Chaque mois, on parle chiffons avec une personnalité locale. C’est la rubrique guestlist, à retrouver également dans le magazine papier de Sparse. Aujourd’hui, on a posé quelques questions hyper importantes à Jean-Jacques Boutaud, professeur des universités en communication, responsable du master MASCI à l’université de Bourgogne.

BoutaudLe campus change de visage cette année, avec pas mal de gêne pendant les travaux. Alors, tu kiffes l’installation d’une « coulée verte » entre les bâtiments ? Oui, si on doit se la couler douce après. La plupart des campus, c’est béton et brouillon. Là, au moins, la coulée trace une ligne claire et une voie franche pour circuler, respirer, se déplacer et, pourquoi pas, se dépenser.

L’ESC Dijon se vante de chouchouter ses étudiants. Tu penses que c’est ce qu’il faut, avec ces jeunes gens qui veulent devenir patrons : les chouchouter ? Tu as envie de les chouchouter les étudiants de MASCI, toi ? Bien sûr qu’il faut les chouchouter ! Je répète assez qu’on forme une grande famille, une vraie famille. Ça veut dire prendre soin de ses petits et voir les choses en grand. En langage métier, on dit « corporate ». Si on fait corps, c’est encore mieux.

La sémiotique, branlette intellectuelle ou quintessence de la communication ? À voir du signe partout, là où d’autres s’arrêtent aux choses, le sémioticien semble parfois pinailler. Il faut dire, à leur décharge, que certains s’usent vite dès qu’il faut mettre en branle l’analyse ou la pensée. Mais c’est bien de comprendre un jour, qu’Eco n’a jamais résonné dans la montagne et que Barthes aurait fait un mauvais goal.

Chaque année tu pars en voyage d’études avec tes étudiants pour te faire du réseau, c’est quoi ta destination idéale ? Plutôt Asie, Afrique ou Amériques ? On a déjà pas mal bourlingué avec les étudiants du master : Florence, Turin, puis une croix sur l’Italie pour aller voir du côté de Lisbonne, Istanbul, Prague, Moscou et Copenhague. Cette année, New Delhi, histoire de pousser le bouchon un peu plus loin, question projet… et budget. Je sais pas jusqu’où les jeunes vont me traîner ou m’entraîner, mais je prends tout avec gourmandise.

Tiens, parlons gourmandise justement. Le pire resto de l’agglomération qu’il t’a été donné de faire ? Ça ne se dit pas. Mieux vaut éviter les jugements péremptoires et les violences symboliques, même si certaines tables ont de quoi rivaliser pour la Gerbe d’Or, catégorie indigeste, ou la Palme du micro-ondes, catégorie indigence. À vrai dire, je n’ai pas le souvenir d’une expérience catastrophique ou de gargotes infâmes. Plutôt, avec certaines maisons, la déception d’être traité en miséreux quand on cherche un trône.

Le Millésime 2014 du Bourgogne serait très bon. Tu n’en as rien à battre ou tu es content pour les notables de la côte ? C’est toujours bon d’entretenir le moral des troupes qui vendangent et des clients qui éclusent ? Un bon millésime participe de l’info pour le consommateur, de l’indice pour l’amateur et de la pensée magique pour tous ceux qu’un vin ou une étiquette fait rêver.

Tu le tartines sur quoi, toi, ton Époisses ? Belle tranche de pain de campagne ou de pain d’épices, selon l’heure, l’humeur et les mœurs.

Bon, entre nous, elle va nous apporter quoi la Cité de la Gastronomie franchement ?À Dijon, on a que ça à la bouche, Et si certains s’en gargarisent, avant même de se mettre à table, d’autres, comme moi, ont hâte d’être aux fourneaux, avec toutes nos brigades d’étudiants, de chercheurs, de spécialistes français ou étrangers. La sauce commence à prendre mais pas de raison de se précipiter.

Un petit mot sur le top des personnalités de Dijon les plus influentes d’après Sparse ?J’avais l’impression de connaître un peu tout le monde à Dijon et dans l’agglo, ce grand village bien gaulé. Mais je découvre plein de noms et de visages. Sparse joue un peu la liste hors piste, culottée et décalée. Ça nous change de ces classements people, pipeau et plutôt pipés, qui distribuent le talent dans l’épars.

Ton mag préféré à Dijon, c’est Sparse, ok. Mais sinon, tu lis quel journal et écoutes quelle radio ? Plutôt le zap radio dans l’auto, et la revue de presse sur le net.

T’es plutôt cinéphile ou mélomane ? Goût prononcé pour l’opéra et les belles voix, pas en spécialiste, mais en mode profane et curieux. Je monterais plutôt le son à l’Auditorium car j’ai été formé à l’école Led Zep, Hendrix et Stones. Du coup, un concerto de Ravel ou une pièce de Verdi, c’est toujours en dessous du volume que j’attends.

C’est quoi l’évènement à ne pas manquer en 2015 à Dijon d’après toi ? Le remise des diplômes. Non je plaisante… En dehors des Salons traditionnels, on doit bien avoir un concert à se mettre sous la dent. Pour être honnête, je vais plutôt sur Paris, mais Dijon c’est vraiment le point d’attache où il fait bon vivre, sans avoir à se griser avec de l’événementiel !

Si je t’offrais la possibilité de te faire tatouer quelque chose, ce serait quoi ? T’es pas obligé de nous dire où par contre, hein… J’ai horreur de ça, mais dans l’absolu, imaginons un mot court, histoire de ne pas trop souffrir sous le poinçon. Je dirige une équipe qui s’appelle 3S (Sensoriel, Sensible, Symbolique), alors un mot à forte valeur symbolique, ça m’irait bien. Mais pas question de le chanter sur les toits.

Si ça n’avait pas été Alain Millot, tu aurais vu qui pour remplacer Rebsamen à la mairie de Dijon ? Charles Rozoy ! D’ailleurs il figure dans le top ten de Sparse. Il est jeune, beau, médaillé olympique et déjà expert en communication. Alors que demander de mieux. En plus il sait nager, ça peut servir dans ses eaux-là. Mais, c’est de la fiction, je crois savoir qu’il respecte sans réserve l’équipe en place.

Et David Lanaud du Gray, alors ? Noblesse de nom, mais un peu le melon, sur un ton décalé. Il occupe une niche et amuse la galerie, c’est bon signe de démocratie.

Le truc le plus ringard à Dijon, c’est quoi ? Là-dessus, je suis d’accord avec David Lanaud du Gray : la place Dauphine a l’esthétique glamour d’un parking souterrain des années 70, ambiance givrée d’une modernité glaçante comme un hyper de banlieue. C’est la barbe, mais de là à raser l’espace, y a de quoi se faire des cheveux.

En tant que sémiologue, peux-tu nous expliquer quel est le sens de la chouette ? Je pige toujours pas… C’est l’hérésie du symbole (RSI). Le Réel (R) c’est l’animal dans la nature. Le Symbolique (S), c’est la valeur de signe, d’icône, qui relie la chouette au sacré, à la superstition aussi. Et l’Imaginiare (I), c’est la signification profonde qu’on peut donner à un bout de pierre. L’RSI c’est de la caresser en faisant un vœu. A voir tous les passants qui s’y frottent, il faut croire qu’une âme habite la bête.

– Propos recueillis par Amandine Roqueplo
Photo : DR (catalogue IKEA, hiver 2015)