Cette fois c’est sûr, tu as ton semestre avec l’honorable moyenne de 10,2/20. Tu peux sans ambiguïté attribuer ton incroyable réussite à ta fréquentation aussi féconde que constante de la belle bibliothèque universitaire, au moins pendant toute la semaine qui a précédé tes partiels. Sparse te rappelle les vingt raisons qui te feront penser qu’effectivement, t’es un vrai et que tu lis suffisamment.

BU

– Tu te moques de ceux qui, emmenant leur PC à la BU, perdent immanquablement leur temps sur Facebook. T’es guère mieux, puisque tu fais exactement la même chose sur ton portable toutes les cinq minutes.

– Tu déplores la présence massive d’étudiants en Médecine -cette sale race- mais bon, on te rappelle que c’est probablement parce qu’ils sont parmi les seuls à vraiment bosser toute l’année.

– Tu commences à bien les connaître les effluves septiques lorsque t’es assis au rez-de-chaussée.

– Cela fait douze ans que tu vois les mêmes bibliothécaires. Tu vieillis avec eux. Ils doivent se dire exactement la même chose quand tu empruntes tes livres, imaginant que tu redoubles ou que, putain, ton doctorat est vraiment interminable.

– Sourire aux lèvres, tu te fous plus ou moins de la gueule des première année qui se tapent la visite du lieu avec leur tuteur en septembre.

– Le moindre bruit te saoûle, mais t’es le premier à te marrer comme une baleine avec tes potes.

– Tu prends en pitié ceux qui rangent inlassablement les livres, mais tu te barres en les laissant sur ta table comme un bâtard. Le charriot pour les rendre était à deux mètres.

– Tu t’es explosé contre la barrière quand t’as oublié de rendre un ouvrage. Appréhension angoissée à chaque passage garantie. Hematome traumatisant.

– Des livres ? Quels livres ? Tu viens là que pour chopper le Wifi comme un gros crevard. Par contre Youporn à la BU, même pour déconner, t’as craqué, gros.

– Tu te sens tellement important quand tu vas faire une requête extrêmement précise au magasin de livre. C’est simple, t’es le premier à emprunter ce truc dont tout le monde se branle.

– Censé être là pour bosser, tu t’installes comme par hasard aux places où tu peux mater les allées et venues pour bien te divertir de ton taf.

– Tu trouves sympas les expos temporaires sur La Fontaine ou Pasolini, mais au fond, tu ne les regardes jamais vraiment.

– Les pauses-clopes s’accumulent. L’été, tu passes plus de temps sur le parvis que dans les salles de travail.

– T’es exclu du prêt pendant trois mois après les trois lettres recommandées du directeur de la BU te demandant de rendre ce putain de bouquin.

– La salle de recherche est le lieu privilégié où les doctorants demeurent dans un silence monacal : c’est la règle. Toi, tu fais un bruit du tonnerre avec la porte à peine rentré.

– T’as déjà failli te vautrer sur le parvis l’hiver, le lieu devenant plus ou moins une patinoire.

– Au début, tu trouvais le magasin de livre immense. T’aurais même été curieux de voir comment c’est dedans. Maintenant, tu t’en bats les reins.

– Tu te souviens avec émotion de cette période où on pouvait trouver des petites expressions sur des petits cartons à l’intérieur des livres. C’était bien il y a huit ans…

– Waow ! Tu peux même emprunter des DVD sur place : il y a des Pialat, du Wong-Kar-Waï, des Bergman… Bon, t’en prends jamais. Toi, t’es plus Top Chef, il faut bien l’avouer.

– Tu as vécu la fournaise ambiante lors des étés où il n’y avait pas encore de système de ventilation. C’étaient ces périodes où il y avait plus d’agents de la BU que d’usagers. Tu peux être fier de toi : t’en étais !

– Tonton Stéph