Après le passage de Marty McFly dans le présent le 21 octobre dernier, c’est au tour des deux frères Ademo et N.O.S. de PNL (Peace n’ Lovés) de jouer depuis le 30 octobre dernier avec les voyages dans le temps. Cette chronique aurait du sortir en 2079 tant ils sont, et ce depuis le début avec leur premier album QLF – Que La Famille, loin dans le futur. Donc imaginons-nous à cette époque, enfourche ton skate ou ta voiture volante, sors ta cigarette laser et prépare-toi à l’univers de PNL, aujourd’hui, et en 2015.

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Plus bas qu’terre, j’vois les pieds d’Lucifer

Fort du petit succès d’estime underground du précédent album, les PNL attaquent encore plus dans le vif du sujet, dans le sérieux et à plus grande échelle avec Le Monde Chico. Et on y retrouve toute la sauce qui a fait le succès de l’ »esprit » PNL : instrus à synthés cotonneux reprenant les codes sonores du cloud rap – version atmosphérique du rap tout droit sortit d’internet et né en partie grâce à des micro-genres tels Witch House ou Vaporwave et suivant l’héritage sourd d’un DJ Screw, beats trap discrets, retour en force du frérot VR, expressions et refrains déjà cultes, igo, attends-toi aussi à y retrouver des titres que tu as déjà connu (et qui ont tous étés clippés depuis) si tu suivais le duo depuis un petit moment (Le monde ou rien, J’suis PNL, Dans ta rue, et Plus Tony que Sosa), en plus d’une salve de nouveaux titres tous plus mémorables et excellents les uns que les autres.

Dans Paname, ballade nocturne parisienne et solitaire ; J’vends et sa ritournelle d’un quotidien qui tourne visiblement bien trop en rond ; featuring avec les gars de la « famille » sur Rebenga et le bien nommé Que la mif, toutes les instrus sont léchées, la prod’ tient pleinement la route tout au long de la galette, et l’auto-tune très présent, parfois ponctué de vocodeur, est toujours prétexte à soutenir et créer des mélodies et permettre plus que jamais aux motifs vocaux de s’incruster dans les mémoires, tout en donnant un cachet et une identité propre à l’ensemble. C’est aussi l’autre particularité du projet PNL : pas de punchlines, pas de mensonges, sincérité et gueule de bois avouée. On parle ici de la drogue comme d’une très mauvaise gerbe no-future dealée pour survivre sur fond de fictions quelque part entre Scarface, dont le vocabulaire est name droppé une bonne vingtaine de fois (Plus Tony Que Sosa, Rebenga… Le Monde, Chico !), et Dragon Ball Z.

N.O.S. et Ademo parlent de leur mal de ventre constant, pour une vie difficile où pactiser avec le mal est nécessaire pour survivre et faire vivre sa famille, par l’omniprésence de l’alcool et la drogue, enfermés dans un mal de crâne et une nausée qui ne s’arrête jamais. Du rap de dépressifs qui essaient tant bien que mal de rester positifs pour éviter de sombrer plus bas que jamais, PNL nous raconte son quotidien sans langue de bois, sans cacher son ressenti, s’identifiant à un film culte avec qui les points communs sont nombreux.

Du soleil, des tartines et du Nutella ?

PNL c’est un peu le duo « La Haine » version réelle, nostalgique, mélancolique, de la trap spatiale terre à terre, du rap à refrains anti-mainstream mais qui en utilise 70% des codes, des textes fatalistes, souvent positifs, de la poésie urbaine moderne (avec Mexico en point d’orgue), Akira et Vegeta dans le 91, la famille avant l’argent, QLF, l’argent avant le reste du Monde. PNL est dans sa bulle, sa capsule de l’espace ou Dans la soucoupe, un OVNI total dans le rap français qui risque de faire pas mal de bruit et d’émules dans les semaines et mois à venir (on pense au succès fulgurant du troisième album de Kaaris, Or Noir, aidé auparavant par une collab’ avec Booba et qui avait ouvert la voie à toute une armée de trappeurs hardcore-gras-char-d’assaut français il n’y a encore pas si longtemps de ça). Au final, 17 tracks qui forment, forcément, l’album rap de cette fin d’année.

– Douglas « Doug. » Ritter