Rencontre avec Nicolas, spécialiste local, qui a éclairé notre lanterne sur le krautrock, ce mystérieux courant germanique des 60’s. En effet, ce gringalet bourguignon à l’allure chaloupée rédige son mémoire de musicologie sur ce genre musical sombre qui a influencé des artistes comme Radiohead, Bowie ou Joy Division. Retour sur un entretien riche en caféine et en digressions avec un mec qui en impose.

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C’est par un bel après-midi de février que l’on donne rendez-vous à Nicolas. Ponctuel, on l’a vu arriver de loin sur ses deux grandes guiboles chaussées de Doc Martens délirantes à motif armée, veston bleu ciel et chemise vintage bien classe. On note la paire de lunettes à la monture métallique fine et pour compléter le look, cette remarquable toison d’or (c’était facile) qu’il laisse pousser et entretient avec amour. Étudiant en master de musicologie à l’uB et jazzman émérite, ce jeune dijonnais reste humble et souriant en toutes circonstances. Même lorsque le serveur du bar dans lequel nous le retrouvons le reconnaît et lui demande spontanément ses coordonnées pour arranger une date, comme ça.

La musicologie, sombre département de l’uB

C’est vrai ça, d’abord : qu’est-ce qu’on apprend vraiment en fac de musico ? Nicolas, un sourire en coin nous éclaire. “Quand on étudie la musique dans le cadre universitaire, on la regarde comme un objet mesurable au sein de l’entité artistique. La musique devient mathématique, on découvre son histoire et ses règles, ses fondements physiques et acoustiques. On apprend à la lire, à l’écrire et à la penser socialement. Elle devient concrète, palpable, ce qui peut être difficile à intégrer pour les non-initiés.”

Ich liebe choucroute

Guitare, piano, basse, guimbarde, didgeridoo, melodica, chant diphonique sont autant de cordes à l’arc de cet enfant de la balle. Onze ans de conservatoire dans les pattes et une passion insatiable et persistante pour la musique. À tel point qu’il en a fait son sujet d’études. Pour son mémoire de musicologie, Nicolas a choisi de travailler sur un courant musical allemand des années 60 très pointu et méconnu : le krautrock (prononcez « cra-outte-rock »). Si tu parles allemand, tu en as déduit que littéralement, on va te parler du rock du chou. Très peu étudiée, la “kosmische musik” (ou musique cosmique) a trouvé ses adeptes en Angleterre surtout. Cette vague sonore à la fois répétitive et spontanée est très différente du rock progressif qui se développe au même moment dans les pays anglo-saxons. Son identité est très marquée et elle a énormément influencé des courants tels que l’ambiant, le post-rock et la new age ainsi que la musique électronique actuelle. Ce genre, proche du rock progressif, se travaille presque essentiellement avec claviers et synthétiseurs ce qui lui donne une couleur très psychédélique. On y trouve également les autres piliers d’un groupe de rock classique ; la batterie, les cordes, sur le tempo hallucinant de morceaux longs qui font planer. Entre improvisation, expérimentations et rythmiques hypnotiques on trouve également des point communs avec le free-jazz dans l’écriture des morceaux. Pour faire court, enfin pour essayer, le krautrock est un peu le père biologique inconnu de plein de trucs cools. C’est aussi un peu une compilation de tout ce qui fait vibrer le jeune homme : la musique comme partage de codes, improvisation, et ouverture multi-artistique. Et quand il nous dit ça, il a des paillettes dans les yeux.

Allemagne, mon amour

Cette influence germanique pousse le jeune chevelu hors de ses habitudes et de sa ville natale, Dijon. En septembre prochain, il quittera les bancs de l’uB pour aller poursuivre ses recherches sur le terrain à Berlin ou Mayence. Lassé du “Dijon sans surprises”, il sent comme un appel vers les terres germaniques, attiré par la nouveauté, le voyage et les rencontres, l’Allemagne s’est imposée à lui comme terre de simplicité et de verdure, de découverte, et surtout de musique et d’arts en tous genres. Amoureux de la culture germanique, il souhaite partir à la conquête d’un nouveau territoire pour “se retrouver à poil et avoir tout à faire”.

Projets en cours et à venir

Pour l’instant, Nicolas bosse pas mal avec Le « On va trouver Quintet », sa formation jazz avec des potes du conservatoire. On est allés les voir en répète, ça balance pas mal (et pas que du cheveu). Il travaille aussi sur un mystérieux projet de flashmob et de sculpture sonore avec la plasticienne Rosko. Ils cherchent à explorer le concept de la spatialisation de la musique, le son en 3D et l’interaction que l’on peut provoquer avec le public. Rien que ça. Pour plus tard, il pense pourquoi pas à l’enseignement de la musique, à l’éducation nationale, “pour le challenge”. Quand on lui demande quels sont ses rêves et ses désirs cachés, il sourit : “Dans l’idéal, j’aimerais pouvoir vivre de ma musique mais c’est une vie un peu trop insécure. Je ne veux pas me prostituer pour gagner ma croûte et vivre sur le fil du rasoir”.

Les bonnes adresses de Nico 

Pour les amateurs de jazz, il y a les boeufs du conservatoire tous les mercredis à l’Achimia. Sinon, un lieu improbable : le Shanti, rue Berbisey, restau indien très cool avec un caveau, où il y a souvent de la musique ou des ateliers. Le Cappuccino, paix à son âme. L’Entract, big up à Didier, un barman comme on n’en fait plus de nos jours. Pour les carnivores, le restau La Guinguette où on peut déguster de la bonne bouffe du terroir en proportion routier dans une ambiance atypique du genre Auvergne profonde des années 80. En prime, la goutte est offerte ! Et l’option doggy bag fortement encouragée.

– Chloé Cloche
Photo : C.C.

Tu veux écouter du krautrock ? Nicolas t’a fait une petite sélection, rien que pour toi et ta culture perso.

Kraftwerk – Autobahn!  
Can – Paperhouse
Witthüser & Westrupp – Trippo Nova