Max Weber en avait montré les raisons, il y a longtemps, dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme : la tendance anglo-saxonne consiste à étaler sans aucune honte, bien au contraire, son opulence. Il arrive donc très rarement aux MC’s américains de déplorer le pouvoir du dollar, et quand ils le font, on sent bien qu’ils n’y croient pas une seconde.

rap et thune 3

Ce côté « droite décomplexée » arrive depuis quelques temps en France, où le souhait de faire son racailleux du dimanche a enfin pris le pas sur les commiserations marseillaises d’Akhenaton ou les prêches relous d’un Rockin Squat. En ces temps de moralisation de la vie publique, on en arriverait même à célébrer la pauvreté relative de nos amis les rappeurs (voyez plutôt) comme s’ils avaient fait voeux de pauvreté. La vraie galère étant, c’est bien connu, un authentique signe d’intégrité. Un comble, quand on sait à quel point tous les efforts des lyricistes consistent, de façon bien gentillement bourgeoise, à accumuler des fonds et à faire tourner la machine à compter les billets. Cela dit, et à leur décharge, loin de constituer des comptes épargnes et autres bas de laine comme de vulgaires rentiers, les rappeurs -ces nouveaux riches- font tourner l’économie, investissent, crament leurs billets, allant jusqu’à racheter un club de NBA comme Jay-Z ou claquer de la maille dans l’immobilier à Miami comme B2O.

N’y voyez aucune vertu sociale. L’origine du potlatch était guerrière, elle consistait à épater la galerie, à humilier l’adversaire en l’écrasant de cadeaux. Alors que la dépense du rappeur est exclusivement pour sa gueule ou pour les quelques biatches qui croisent sa route, et encore, c’est pas de gaieté de coeur qu’il lâche quelques biftons. Il s’agit en fait pour lui d’avoir au plus vite tous les signes distinctifs de ce que serait une vie réussie, apparemment indissociable de son ostentation.

En toute innocence, l’ami Booba préfère l’avouer sans détour : « J’aime le matériel. Tu me balances un nouveau produit, je le veux ». Quant à ses responsabilités face à ses parfois très jeunes auditeurs, il en avait déjà parlé il y a un petit moment : « Pas ma faute si les p’tits pensent à Tony devant leur P’tit suisse ».

 

Pour écouter la playlist, ça se passe ici.

Avec Puff Daddy, Ideal J, Devin The Dude, Kendrick Lamar, Booba, 2Pac, Zoxea…

– Tonton Stéph