Petits cousins pedzouilles des Black Keys ou des White Stripes, les Left Lane Cruiser sont l’un des groupes les plus savoureux de cette scène garage-blues dont tout le monde se contrefout. Depuis 2006, le duo de Fort Wayne Indiana a sorti six disques, aussi teigneux qu’un pasteur baptiste braillant ses anathèmes. On les pensait partis pour durer mais, en 2014, patatras… le groupe change radicalement de line-up et sort dans la foulée un nouvel album, plus parfumé ‘‘stoner’’ que les précédents. Programmé à la Vapeur, on est allés tirer quelques lattes de leur petit dernier Dirty Spliff Blues.

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Arrivés à la bourre mais pas complètement bourrés, les Left Lane Cruiser étaient à la Vapeur dimanche dernier pour jouer leur Distorsion Blues et vider quelques godets. Ceux qui les avaient déjà vus à Binic l’an dernier n’ont pas été surpris, les Left Lane Cruiser tabassent, crachent un son rustique, sale, dégueulasse parfois, et jouent comme des mules une musique de péquenaud plutôt faite pour botter des culs que pour emballer les filles… Pour en arriver là, on suppose que dans sa jeunesse, Frederick J. Evans (chanteur et guitariste invariablement assis) a dû être bercé trop près des enceintes, où crépitaient des vieux vinyles de blues salace, celui des damnés : R. L. Burnside, Junior Kimbrough ou T-Model Ford – qu’ils reposent en paix. Comme à chaque fois, Les Left Lane Cruiser attaquent leur set avec une reprise de Hound Dog Taylor et jouent par la suite un medley de Junior Kimbrough (Nobody but You et Everywhere I go). Mais, ce sont principalement les titres de Dirty Spliff Blues, leur album sorti au printemps, que le groupe est venu jouer.

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Trois ‘‘borrachos’’ à Dijon

Cet album a ceci de particulier qu’il marque une évolution dans l’histoire du groupe. Le batteur, Brenn Beck, a été remplacé par un petit nouveau, tatoué, Pete Dio ; et Joe Bent vient agrémenter le groupe avec sa basse ou, accessoirement, une Lap steel guitar bricolée avec un skateboard et une bouteille de bière. N’allez pas vous imaginer un psychodrame, d’autant que tout ce petit monde se connaît très bien.  Brenn Beck jouait même avec Pete Dio et Joe Bent dans un orchestre digne d’une foire aux bestiaux texane: le White Trash Blues Revival Band. ‘‘C’est Brenn qui a décidé d’arrêter, explique Joe Bent, il a eu envie de trouver un boulot plus régulier et d’être plus souvent avec sa famille… vivre la belle vie quoi ! Et c’est vrai qu’avec Pete, on a amené nos propres influences dans le groupe : du hip-hop, du métal… Mais, ce qui nous rassemble tous, c’est le blues.’’ Le nouvel album est évidemment marqué par ces influences et sonne nettement plus ‘‘stoner’’ que les précédents. ‘‘L’évolution des Left Lane va dans cette direction, acquiesce Frederick J. Evans, Pete et Joe apportent plus de vitesse et d’énergie à l’écriture. Et, effectivement, le dernier album sonne plus heavy. De toute façon, tant que nous gardons un pied dans le blues, on peut aller dans n’importe quelle direction…même vers du reggae ! ’’ Ces mecs étant suffisamment cintrés pour mettre cette menace à exécution, on se méfie. Comme souvent avec les Left Lane, le concert s’achève dans une jam-session foutraque et jubilatoire, un morceau de vingt kilomètres de long, rappé par Pete Dio et les Dirty Deep (groupe qui assurait la première partie) invités à revenir sur scène avec un plaisir indéniable. À peine redescendu de son petit tour de voltige porté par le public, Victor Sbrovazzo, chanteur des Dirty Deep, aura quand même ce dernier éclair de subtilité : ‘‘putain, encore une soirée de merde avec des gens complètement cons !’’

– Édouard Roussel
Photos : E.R.