Devosge, Lundi 8 juin 2015. 20h30. Les trois plus grandes salles du Devosge blindées de cinéphiles occasionnels venus voir Un Français. Ils sont surtout venus pour alimenter le buzz. À la sortie de la bande-annonce du film, vague énervement des groupuscules d’extrême droite sur les réseaux sociaux. Panique chez le distrib et chez certains exploitants qui annulent un bon paquet d’avant-premières. Le Devosge résiste, parce qu’il y a un argument de poids à Dijon : facile 70 kg, Alban Lenoir, héros dijonnais et Un Français, un vrai. Même Simon Astier est venu supporter son pote : effervescence, selfies à tour de bras. Cannes, c’est peanuts à côté.

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Les gens sont donc venus voir de leurs propres yeux l’objet d’un buzz ces derniers jours. Une ancienne pote de lycée d’Alban, située à côté de moi, trouve que c’est « un sujet important quand même ». Ben oui, quand même. Le sujet, c’est la rédemption d’un skin-nazi dans les années 80 qui va peu à peu sortir de la violence pour finir par servir des soupes au Secours Pop.

Très honnêtement, le film n’est pas très bon. Sauvons tout de suite ce qui peut l’être. La star locale s’en sort plutôt bien. D’autant plus qu’on sent avec les autres persos que la direction d’acteur, c’est pas son truc à Diastème. Diastème, c’est le mec qui a entre autres fait le biopic sur Coluche. Changement de registre donc.

Le sujet, pourquoi pas. Sauf que raconter la rédemption d’un perso, c’est chaud. Difficile de ne pas tomber dans la mièvrerie. Le film est donc composé de séquences à plusieurs années d’intervalles. Au spectateur de combler les trous pour comprendre quoi / qui / où. Je veux bien le faire, je suis plutôt coulante comme spectatrice. Sauf que c’est aussi le sujet du film de m’expliquer pourquoi et comment cette rédemption s’opère. Et que là-dessus, le film peine à convaincre. Il y a bien quelques séquences qui tentent cette explication : c’est vrai qu’un coup de couteau dans le bide, ça fait mal. Soit. Ça énerve et ça peut donner envie de changer de voie. Alors après une impossibilité à respirer (comprendre : j’étouffe, littéralement, je ne veux plus être méchant), Marc rencontre un pharmacien. Hyper cool l’apothicaire, il l’emmène faire une rando. Soleil, confession au coin du feu, baignade dans une cascade. Le propos et la réal tendent plutôt vers le réalisme social pourtant. Le papa de Marc boit, sa mère est sympa mais à la ramasse, ses potes bien débiles. La nature, ça fait du bien au nazisme. Ha bon. Du coup, la séquence mystico-naturo-wawache tombe un peu à plat. Allez, le prochain congrès du FN, on le fait à Flavigny.

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Du coup, on le suit ce perso, on passe avec lui de la party huppée, où les fafs bourgeois écoutent JMLP parler de l’ « incident » de 95 (la mort de Brahim Bouarram), à la finale de la Coupe du monde 98. Gros plan sur Marc qui ne se sent plus très à l’aise au milieu de tous ces gens qui se réjouissent de la mort d’un Arabe. Séquence suivante : 3 ans plus tard, finale de la Coupe du monde dans une paillote on ne sait pas trop où. On voit seulement que le méchant skin cohabite maintenant gentiment avec des Noirs, des vrais. Le fond d’actualités permanent qui permet de resituer lors de chaque nouvelle séquence la période à laquelle nous sommes est plutôt bien fichu : Julien Clerc à Sacrée Soirée chez les parents, Le Pen en 95… Mais ceci est un choix de mise en scène parmi d’autres qui ne sont pas toujours aussi convaincants. Le politicard FN est assez caricatural. Certes, ces gens-là le sont mais trop ici pour que l’on donne du poids à ce qui a pu à un moment faire adhérer le personnage.

Peut-être n’y a-t-il pas tant de choses à expliquer que ça : un skin-facho, c’est de la violence brute et bestiale sans qu’elle soit véritablement enracinée sur des pensées ou idéologies. Peut-être au final, peut-elle partir comme ça du jour au lendemain (faut quand même aller dans la nature). Si c’est le cas, le film le montre bien.

Ses potes finissent en taule ou meurent péniblement sur un lit d’hôpital. Le monde bouge autour de lui, et lui un peu aussi, assez pour passer du bon côté de la force. Un Français, sorte de Dark Vador qui aurait mal tourné. Assez pour n’avoir qu’un seul but : récupérer sa fille, élevée par les nantis d’extrême droite. Dur pour lui.

Au final, le film laisse perplexe. Il y des choses dans ce film, sur ce perso auquel on s’attache petit à petit un peu trop péniblement. La fin est classe et réussit à donner au film la profondeur et la finesse qu’il n’a pas toujours. C’est ça Un Français, quelque chose d’assez inégal.

– Melita Breitcbach

Un Français, de Diastème, avec Alban Lenoir, c’est au Devosge.