Lire, c’est classe. Tu n’es pas allergique, tu as déjà lu un article en entier (ou presque) dans Sparse version papier. Quand ta mère t’achète un livre pour Noël, tu trouves ça bien mais tu ne dépasses pas le chapitre deux. Les livres, on t’a forcé à en lire à l’école et ça c’est moche. Tu as été dégoûté comme Nico l’a été par la princesse de Clèves. Si tu veux briller en société et te la péter en terrasse, on te conseille un ou deux livres et tu verras, tu diras merci.

Nick CaveTu connais Bret Easton Ellis ? Ce mec est une pointure. Il a cartonné très jeune avec son premier roman Moins que zéro et surtout avec American psycho dont tu as probablement vu l’adaptation cinoche plutôt bien réussie. La recette de Bret est simple mais très efficace : un peu de perversion sexuelle, pas mal d’alcool, de violence et de cocaïne et surtout beaucoup de paranoïa. Tu me diras, la vie de la jeunesse désoeuvrée des banlieues chics de L.A. (Moins que zéro) ou des traders de Wall Street dans les années 90 (American Psycho) répond à une question que finalement personne ou presque ne se pose : peut-on être riche, beau et heureux ?

cvt_Lunar-Park_1003Les thèmes abordés par Bret peuvent paraître futiles (c’est bon les gosses de riches, on va pas vous plaindre non plus), mais son style littéraire a fait fureur lors de la sortie d’American Psycho, Beigbeder qualifiant même le roman de “meilleur roman du 20ème siècle” (t’enflamme pas Frédéric). Pour ma part, je pense que le meilleur roman de Ellis est Lunar Park. Flippant. Carrément flippant.

Dans cette histoire d’écrivain devenant dingo (tu penses à The Shining de Kubrick et tu as raison, ça aussi c’est vraiment flippant), Bret se met lui-même en scène et dans le genre autofiction, c’est très réussi. Patrick Bateman, le héros sanguinaire de American Psycho, fait quelques apparitions, tout comme le fantôme du père de l’auteur. On est alors assez vite perdu entre rêve et réalité, et complètement pris par une histoire d’enlèvement d’enfants qui vient alimenter l’intrigue et la paranoïa générale.

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En fait, si tu veux vraiment expérimenter le sens du mot paranoïa, ll y a trois méthodes efficaces :

– Voir The Shining de Kubrick seul, dans le noir sur un grand écran.
– Demander à ta mère de te préparer des cookies pour Noël auquel tu ajoutes une surdose de tétrahydrocannabinol… à manger sans modération.
– Va lire Lunar Park.

 

La mort de Bunny MunroBref, après avoir lu Lunar Park , je me disais que sur le terrain du père indigne toxicomane égoîste et parano, Bret était le plus fort. Sans doute. Par contre, j’ai trouvé un auteur qui peut lui tenir tête en la personne de… Nick Cave. Hein ? Nick Cave, le chanteur un peu hasbeen avec son groupe The Bad Seeds ? Je sais pas pourquoi mais Nick Cave and the Bad Seeds me fait penser à Lloyd Cole and the Commotions, ce qui est encore plus hasbeen. La musique de Nick est reconnue, mais j’avoue, c’est pas ma came… Un peu trop crooner et old school rock & roll. Par contre, le personnage est intéressant. Dans le film documentaire 20000 jours sur terre où tu passes 24 heures avec Nick Cave, on retrouve les ressorts de l’écriture de Bret Easton : mélange de réalité et de fiction, drogue et sexe, violence, auto analyse. La comparaison ne s’arrête pas là. Nick Cave a pondu un bouquin. Ça s’appelle La mort de Bunny Munro.

Oui je sais, un livre écrit par un chanteur hasbeen avec comme titre un prénom de lapin, ça commence mal. T’as tort, ce roman est excellent. Le (anti) héros s’appelle Bunny Monro donc, VRP en produits cosmétiques qui arnaque les petites veilles et les femmes seules dans les banlieues pourries de Brighton. Après le suicide de sa femme (pendant que M. Munro passait la nuit avec une prostituée), Bunny doit s’occuper de son fils et ça devient vraiment vilain. Ce qui rend le personnage sympathique, c’est qu’il est dans la merde sociale, contrairement aux personnages de Bret Easton (Brighton vs L.A., bitch !). À part ça, même topo… addiction (cul, drogues, alcool), paranoïa, égocentrisme et fuite des responsabilités. La scène finale est vraiment grandiose en forme de rédemption fantasmée, pas encore vu mieux. Allez, file lire La mort de Bunny Munro.

– Augustin Traquenard