Enfoui dans ma mémoire de collégien pré-pubère, le nom de Nina Hagen évoque pour moi l’essence du mouvement punk dans ce qu’il avait de plus subversif. La première chose qui me vient à l’esprit, c’est prof’ Nina et ses cours de masturbation féminine sur scène… Avoir 12 ans dans les années 80 et rêver d’assister à un concert punk où la chanteuse est susceptible de se masturber avec son micro… Bien sûr à l’époque me suis-je contenté d’écouter la reprise dégantée de ”My way” de la diva teutone dans mon walkman.Tout au plus dans un excès de confiance démesuré me suis je permis de me trémousser au son de “African reggae” à une boum anniversaire.

27134_sAvec 35 ans de retard donc, je me suis donc rendu mardi au concert de Nina Hagen au Cèdre de Chenôve, bien décidé à élucider le mystère du micro sextoy. Patatra. La madeleine de Proust avait un goût tout moisi.

Si Patti Smith a su garder l’énergie de sa jeunesse et encore émouvoir lors de sa récente tournée, le récital de Nina Hagen était décevant. Bien sûr, Nina a maintenant 60 balais et sa voix n’a plus le spectre d’antan pour passer des graves aux aigus en couvrant 3 octaves comme à ses meilleurs heures. Mais là n’était pas le problème. Le répertoire était vraiment décevant. L’instant le plus punk était l’interprétation d’un morceau de Dee Dee Ramone. Hélas, le guitariste qui avait pourtant la tronche d’Elvis Costello n’a pas pu réveiller un public de vieux fans anesthésiés.

Pour le reste, beaucoup de reprises hétéroclites parmi lesquelles “Down by the river” de Neil Young, ”Lord Help me” d’Elvis Presley, “Rivers of Babylon” de Bonney M (WTF?), chanson de Larry Norman (obscur rockeur chrétien des années 70) des enchaînements sans fil conducteur joués par Nina avec sa guitare folk et ses trois musiciens (guitare/basse/clavier). Ni bons ni mauvais, juste un peu chiant. Les rares jeunes filles de moins de 30 ans ont bien tenté de taper dans leur mains en chantant “Shalom” sur un titre folklorique mais la sauce n’a pas pris. Indice transpi : 0

Certes, les applaudissements étaient nourris après chaque prestation, cette femme est un mythe, le public, moi compris, respecte. Certes, ”African Reaggae” chanté par Nina Hagen se tenant à 10 mètres de toi, c’était bien. Certes, entre chaque titre, l’alternance du français, de l’anglais et de l’allemand, le phrasé psychédélique le regard halluciné de la star berlinoise faisait encore de l’effet.

Hélas, le contenu de son message reflétait beaucoup sa conversion au protestantisme : un ramassis de bons sentiments (la guerre c’est mal,l’arsenal nucléaire c’est dangereux) avec en prime l’évocation permanente de Jesus. Ajoutez à ça une interprétation toute personnelle de l’oeuvre de Brecht et un livre de Martin Luther King serré contre le coeur, c’était plutôt bab à la sauce peace and love qu’inspiré des sex pistols.

Punk is dead donc et je n’ai toujours pas élucidé le mystère des cours de masturbation féminine sur scène.

– Augustin Traquenard