Quelqu’un m’en avait parlé : marcher 100 km en moins de 30 heures à travers les forêts du parc du Morvan. Ça m’a semblé dingue, il fallait donc aller voir ça.

la marche

Le trailwalker, c’est déjà une asso : Oxfam. Une ONG internationale née en 1995 d’un regroupement de plusieurs ONG indépendantes voulant unir leurs efforts pour lutter contre la pauvreté et l’injustice dans le monde. Oxfam tire son nom d’Oxford commitee for relief Famine, une organisation de Grande Bretagne créée en 1942. Son but : mener des actions tant dans l’urgence que dans des programmes de développement à long terme, mais aussi faire pression sur les décideurs politiques pour apporter des changements.

Le trailwalker, c’est une idée pour récolter des fonds. Le premier en France date de 2010 dans le Morvan (cocorico). Pourquoi le Morvan ? Parce que c’est relativement proche de la Capitale. Et puis parce que le relief de moyenne montagne se prête bien à la marche. Depuis 2010 que cet événement a été créé, c’est plus d’ 1.330.000 euros qui ont pu être réunis pour Oxfam. Car pour participer au trail, chaque équipe (composée de 4 marcheurs) doit réunir 1.500 euros de dons. Vient ensuite le défi sportif … Marcher 30 heures (jour et nuit donc) 100 km en forêt et dans les autres petits sentiers de campagne !

Qui fait ça ? Quelles motivations ?

J’ai ainsi infiltré une équipe. Couleur de ralliement : le bleu azur ! J’arbore fièrement le t-shirt de mon équipe dont je suis l’un des supporters : L’Atelier Correia. Une agence d’architectes basée à Saulieu. C’est l’occasion pour eux de faire quelque chose  ensemble, en dehors du boulot histoire de resserrer les liens. Plus constructif que de se retrouver autour d’un apéro, même si pas incompatible. Architectes principalement dans le Morvan, c’est aussi pour eux une autre manière de voir le gigantesque parc. Et puis mouiller le t-shirt pour une asso humanitaire, c’est toujours cool.

équipe atelier correia

Une semaine avant le trail, réunion au bureau de Saulieu. Mission : répartir les rôles de chaque supporter concernant l’organisation (voitures disponibles, matos pour établir le campement à chaque étape, la nourriture, les médicaments…) et définir le temps estimé pour arriver à chaque étape. 100 km, huit étapes sur le parcours : départ d’Avallon, puis après 17 km de marche, St Germain des Champs, puis Quarré les Tombes, Mazignien, Lormes, St Martin du Puy, Bazoches, St Père, Pontaubert et enfin arrivée à Avallon. La boucle est bouclée. Temps visé pour finir le trail : 26 heures ! Sont-ils cinglés ? Pour certains, c’est la cinquième fois qu’ils participent… facile. Pour d’autres, à peine trois entrainements de 30 ou 50 km.

Dans les conditions du trail, il faut marcher et arriver ensemble. Si plus d’un marcheur déclare forfait, il faut rallier une autre équipe (question de sécurité). Tout ceci me semble être une épreuve insurmontable.

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Samedi 17 mai 2014, 6h du matin à Avallon. 884 marcheurs, 712 supporters, 237 bénévoles, tous réunis dans une immense salle d’Avallon, à la Morlande. Près de 1.800 personnes au total, 221 équipes inscrites. Petit déj’ pour prendre des forces, échauffement rapide, ambiance Club Med dans le froid du petit matin. Et puis 7 h : le départ. C’est du sérieux. Les marcheurs avancent dans une ambiance bon enfant, font connaissance, tandis que les supporters plient bagages, direction le premier point de contrôle, la première étape : St Germain des Champs.

