Tu entendais “Cabaret Vert”, tu pensais “ouachons », « clopes roulées » et « sarouel » ? Ou bien « hype green » et « gens qui se regardent » super relous ? Pourquoi ? Qui t’a induit en erreur ? Ça fait 11 éditions que le Cabaret Vert, festival basé à Charleville-Mézières, ambiance le nord de la France chaque fin d’été. Ce bled, à environ 3h30 de bagnole de Dijon, c’est 50.000 habitants et des murs en briques rouges. La Belgique à deux pas. On nous vante l’esprit « à part » du bordel depuis quelques années. Vérification sur place avec des bières au large, des gros pogos et l’accent du nord.

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INDICE TRANSPI.

Sale. Indice poussière et chaleur très élevé le samedi. Tu n’imagines même pas l’état des pieds au retour et le temps infini consacré au décrassage des pompes dans la baignoire, devenue noire. Indice boue au max pour dimanche. Les gens étaient heureux, se jetaient de la terre dessus, glissaient dedans, sautaient dans les flaques. Ça sentait la joie, c’était beau. Bataille de boue en puissance. Le reste des festivaliers, généralement impatient pendant les moments latents, criait « À POIL » très souvent. Un classique. Qu’on aime toujours.

POINT FASHION WEEK.

On est dans un gros festival, donc tu retrouveras la panoplie de rigueur adaptée à ce genre de rassemblement : lunettes oranges, déguisements d’animaux, mini-shorts pour les filles, tatouages au feutre… Mais c’est le premier festival de la saison où on n’a pas l’impression de croiser des fans de Coachella partout (tu sais, la dernière collection H&M). Ouais, les mecs étaient torses-nus en mode aventurier, sacs à dos équipés pour boire, chapeaux de paille et tongs cassées. Y’avait de tout et surtout pas vraiment de style. Les gens s’en branlaient de leur tronche, ils étaient là pour se marrer et ça a marché. On notera enfin que les fans de Limp Bizkit, tous pris de la même fièvre, se sont taggés le nom de leur boys band préféré au marqueur sur le corps. C’est ça le fun : dire fuck à son eczéma.

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CE QU’ON A AIMÉ, AU FINAL.

Découvrir cette belle région que sont les Ardennes : sa verdure, ses grands espaces, ses champs à perte de vue, ses habitants chaleureux, sa bière plus forte qu’ailleurs, sa pluie trop normale pour déranger, ses croûtes et on en passe. 

Le site du festival est situé en plein centre-ville, au square Bayard, à côté de la Meuse. Du coup, Charleville-Mézières est archi blindé pendant toute une semaine, les bars, hôtels et restaurants tournent plein pot. Ça fourmille de partout et c’est classe à voir.

On aime le fait que le Cabaret Vert, ce ne soit pas que des têtes d’affiche et de la musique en général. Les paillettes, tour bus et petites attentions dans les loges des artistes côtoient un espace bédé, des projections de films courts, une prog’ art de rue, des coins au calme pour jouer et se poser.

L’ambiance décontract’ du festoch et des festivaliers. L’espace dub/soul du Temps des Cerises, pour aller crier de temps en temps, en faisant rouler ton bassin comme en free. Les concerts en général, qu’on regardait jusqu’au bout, alors qu’on venait “juste voir un peu l’ambiance devant”.

La variété de bières locales et artisanales. Tu ne trouveras pas de Heineken ou de Kro sur place, mais de la Chouffe, Chimay, Orgemont, Sedanaise…

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La variété de la bouffe en général. Même topo : tartine ardennaise, salade de lard, cacasse cul-nu (mélange de pommes de terre et lard), crêpes au maroilles, plats végétariens, assiette de sanglier… Obélix likes this.

Les poubelles et points de tri ultra présents partout sur le site. Pas moyen de saloper l’espace. Ou alors c’est que tu es vraiment con.

Le dimanche, avec l’entrée qui coûte seulement 6 euros. Pour voir Thiéfaine, Fakear, Puts Marie, Kitty Daisy & Lewis, Sens Unique, Tyler The Creator. Pépère.

Le chanteur déluré de Puts Marie, qui réussirait presque à te faire verser des larmes sur Pornstar, entre deux bières lancées dans le public.

Le bar Ethnik avec ses exotiques energy drinks.

Le live de Rone, à 130 bpm, et sa mise en scène lunaire. On se rappellera enfin de la splendide clôture de Fakear, superstar du dimanche soir.

Tyler The Creator, qui ne jouera que 45 minutes. Le mec fout le feu et n’en a tout simplement rien à branler.

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CE QU’ON N’A PAS TROP AIMÉ.

La poussière. Ton ennemi pendant le festival. Prévois des mouchoirs et ne crains pas de voir sortir des choses toutes noires de ton nez.

La route pour venir et repartir. Tout droit, tout le temps tout droit, des champs à perte de vue, l’autoroute du vide.

On vous a parlé de la boue ? 

Perdre un chargeur de portable dans un pogo de raggatek. 

Le côté vieille France devant Hubert-Félix Thiéfaine. Même si on n’oublie jamais d’où on vient.

Venir que deux jours. Donc pas eu le temps de goûter TOUTES les bières artisanales des stands buvettes.

TAUX DE REBOND.

Il se passe un truc assez magique dans le 08 pendant ces quelques jours festifs. On sait pas tout à fait quoi. Peut-être la 4G qui passe pas bien. Les gens moins sur leur portable, plus dans le vrai. Unis dans la poussière, la boue, sous la pluie, ou sous le soleil du Cabaret Vert. On aime aussi que l’orga mise tout sur le confort plutôt que sur les gros sponsors et le nombre de festivaliers. Du coup, le festoche entame une nouvelle ère après plusieurs années à se faire une place au milieu des « gros » mastodontes français. Le lieu n’est pas extensible (en centre-ville on le rappelle) mais des idées émergent pour continuer à se développer et proposer quelque chose de différent au public. D’ailleurs, en plein milieu du square Bayard reste une vieille bâtisse désaffectée qui pourrait, après travaux, devenir un gros dancefloor. Pour l’édition 2016 ?

 

– Léa Singe et Pierre-Olivier Bobo
Photos : L.S.