« Hey mec, ça va ? Alors t’as passé un bon week-end ? T’as fait le festival GéNéRiQ nan ? Je t’ai pas croisé, t’étais où ?
– Euh… j’étais à la salle de Flore au Palais des Ducs.
Ouah trop bien, c’était genre une salle avec des concerts secrets et tout ? C’était quoi comme genre de musique, pop ? électro ? rock ?
– C’était de la musique de chambre.
De quoi ? »

Ben ouais, pendant que toi tu te prenais une murge devant des concerts au Consortium ou à La Vapeur, moi j’étais au Palais des Ducs à écouter de la musique « savante » entouré de p’tits vieux.

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Festoche guindé

Pour commencer, je vais t’expliquer vite fait ce que ça veut dire « musique de chambre ». La musique de chambre, c’est pas quand tu fais de l’électro dans ta piaule, c’est de la musique écrite pour un ensemble de musiciens et qui n’est pas dirigée par un chef d’orchestre. Tu vois, tout simplement.

Cela fait plusieurs années maintenant que le Pôle d’Enseignement Supérieur de la Musique (PESM) organise un festival de musique de chambre. La direction du pôle demande aux étudiants de présenter des œuvres, le résultat, c’est trois jours de musique, avec 6 concerts repartis de vendredi à dimanche. Et en plus de ça, c’est gratos. Ah ben là ça sent le bon plan, tu te demandes pourquoi t’es pas allé t’ambiancer avant. Bon, déjà, personne n’est au courant de ce festival, au niveau com’ c’est pas la folie et surtout niveau ambiance ça rigole pas. C’est simple, le public est composé de deux types de personnes : les étudiants du PESM qui viennent soutenir les copains et des personnes âgées (parfois accompagnés des petits-enfants). En plus, ici, t’écoutes pas de la musique amplifiée où tu vas pouvoir raconter des conneries à tes potes sans déranger les gens autour, là c’est tout en acoustique et t’as pas intérêt à éternuer un peu fort.

Mais une fois que le cap de l’ambiance est passé, tu vas pouvoir écouter plein de morceaux symphoniques dont t’as jamais entendu parler et peut-être même que tu vas apprécier ce qu’il se passe sur scène. Il y a finalement pas mal de genres différents représentés, et on alterne souvent entre musique « savante » et musique « populaire ». Il y a des formations de toutes sortes, ensemble de cuivre, de cordes, ça va du duo au quintet avec en fin de soirée (genre vers 20h, hein, calme-toi) des ensembles avec une dizaine de musiciens sur scène.

« Ah bon t’as pas bien joué ?
Pourtant j’ai trouvé ça impressionnant »

Il y a un truc souvent avec les musiciens, c’est que si tu viens en tant que spectateur qui n’y connaît pas grand chose, tu as vite l’impression que les mecs sur scène sont des espèces d’extraterrestres. Pourtant, quand je vais leur parler après leur concert, j’ai rarement eu des impressions positives, plutôt une colonie de « bof », « j’étais pas dedans », « c’était un peu mou » et la première question qui fuse après tous ces soupirs c’est : « et ça rendait comment pour vous ? » Parce qu’il y a bien une barrière entre la sensation qu’on a sur scène et le ressenti du public. Catie, qui est pianiste et qui a déjà fait plusieurs fois le festival m’explique tout ça :  « En fait, si on est tous un peu négatif, c’est parce qu’on se met la pression et qu’on veut à tout prix éviter de faire des pains. Du coup, il y a surtout de la tension quand on est sur scène. Cette année, j’essaye de me dire qu’il y aura des erreurs mais je vais essayer d’apprécier ce que je joue sans me mettre trop de stress. »

Enfin, Caroline, chanteuse, me parle aussi de la situation particulière des musiciens dans ce festival : « On est dans une position délicate parce qu’on participe à un festival comme si on était des artistes professionnels, mais en même temps le festival est organisé par le PESM, c’est-à-dire que dans les spectateurs il y a nos professeurs, que l’équipe de direction va être attentive à ce qu’il se passe. Il y a donc une pression supplémentaire qui fait qu’on n’est pas vraiment à l’aise comme lors d’un concert normal. »

Mon chœur, mon amour     

Pour le dernier jour de festival, la place est laissée à deux ensembles de chanteurs, l’un mixte et l’autre uniquement féminin. Alors il faut savoir que pendant l’élaboration du programme pour ces deux chœurs, il y a eu pas mal de changements. Quand j’en ai parlé avec différents chanteurs, le retour est le même, le professeur avait prévu de quoi faire un concert d’à peu près huit heures alors que le concert ne devait pas dépasser 1h45. Du coup, ils ont travaillé beaucoup de pièces et une bonne partie de celles-ci ont tout simplement été supprimée. Quand je demande à Caroline comment elle sent le concert, elle me répond direct : « Ça va être tendu ! Y’a pas mal de morceaux qui sont très frais, dont certains qu’on a pu répéter qu’il y a deux jours. » En bref, ça sent la catastrophe, les chefs de chœurs sont très speed, les chanteurs se demandent comment ils vont pouvoir tenir le concert, etc.

Finalement, que ce soit l’ensemble mixte ou l’ensemble féminin, ils s’en sont très bien sortis, on sentait les chanteurs très concentrés et surtout une sorte de solidarité, genre il faut tenir la baraque. On termine la soirée avec le retour de l’ensemble à cordes et une chanteuse soliste, des applaudissements à se taper des ampoules et c’est déjà fini.

Au final, après 2 jours intensifs de musique de chambre, je sors assez étonné de cette expérience. Un sentiment mitigé, entre une ambiance globale bien loin des festoches habituels (cherche pas de ouachons à bolas ici, tu perds ton temps) et une vraie découverte musicale. Parce que, comme tout le monde, tu réponds que t’écoutes un peu de tout, genre t’es trop ouvert d’esprit, me fais pas croire que t’es balèze en musique de chambre, je te crois pas. Du coup, ce festival, c’est une bonne occasion pour découvrir ça, sans vendre ton rein à l’entrée. Retiens-le pour l’année prochaine. #festivalMDC2016

– Romain MacGaw

photo : DR (Manuel Fischer-Dieskau)