La semaine dernière on s’est posé une bière avec Ken, le chanteur de Crossfaith, un groupe de metal japonais qui mélange tout un tas d’ingrédients pour en faire un truc bien fat. Ils étaient de passage à Nevers au Café Charbon. Crossfaith a été mondialement connu grâce à sa reprise de Prodigy. Ça a été l’occasion de causer de leur dernier album, Xeno, de baleines et de Fukushima.

Sparse : Vous êtes déjà venu plusieurs fois en France, quel regard avez-vous sur notre pays ?

Ken : C’est notre troisième ou quatrième fois. La première fois c’était à Paris en 2012 pour le festival Damage. La France est un pays très différent des autres pays européens. Je ne sais pas pourquoi exactement. La culture de la mode et de la musique sont différentes. J’ai parfois l’impression que nous autres Japonais et vous Français sommes très proches. Vous aimez les dessins animés, les mangas, le Hip Hop, le Jazz et l’electro aussi. Au Japon on a des milliers d’artistes aussi.

Sparse : Il y a quelques mois vous avez sorti votre dernier album Xeno, comment s’est passé la création ?

Ken : On a commencé d’écrire l’album depuis Blue Print il y a plusieurs années. La dernière fois, avec l’album Madness, on a travaillé avec David Bendeth. C’était compliqué. Il a parfois des idées très arrêtées sur certains aspects. Il nous forçait à faire certains choix en fonction de ce qu’il voulait. C’est un super producteur de musique. Je crois que 19 des singles qu’il a mixé ont été numéro 1 aux États-Unis. Il n’écoute plus de musique extrême. On fait du metalcore avec de l’electro. Pour nous les breaks c’est très important, tout comme l’aspect agressif. Cette fois, ce qui était le plus important c’était d’être Crossfaith. Avec Madness on n’était plus Crossfaith. On aimait le son bien sûr mais ce n’était pas nous. On avait besoin d’être nous-mêmes à nouveau. Il y a beaucoup de choses différentes avec ce nouvel album mais l’esprit des débuts est là. Wildfire est très nouveau par exemple.

Sparse : Justement, ce titre est un featuring avec Benji, le chanteur des anglais de Skindred. Comment l’as-tu rencontré ?

Ken : La première fois, je l’ai vu en live en 2011 au Japon. Il m’a impressionné. Je suis devenu un grand fan de Skindred. En 2013, ils nous ont invités en Europe pour une tournée avec eux. Je les aime vraiment comme musiciens et comme humains. Ce n’est pas qu’ils sont cool, c’est qu’ils ont une grande humanité. Leur niveau musical est extraordinaire, et leur tenue de scène est incomparable. C’est pour ça qu’on lui a proposé ce morceau Wildfire. C’est Teru, notre DJ qui l’a écrit. Je crois qu’on est les meilleurs amis du monde, Benji et moi.

Sparse : Crossfaith est devenu connu mondialement grâce à la reprise de Prodigy, Omen, pourquoi cette reprise ? C’est très à la mode dans le metalcore de faire des reprises de groupes connus, c’était pour suivre cette mode ? Ou parce que vous êtes des grands fans ?

Ken : Nous sommes des grands fans de Prodigy. En 2009 au Japon, quand je les ai vu pour la première fois, je me suis dis What the fuck is that ? Notre label nous a proposé de faire une reprise pour le Japon en version pop. Nous n’avons pas voulu. On a donc fait une reprise plus énervée. Ça a été unanime dans le groupe. On sait que Prodigy a déjà écouté notre reprise mais on ne sait pas ce qu’ils en pensent.

Sparse : En France, on parle souvent du Japon comme un pays qui chasse encore les baleines… C’est quoi ton point de vue la dessus ?

Ken : C’est des conneries. Tu sais, je ne suis pas chasseur. Au Royaume-Uni, pendant nos concerts on a vu plein de t-shirts de Sea Shepherd. Regarde, les australiens, ils mangent des kangourous, en Chine, ils mangent des chiens. Au Japon, on chasse des baleines et des dauphins. Sea Shepherd déteste ça. C’est des conneries. Pourquoi le monde nous en veut pour ça ? C’est comme ça. Je mange de la viande. Du porc, du bœuf, du poisson, tout. Tout ça sont des animaux. Les chiens, les kangourous, les baleines ce sont des animaux. Tout devrait être égal. Ce n’est pas le cas. Pour moi c’est des conneries. D’une certaine manière je déteste Sea Shepherd.

Sparse : En 2011 avec le tsunami, il y a eu le terrible accident de Fukushima. Est-ce que cette tragédie vous a impacté dans votre création et quelle perception vous avez de cet accident au Japon ?

Ken : Ce qu’il s’est passé, c’est le pire qu’il a pu se passé au Japon dans toute son histoire. Un de mes amis qui habite à côté de Fukushima a vu sa maison se faire détruire. Beaucoup de personnes ont été affectées par cette catastrophe. Le gouvernement japonais a caché beaucoup d’informations sur ce qu’il s’est passé et sur ce qu’il continue de se passer. Ils continuent de mentir. Les gens n’arrivent pas à savoir ce qui est vrai ou pas. J’ai écris ce morceau qui s’appelle Only the Wise can Control our Eyes. Ce morceau parle de ça. Quand on a tourné aux États-Unis on était avec Architects du Royaume-Uni. Ils s’inquiétaient beaucoup de Fukushima. Au Japon, les jeunes générations n’y font pas attention. Ils s’en moquent. Cependant, certains d’entre eux cherchent des informations à propos de Fukushima. Tout est différent en fonction des sources… On ne sait pas ce qu’il se passe. Et après tout cela, le gouvernement japonais continue de construire des centrales nucléaires. Ça c’est vraiment la merde.

– Propos recueillis par Jérémie Barral
Photo : J.B.