Une salle bien remplie : comme d’hab avec Woody Allen. Peu importe le titre, on va voir « le dernier Woody Allen ». On ne les a pas compté mais d’ici quelques années, on devrait approcher la centaine. Rencontre avec le dernier film de l’un de ceux qui a réussi l’équilibre subtil entre Art et Essai, et grand public.

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L’Homme irrationnel donc, avec deux comédiens à l’affiche qui nous font tout de suite des trucs dans le slip : Joaquin Phoenix ou comment réussir au cinéma avec une gueule cassé et un bide à la Homer Simpson, et Emma Stone ou comment réussir avec des yeux trop grands. Cette dernière est officiellement la nouvelle muse de Woody Allen. Assez fantastique en ingénue-roublarde dans Magic in the moonlight, elle envoie le bois encore ici. Le réalisateur a ce talent pour trouver LA nana qui est aussi intelligente que belle, aussi drôle que cynique. Hormis ce duo d’acteurs qui tient toutes ses promesses (pour le slip et pour le jeu), Allen nous offre un film entre comédie romantique classique (une histoire d’amour entre l’étudiante fan de son prof dépressif, so romantic !) et une tragédie cynique sur le vide de l’existence.

Abe Lucas est un prof de philo qui arrive dans une nouvelle université, où Jill est étudiante. Lui est blasé de tout ; il a tout fait, tout vécu et tenté l’impossible pour donner sens à sa vie : le Darfour, l’Irak, le sexe. En vain. Seule compagne à ses côtés : sa flasque de whisky. Elle, amoureuse d’un jeune-homme-bien-sous-tout-rapport-mais-chiant, va forcément s’enticher de ce prof charismatique. Le film aurait été plaisant mais sans grand intérêt s’il s’arrêtait là. Allen prend un virage surprenant qui donne une toute autre dimension au film en poussant jusqu’au bout le questionnement d’Abe sur le sens de la vie et la possibilité de rendre le monde meilleur. Abe se transforme en Lafcadio (Les Caves du Vatican de Gide, va le lire !) et rêve au crime parfait parce qu’apparemment non-justifié (là s’arrête ma comparaison littéraire). Le crime-altruiste peut-il donner du sens à ta vie ratée ? Un tout petit meurtre qui ne dérangera pas grand-chose mais pourra donner beaucoup de bonheur à d’autres. Eloge du crime L’Homme irrationnel ? Presque, la morale sera sauve certes, mais de manière bien accidentelle… Cynique comme on ne l’avait pas vu depuis longtemps Woody. Une vraie question sur le sens que chacun peut donner à sa vie. Oui parce qu’il faut en donner un, sinon honnêtement en vrai, on s’ennuie. Comédie, polar et tragédie, L’Homme irrationnel est un peu tout ça. Woody Allen est là où on aime le trouver avec des dialogues drôles, de l’inventivité dans le scénar, de la précision dans la mise en scène.

Salle comble et comblée. Alors tu peux y aller les yeux fermés même si c’est toujours plus pratique de les ouvrir au ciné.

– Melita Breitcbach

L’Homme irrationnel, Woody Allen, à l’Eldorado en VO (ce que je te conseille) et au Darcy en VF (pour les feignasses).