L’asso RISK organisait en avril le SIRK, un festival dédié aux musiques électroniques sur lequel nous avons rencontré le trio Bodybeat. Entre funk et dance music, avec de vrais instruments mais un rendu purement électronique, leur set pour la soirée disco-house a largement conquis le public de la Cancale. Interview de Nico (batteur), Jérémy (bassiste) et Red (chanteur-guitariste), un trio lillois complètement zinzin.

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À part deux interviews audio au Bar en Trans et pour le festival Détonation de la Rodia, il n’y aucune autre interview de vous sur le net… Comment ça se fait ?

Red : Alors je me rappelle qu’aux Bar en Trans, c’était des lycéens. Et la première question d’une des filles c’était : “Bodybeat vous avez pas peur de la censure ?” Au début je ne comprenais pas et puis j’ai réalisé qu’elle pensait que ça s’écrivait Bodybite… (Rires)

Je vous ai découvert il y a deux ans au Cabaret Festival, vous vous souvenez de ce concert au Temps des Cerises ?

Jérémy : Oui, on avait joué la veille au nord de l’Angleterre et on s’était tapé 1 500 bornes dans la journée. On devait jouer à 23h30 et malgré que la config’ soit rapide à installer, on a dû arriver à 23h20. J’ai fait la moitié du concert en manteau, car je n’avais même pas eu le temps de l’enlever. On avait simplement fait un line check.

Red : Je me souviens être sorti de la voiture en me disant qu’on n’allait pas y arriver, on était tendus comme des strings.

J’ai lu que vous voyagiez en Clio pour les tournées, que vous avez rebaptisé la « beatmobile » ?

Red : En fait, la « beatmobile » est décédée cette semaine. Je pense que c’est important de le dire dans l’interview. Le joint de culasse a merdé et voilà, elle est morte. Mais effectivement, ce groupe tient dans une Clio.

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Pour en revenir au Cabaret Vert, entre ce que vous aviez joué sur la place de Charleville et ce que j’ai pu voir ce soir, je n’ai reconnu que des bribes de morceaux, le set a beaucoup évolué non ? 

Jérémy : Par exemple, le morceau « River of Songs » est né sur scène et je pense même qu’on avait déjà commencé à le jouer à Charleville, car on marche beaucoup à l’improvisation… Cette impro’ on l’a un peu structurée et c’est devenu un des morceaux du nouvel album.

Nico : Ce soir il y avait un peu de nouveautés mais aussi beaucoup de jam ; on avait huit titres au départ, mais on a joué seulement des passages avant de partir en impro’.

Red : En ce moment il est en train de se passer un truc sur scène, c’est à dire qu’on se barre grave en sucettes. Ça improvise de plus en plus, et l’on veut partir un maximum là-dessus. On est en train de mettre un système au point pour enregistrer tous les lives et pouvoir les sortir en vinyle quand on est contents.

Jérémy : On adore jouer mais la partie enregistrement prend beaucoup de temps. Mais vu qu’on se découvre de plus en plus et que des morceaux naissent sur scène, on se dit qu’on pourrait adapter le format à notre fonctionnement.

Red : Aujourd’hui, sortir un album ça a encore du sens pour les pros, mais pour les gens je crois pas. Mes enfants n’écoutent pas d’albums, ils écoutent Internet.

Jérémy : Ce qui ne nous empêche pas de faire des titres studios, clipés.

Nico : C’est vrai que t’écoutes plus vraiment de concept albums où tu vas écouter tous les titres, tu écoutes certains des titres. Ça peut être intéressant pour nous de sortir des morceaux comme ça.

Et donc l’album 8 est sorti, mais pour l’instant seulement en CD et au format digital ?

Red : Oui, on vend quelques CD mais c’est plus pour la promo, on les donne bien souvent ou on les envoie. Mais on attend le vinyle, car on y est très attachés et notre label Alpage Record aussi. On trouve ça cool parce que le vinyle c’est ce que tu vends aujourd’hui à des passionnés.

Jérémy : C’est d’ailleurs une des lignes directrices du label lillois qui va bientôt sortir ses propres vinyles dans son usine en Belgique, à la frontière. Ça va être le premier label en France avec sa propre usine de pressage.

Nico : Ce sera parfait pour sortir des petites séries, des trucs beaucoup plus spontanés.

Jérémy : Des labels indé il y en a 36 000 en France mais ils passent commande dans des pays lointains pour recevoir des mois plus tard leur vinyles. Grâce à Alpage, nous pourrons plus rapidement joindre les idées aux faits, le label proposera aussi un service de pressage aux autres labels. 

Vous trainez un peu avec les autres artistes du label ?

Red : On fait des soirées électro Alpage Night où l’on mixe ensemble.

