Le dessin et le texte dans une BD, lorsqu’ils sont bien accordés, fertilisent une histoire comme peu d’autres médiums peuvent le faire : ils se nourrissent l’un l’autre et peuvent nous faire atteindre des sommets d’hilarité. Dans l’histoire Le grand méchant renard, par Benjamin Renner, publié aux éditions Shampooing, c’est exactement ce qu’il se passe.

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Le dessin est léger, rapide et les dialogues enlevés, délicieux ! L’auteur a, à mon sens, bien fait de retourner à ses propres travaux après avoir transformé (avec d’autres) Ernest et Célestine en dessin animé tout à fait étranger à l’esprit de la série de livres pleine de douceur de Gabrielle Vincent.

Nous avons donc là affaire à un renard totalement dépassé par sa fonction de prédateur. Il tente désespérément de manger de la volaille qu’il aura trouvée à la ferme d’à côté mais personne ne le prend au sérieux, il se fait martyriser par la cheftaine poule et un petit cochon accompagné par un lapin niais lui offrent par amitié (ou pitié ?) des navets pour pallier à sa faim. C’est tout naturellement qu’il tombe en dépression (en témoignent son air renfrogné et ses cernes récurrentes) : il traverse une grave crise identitaire qui va le mener à vivre, de mon point de vue, pas du sien, une belle aventure tout à fait inédite sur les « conseils » de son pote le loup gris. En effet, la tête pensante du duo de chasseurs va élaborer ce plan : voler des œufs dans le poulailler de la ferme pour les élever et les manger lorsqu’ils seront bien gras, bien dodus…

On n’est pas tous faits pour
être ce qu’on aurait du, ok ?

Le grand méchant renardDans cette bande dessinée, les dialogues, les caractères et les mimiques de chacun des animaux sont tout à fait jubilatoires et occupent la place centrale du récit tandis que le paysage alentour est peu développé (même si, quand il l’est il est « champêtrement » parfait). Par exemple le vil loup, dans toute sa grandeur et sa dignité, on le voit bien, est totalement blasé par son comparse incapable de dominer les plus petits, naïfs et doux des animaux, j’ai nommé les poussins… qui eux croient dur comme fer que le renard est leur maman -bon, il faut quand même dire qu’il les a couvés. Oh, ces trois poussins ils sont à croquer ! Rien que pour les voir évoluer je relirai cette fable contemporaine cent fois. Peut-être que je m’attache un peu vite mais vraiment, je ne suis pas la seule. Le renard se trouve effectivement -et à son grand dam- un instinct maternel pas si enfoui que ça, qui ne l’aidera pas à traverser plus facilement la crise identitaire dont je parlais juste au-dessus. Mais enfin, l’amour nous sauve tous n’est-ce pas ? Alors, après avoir nié tous les sentiments qu’il pouvait ressentir, le gentil petit renard finit par accepter sa nouvelle vie de mère… et quelle vie !

Je vous conseille à tous vivement de lire cette bande dessinée, car vous l’aurez compris elle égaiera sûrement ces froides et sombres soirées de Novembre qui commence ! Et surtout ne regardez pas Ernest et Célestine, lisez-les, plutôt. Allez, salut !

– Léa Zamolo