Chacun a sa feuille de route, une pour les marcheurs à travers bois, une pour les supporters qui attendent à chaque étape pour ravitailler, encourager, panser, être là tout simplement. Et puis sont prévus par Oxfam des collations pour les marcheurs, des coins pour se faire soigner, ou masser. Ils peuvent se reposer aussi quelques instants parfois. On peut encourager nos marcheurs le long de leur périple, à la croisée des chemins, on les guette, on les attend, on est heureux d’apercevoir un t-shirt bleu… on appréhende d’en voir un dans un sale état.

Côté marcheurs, nos sportifs ont tout de même le temps d’admirer la nature, de prendre des photos, de rencontrer d’autres marcheurs, de discuter. Enfin, surtout au début. Outre les paysages, ces petits villages bucoliques, ce château illuminé la nuit (Bazoches), cette basilique embrumée au petit matin (Vézelay), ces rues de villages désertes au lever du jour. Le Morvan est magnifique. Et cette année, le soleil est au rendez-vous.

vézelay 

L’ambiance est assurée par les bénévoles, par les supporters aussi qui rivalisent de déguisements, chants et encouragements. Assurée également par une troupe parisienne de batucada (Mulêketù), ces percus samba-reggae. Ils sont beaux, ils bougent bien et ils donnent la pêche. On pourrait parfois se croire aux abords d’un festival. Le soir, un barbecue est prévu à Lormes, certaines familles nous rejoignent pour le dîner.

Même la nuit, les lumières de la fête et de la bonne humeur sont là pour accueillir les marcheurs dont on sent les forces décliner dès la mi-parcours. Après 50 km d’effort, il est minuit. Pour la plupart, il reste encore la même distance à parcourir, mais de nuit, avec le froid et la fatigue. Le point massage est assailli, des abandons commencent à poindre. On voit des marcheurs dormir debout, d’autres avancer mécaniquement, l’air défait. C’est à ce moment-là que l’on perçoit réellement combien l’effort est immense.

Le défi sportif

Relever un tel exploit, il y a ceux qui le peuvent physiquement et qui le veulent ; il y a aussi ceux qui ne peuvent plus et ne veulent plus non plus ; il y a encore ceux qui ne veulent plus même s’ils peuvent encore. Et vice versa. Enfin et surtout, il y a ceux qui n’auraient pas cru pouvoir, mais qui en veulent tellement qu’ils y arrivent. On voit alors qu’au-delà des conditions physiques et d’entraînements, c’est la volonté qui peut faire la différence. Pour certains, le défi s’est fait dépassement de soi.

le podium d'arrivée

Ce que je retiens de ce week-end de trailwalker pour Oxfam, c’est cette émotion finale. Voir son équipe arriver, voir tous ces participants avec qui on a pu partager ces moments si intenses, dont on s’est fait le témoin de l’effort accompli, les voir aller jusqu’au bout du défi, pour l’asso, et pour tous les gens à qui elle vient en aide. Toute cette générosité et cette solidarité génèrent tant d’émotion que, la fatigue aidant, il n’est pas rare de voir quelques larmes s’échapper. Plus de 410.000 euros ont été collectés grâce à eux cette année. Ils iront gonfler les caisses d’Oxfam pour ses actions. Les premiers marcheurs sont arrivés a boucler les 100 km en 17 heures. Et ils étaient 663 à passer la ligne d’arrivée. L’an prochain, en plus de l’Oxfam trailwalker du Morvan, il est question d’un wintertrail : 60 km en raquettes dans les Alpes enneigées. Cap ?

– Héloïse D.
photos : Philippe Le Roy

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Un grand merci à l’équipe de l’Atelier Correia : Claude. C, Christine. G, Richard. R, Maxime. C, Vanina. L, Sophie. J, Marine. G, Maxime. B, Romain. R, Manon. M, Sophie. G, Philippe. L, Marie-Emilie. S, Aurèle. S, Aurélie.B , Carine. G, Elodie. B, Salomé. L, Caroline. B, Jean-Philippe. G, Marine. F, Sandrine. V, Stéphanie. G.