Bourguignonne depuis maintenant quelques années (mais produit régional d’origine, je vous rassure), j’ai été, pour des raisons professionnelles, propulsée quelques mois à Paris. Il y a 3 ans, lorsque j’ai quitté la capitale pour m’installer à Dijon, j’aurais pu écrire l’article inverse, tant les clichés sur Paris ne manquent pas chez nous non plus. Je m’attendais évidemment, un minimum, à subir les quolibets de mes prétentieux nouveaux compatriotes, à passer pour la bouseuse de service. Ah ouais, c’est peu dire, je n’étais pas au bout de mes peines.

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« En province »

Cela ne faisait pas 48h que je foulais le sol parisien que je ne pouvais déjà plus entendre cette expression humiliante et franchement dégueulasse sans sortir de mes gonds. Et j’avoue avoir hésité à dégainer mon tesson de pot de moutarde lorsque, voyant mon air consterné, mon interlocuteur s’excusait : « Ah pardon. En région ». « En région ». Non mais. Connard, oh. Je n’habite ni en province, ni en région, mon p’tit pote. J’habite en Bourgogne mec. Et calme-toi vite, parce que « Paris capitale de la France », on est pas mal à y croire moyen, et à quelques circonstances historiques malheureuses près, nos rôles auraient pu être inversés, petit vassal.

Toujours est-il que je n’y peux rien. Au travail, je suis la petite provinciale. Qui se justifie en permanence de ne pas être une vraie bouseuse, parce que quand même Paris, je connais bien, j’y ai vécu 4 ans, hein, doucement.

C’est parti. Faisons connaissance avec mes nouveaux partenaires de vie. On balance les banalités. Tu viens d’où ?
(…)
Non mais c’est quoi cette moue dégoûtée la ?
« Dijon… C’est où ca déjà ? »
(…)

Alors, l’ami bourguignon qui décide de franchir les portes de la capitale, te fatigue pas à essayer d’expliquer d’où tu viens, à partir du moment où ce n’est pas en région parisienne, tu es un étranger. Un sauvage. Tu es exotique.

N’essaie même pas de situer ta ville sur une carte, parce que tu n’auras comme seule réaction un hochement de tête signifiant que ton interlocuteur n’a rien pigé si tu places Dijon entre Lyon et Metz, et pourtant t’es large. Contente toi de préciser si ta ville d’origine se situe au Nord/Sud/Est/Ouest de Paris, en indiquant éventuellement la distance séparant ton village isolé du centre du monde.

Maille

« J’ai mon cousin Clément qui habite Grenoble. Clément Machin, ça te dit rien ? »

Ah ouais. On part de loin là. Bon. Une fois que le bonhomme a pigé que tu venais de Dijon, il va forcément te faire part, tout fier, de ce qu’il connait de ta petite bourgade. La moutarde de Dijon. Putain. Indigestion de moutarde de Dijon. Moutarde de Dijon partout, vraie culture régionale nulle part. Je me dois d’évoquer ce souvenir douloureux, celui de ce collègue, adorable pourtant, en pause déjeuner, qui me fait glisser un pot de moutarde de Dijon, sourire narquois, hyper fier de sa blague. Grimace polie de ma part, mais qu’est-ce que j’ai eu de la peine pour lui. Et je l’avoue, une petite envie de lui faire du mal. Beaucoup de mal.

On m’a fait des blagues aussi. LES MECS J’EN AI UNE BIEN BONNE. Hey, vous savez pourquoi les gens sont tristes à Dijon ? Parce que l’amour tarde ! La moutarde ! AH AH ! Et merde. Puis viennent les questions : « Non mais, en province, vous faites aussi comme ça ? » « Vous avez ça, chez vous, là-bas, LOIN ? » Je pense que je n’étais pas loin de leur faire croire que je devais pédaler pour avoir l’électricité. J’ai quand même pu les impressionner en annonçant fièrement que le premier Primark en France, hé bah même qu’il a ouvert chez nous. Oui, bon. Je sais.

« Ya des trucs à faire chez toi ? »

Non. Franchement, non. Rien. C’est d’ailleurs pour cela qu’on a cette sale manie de secouer nos mimines en chantant des lalalala, c’est parce qu’on se fait chier, vraiment, alors comme on se fait chier, bah on picole. Du bon vin. Tu sais, le vin de Bourgogne. Non, en vrai, j’évite de parler de ça, ils ne sont pas près pour le ban bourguignon. Pas près du tout.

Chouette

« Tu sors là-bas ? »

Oui. Alors là, cher lecteur, et cher parisien qui tombera sur cet article, je vais poliment te renvoyer à l’article polémique à clics pondu par la rédac il y a quelques mois (coucou Diane, bisous), parce que j’ai un peu la flemme d’argumenter sur les soirées à Dijon. Bourguignons, Dijonnais, sachez-le, la conclusion de cet article est un triste constat : les parisiens ne savent pas grand chose de nous, si ce n’est strictement rien de nous. Oui, il est douloureux de s’imaginer qu’il existe encore des irréductibles qui ne connaissent pas le nom de David Lanaud du Gray. Qui ne sont pas abonnés à « J’aime Dijon ». Mais c’est une sombre vérité : les Parisiens s’en battent de Dijon, et ce n’est pas un cliché de dire qu’à part la moutarde, ils y connaissent que dalle.

Et je vous le promets, pendant ces quelques mois, je vais essayer de réparer ça. Même si c’est pas gagné.

– Louise Sawyer

PS : La question « J’aime Dijon » du jour : « Et toi, si tu devais parler de Dijon à Paris, de quoi parlerais-tu en premier ? Un superbe mug « Chouette » à gagner pour la meilleure réponse. »