronnerie

Un set de 30 minutes, un synthé, un air de s’emmerder grave. Pas trop de monde. Dommage. Dave restera nourri-logé sur tout le festoche. J’espere qu’il a fait la vaisselle.

Anika

Anika – Verity Susman – Fear of Men – Atheneum.

Pour Anika et son groupe, les balances sont une vraie galère. L’ingé son reste placide mais rien n’est en place. Une heure trente de retard sur le planning parce que la belle est accompagnée de nouveaux musiciens et ils n’ont visiblement pas pris le temps de répéter. On s’en rendra compte plus tard durant le concert. Elle est même obligée de faire écouter au casque ses morceaux au sondier pour qu’ils trouvent le bon réglage de la reverb. Le concert est bien. On sent Anika sur la brèche, gère en temps réel ses zikos. Le mec au clavier bousille le dernier titre, ne sait pas quelle partie il doit jouer, mais la magie de son post-punk dubisant opère. On adorait l’album et le EP, on est servi. Et en plus Anika laisse tomber le noir corbeau de la coldwave pour une jolie robe coquelicot.

Verity Susman et son électro-pop planante ouvre bien la soirée avec sa moustache, ses voix off et projections LGBT militantes. Les Fear Of Men enchaineront. On a un peu oublié le set tellement c’était classique C’était de la pop, nan ?

J.C. Satan – Péniche Cancale.

De loin les plus drôles du festoche. Sympas et qui se prennent pas au sérieux. La moitié des Cranes Angels, deux italiennes et un batteur remplaçant (le titulaire s’est pété le poignet). J’aurais certainement pu vous dire que c’était assez mélodique et créatif si j’avais réussi à entendre quelque chose derrière le mur de guitare. Trop fort. Les oreilles ont saigné…

Luke Abbott

Vendredi. Luke Abbott – Rone – James Holden – Spitzer – La Vapeur.

Holidays à l’apéro gratos à la Ferronnerie, les p’tits jeunes sont sympathiques. On s’attendait à du shoegaze, en fait c’est simplement rock. Ah, et on prend aussi l’habitude maintenant de boire ses bières à l’intérieur de la Ferro, parce que si les flics passent et que tu es sur le trottoir, ils bouclent tout. Voilà. Grosse affiche ensuite à La Vapeur avec une prog’ digne d’une soirée aux Nuits Sonores. Ca fait déjà super plaisir avant même d’y aller. Luke Abbott en warm up dans un club surblindé et chaud. On l’avait déjà vu quelques mois plus tôt à la Péniche Cancale pendant Résonances, c’est toujours aussi frais et groovy. Rone ensuite en grande salle, les gens deviennent vite dingues (et ivres). Le mec prend sont pied derrière sa machine, le live est agréable. James Holden, le patron du label Border Community, entre en scène. La salle s’est à moitié vidée pour aller recharger au bar. Mais rassurez-vous, elle se remplira à nouveau petit à petit sous les grands coups de techno experimentale de l’Anglais. Comme on s’y attendait, le set est moins accessible, on sent que le public venaient plutôt pour le frenchy avant lui. Mais bordel, James Holden à Dijon, c’est quelque chose. Un souvenir mémorable pour tout amateur de musique électronique.

A Certain Ratio

Samedi. A Certain Ratio – Sinkane – Le Consortium.

A Certain Ratio, ce sont les légendes du festoche qu’on attend. Des légendes comment ? Vieillissantes ? Fatiguées ? Blasées qui courent le cachet (les sous, hein) ? Non, A Certain Ratio a réussi à conserver le plaisir intact. Ils ne font que 10 dates dans l’année. Choisissent avec soin les festivals et les pays où il se déplacent. Le discours de Boris, le programmateur, les a convaincu. Ils n’étaient pas venus en France depuis deux ans, jamais à Dijon. Jouer dans lieu d’art contemporain comme le Consortium les branchait et le reste de la programmation leur parlait. On a eu le plaisir de passer 50 minutes en interview avec eux pour Radio Campus. Anecdotes d’époque, un mot sur Tony Wilson, Factory et Joy Division. Trois des membres du noyau de départ nous causent sans sembler répéter encore et encore les même pages d’histoire.

Sur scène, comme disent nos amis musiciens, « ça joue ». La basse groove, c’est froid comme du post-punk, la voix soul, au choix, réchauffe un peu le tout ou le plombe. On navigue entre les années 80, avec Shack Up, ou 90 avec une TB-303 qui traine par là sur un morceau. On a une pointe 2000 avec Do The Du, que James Murphy aurait utilisé sur une de ses premières mixtapes. On est clairement dans un son entre NYC et Manchester. C’est classe. Le premier rang du public se déhanche, le son bien que daté faisant encore son effet. Un beau moment d’histoire et de musique vivante.

En début de soirée, Sinkane avait envoyé sa funk vocodée et afro-pop. C’est pas mal du tout… pas à se taper le cul par terre quand même. Ça donne envie de réécouter son album Mars.

The Georges Kaplan Conspiracy – Péniche Cancale.

Arrivé à la péniche vers 23h, la salle est pleine comme un œuf. Ça fait la queue devant : hype effect. C’est calé, super bien fait malgré les 2-3 problèmes techniques au clavier. Le bassiste enrobe le tout avec classe. Et un public chaud de braise composé de fans dijonnais. En espérant qu’ils ne prennent pas le melon. Ah, et Sinkane est venu nous faire un mix en fin de soirée avec son téléphone et ses tubes du grenier. Oscillant entre Rick James et Rihanna. Incompréhensible.

Cut Hands

Dimanche. The Soft Moon – Cut Hands – Le Consortium.

On avait déjà vu et interviewé The Soft Moon il y a un an à la Route du Rock. On n’était pas d’accord. L’un avait trouvé ça vachement bien, l’autre était plus réservé. Bon, bah pas de bol l’autre a encore trouvé ça « entre deux eaux ». Le titre Parrallels est toujours aussi bien, mais définitivement The Soft Moon n’a rien à dire. À part, quelques cris primaires proto-punk à la Suicide, notre type se contente d’envoyer encore et encore la même artillerie d’un morceau à l’autre. Alors, c’est sur, si on aime ce son, on prend du plaisir. Mais franchement, au bout d’un moment ça tourne en rond, nan ? On oubliera les pains techniques : le groupe qui arrive 30 minutes avant l’ouverte des portes et qui ne balance pas, la sono qui rend l’âme… C’est loin d’être honteux mais ce n’est pas convaincant surtout (oui désolé) qu’à la Route du Rock, le son était énorme et au moins ça massait le groin.

Par contre, celui qui s’est pas gêné pour envoyer du gros, c’est Cut Hands avec son électro tribal dark de maboule. Projection vidéo noir et blanc entre shamanisme, rites voodoo caraïbe, animisme d’Amérique du sud, symboles satanistes… Il veut la fin d’un monde et l’avènement d’autre chose, lui. Sa musique polyrythmique est clairement « core » entre mid tempo et dubstep pour finir en boom boom tribal avec beaucoup de percussions et des nappes stridantes. Il est seul aux machines, envouté par son set. Nous aussi. Une grosse grosse claque.

 

– Martial Ratel, Jean-Pierre Descombes et Pierre-Olivier Bobo 

Crédit photos : Haut les Badges