Jérémy : On a déjà fait ça au Jazz Pulsation à Nancy l’année dernière et prochainement à l’Épicerie moderne à Bruxelles, le 28 mai. 

Red : Il y aussi des soirées avec tout un tas de bordel électronique sur une table…

Jérémy : Ça s’appelle les soirées Alpage Acid Crew, ce sont des soirée anti-compositions de la maison. Dès que tu te pointes sur scène tu dois jouer quelque chose que tu n’as pas préparé.

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Au niveau du matériel, vous êtes équipés léger : une guitare, une basse, une batterie électronique et quelques pédales. C’est pour le côté pratique ou une certaine recherche du son ?

Red : Au départ on avait commencé les répet’ avec une vraie batterie mais au mixage on voulait un rendu plus électro, alors on est passé à l’ électronique, parce que c’est ce son 80’s qu’on cherchait.

Nico : On avait envie de rendre le truc un peu scandaleux aussi dans le sens où on n’utilise aucun ampli, on radicalise un peu la configuration…du pur électronique.

Red : Et puis on est un peu anti-matos surtout.

Nico : On aime pas trop parler de matos, tout ça…

Red : On en utilise quand même, surtout en studio. Mais on est quand même de vrais flemmards.

Et cette basse sans tête c’est quoi ?

Jérémy : C’est une basse un peu à mon image ; très blanche, fine, et qui n’a pas de tête. Le modèle original (à $3.000) est surtout en carbone. C’est le petit doigt d’honneur de Steinberger à Fender. Leur slogan, c’était tout simplement : « on les fait comme ils ne les font pas », c’est à dire en carbone, et non en bois. Mais attends, là on parle matos, non ? (Rires collectifs) Mais j’ai opté pour la version bois, dix fois moins cher.

Red : Au Cabaret Vert, il avait encore sa basse un peu roots, 60’s, mais moi j’avais un problème avec ce son pas assez moderne qui correspondait pas à notre musique.

Vous vous revendiquez du funk, des sonorités 80’s, mais pourtant vous cherchez à obtenir un son très actuel. Pourquoi ?

Red : Nico fait aussi des DJ sets et on est assez fan de ce qui se passe musicalement actuellement. Tu vois j’adore Prince, c’est une de mes influences principales mais, hormis le fait qu’on soit tous les trois rouquins, on a à peu près tous dix ans d’écart et des influences très différentes.

Jérémy : On vient tous du rock principalement, et c’est de là que vient le côté punk sans doute.

Nico : Oui, on a tous été dans des groupes de rock avant, mais on a aussi l’habitude d’aller en club le week end.

Red : Sex, drug and rock’n’roll, quoi ! Enfin le sexe et la drogue auraient sans doute pu nous suffire.

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Entre le premier EP sorti en 2014 et l’album 8, le son reste toujours très funk mais beaucoup plus barré dans le propos, non ?

Jérémy : Le vocabulaire a un peu évolué.  En contradiction, l’EP que nous avons sorti avant est plus coloré, moins bancal dans le son et la façon dont on l’a produit.

Red : Et puis on n’a pas les moyens financiers et techniques de faire un truc super léché genre Daft Punk.

Nico : De toute façon c’est pas ce qu’on recherche ; on est dans une démarche où on essaie de répéter le moins possible pour justement préserver un peu le côté punk, « à l’arrache », des concerts. Là ça faisait presque un mois qu’on n’avait pas joué, c’est aussi une manière de se mettre en danger sur scène, c’est super excitant. On s’est vus mais pour discuter et boire des coups, pas pour répéter. 

Jérémy : Il y a toujours une partie écrite dans nos concerts mais le reste du temps on se fait juste des signes, on se parle.

Nico :  Comme dans les concerts de jazz où les mecs ont une grille et s’hurlent dessus pendant les impro’ pour revenir dans le morceau. Ça peut être génial ou complètement foireux. En tout cas c’est super intéressant à faire.

Red : Le concert est divisé en deux parties : il y a au départ des chansons, et puis une deuxième partie beaucoup plus dance music. Nous on voit ça presque comme un DJ set. Si ça marche, on continue, on va plus loin dans l’impro’.

Vous tournez un peu en Europe ?

Red : On a fait quelques dates en Angleterre, on s’est lié d’amitié avec un groupe de Leeds qui s’appelle Galaxians, qui est très très funk. On a sorti un split EP sur leur label Stargaze. Et puis Leeds c’est un peu comme Lille…

Jérémy : Ça commence par « Lee » aussi…

Red : Non mais dans l’esprit, c’est très populaire ; il y a une culture de la dance, le public est habitué à aller voir des concerts, tous styles confondus.

– Propos recueillis par Sophie Brignoli
Photos : Louise Vayssié