Cette semaine, une bédé tout en musique avec un artiste qu’on aime beaucoup chez Sparse. J’aurais ta peau Dominique A, par Le Gouëfflec et Balez. Cette bédé est bien, mais sans rien vous dévoiler de l’intrigue que ce soit Dominique A, Dominique B ou Abd al Malick ça ne changerait pas grand chose dans la mesure où le duo s’est avant tout fait plaisir avec un chanteur qu’ils aiment bien.

J'aurais ta peau

En choisissant la figure de Dominique A, on est à la fois dans les coulisses, ce que le public ne voit jamais, et dans de la fiction pure. Dominique A comme figure mais comme tronche aussi. Parce que Dominique A, c’est un physique : la boule à zéro, de bonnes petites épaules carrées et une gouaille. Dans ce bouquin on cherche à abattre le Dominique. Pour quelle raison ? Une vengeance ? Un fan déçu ? Ou un autre musicien jaloux ? À moins que le star system, l’angoisse, la parano ne touche l’intègre, l’authentique et estimable Dominique A… Voilà pour l’intrigue, la face A de ce thriller.

La face B, les coulisses sont le cœur du livre. On croise un Dominique quasi dépressif, un Philippe Katerine, genre meilleur pote de Dominique A, espèce d’histrion, gentil diable d’un Dominique paniqué, à qui il n’hésite pas à lâcher quelques petites vérités…
On a bien sûr des scènes de live, des concerts, et ce sont toutes ces parties très réussies, et en grandes parties fantasmées, qui font que le livre tient debout et très bien, hein. C’est pas pour dire que finalement c’est pas terrible. Au contraire, c’est pour insister sur le plaisir de lire ces à côtés du personnage public, drôles et finalement pas loin de ce qu’on pourrait imaginer. C’est vrai : qui de mieux comme pote que Katerine à côté du clown blanc Dominique A ? Un Miossec peut-être, en pilier de comptoir. Un des ressorts de l’intrigue : l’improbable fan-sosie qui vient se glisser au milieu de l’histoire.

Du côté du dessin, c’est beau, c’est classe. Ce sont des aplats de couleurs numériques mais qui ont un côté très organique qui me fait penser qu’il y a de la couleur directe. À moins que ce ne soit la magie de la palette graphique qui me fait douter et trompe mes p’tits yeux. En plus, Olivier Balez est quasiment un gars du crû. C’est un bisontin… donc, quasiment un Dijonnais.

Les pieds dans le bétonAutre bédé, autre style, autre ton, mais toujours avec de la musique dedans et avec encore un dessin qui sort du lot : Les pieds dans le béton.

Bédé plutôt punk, en tout cas pour l’univers musical et pour une partie de la violence qui se dégage de ce bouquin. Là, on n’est plus trop dans la drôlerie potache, on est dans le dur. Dans le drame. C’est à peine si les couleurs pastels arrivent à adoucir le ton.
Mais comme dans le Dominique A, le visuel est très beau et nous offre de magnifiques couleurs, avec cette fois de couleur directe. D’une séquence à l’autre, en général deux planches, une couleur en fonction de l’atmosphère est dominante.

L’histoire est celle de deux potes d’enfance qui se retrouvent. Ils ont tout vécu ensemble, notamment une période hardcore-punk à trainer les squats et les concerts dans leur Belgique dans les années 80. L’un des deux a toujours été beaucoup plus allumé, radical, que l’autre. Le temps les a séparés. L’un a vécu une vie tranquille de petit bourgeois tandis que l’autre se retrouve là, clodo sur le quai de la gare où ils se retrouvent.
Devenus opposés socialement, ils sont quand même tous les deux à la dérive entre divorce et des crises existentielles. Le livre fonctionne à coup de flash-back et nous emporte dans l’enfance, la vie familiale de l’un et de l’autre, comme tentative d’explications de leur situations bancales. Alors c’est rad : il y a de la misère sociale, de l’hémoglobine, de la dope et de l’ambiance interlope, renforcée par la couleur. Graphiquement c’est chouette mais faut avoir envie d’aller dans le dur de cette histoire.

– Martial Ratel

Les pieds dans le béton, Wouters et Ross – Sarbacane, autour de 24 euros.
J’aurais ta peau Dominique A, Olivier Balez et Arnaud Le Gouëfflec – Glénat, autour de 16 euros.

La chronique bédé est un partenariat avec Radio Dijon Campus.