Le week-end dernier, on était au Festival Artefact pour voir Cypress Hill fêter ses 25 ans avec un gros blunt sur scène. DJ Premier, Mobb Deep, Redman et DJ Shadow étaient là aussi dans un Zénith de Strasbourg transformé en bang. Hits from the Bong, gros.

Dès le lancement du festoch entre 16 et 17h, toutes les conditions étaient réunies pour nous faire chier. Avant même d’arriver au Zénith, une pluie diluvienne s’abat sur Strasbourg et nous trempe jusqu’à l’os en cinq minutes. Pour éviter de faire la queue sous le déluge, on saute les barrières sans être fouillés et sans que personne ne vérifie nos pass ; la sécurité ne bronche pas, trop occupée à s’abriter. Flippant à l’heure de l’état d’urgence, mé ke fé la police ? Après avoir essoré nos fringues et nos pompes dans l’entrée, c’est encore un dur retour à la réalité : malgré les accréds, pas d’accès en coulisses, pas d’interviews, “les artistes ne sont pas en promo”. Donc on se contente de se fondre dans une foule de 12 000 personnes, de faire la queue trente minutes pour une pinte et jusqu’à une heure pour des parts de pizza. La flammekueche, ou tarte flambée pour nos amis alsaciens, est une alternative viable, comme le couscous. Le menu était varié, on accorde au moins ça.

DJ Premier ouvre le bal

Mais on s’en fout un peu parce qu’on venait surtout pour la prog’ de légende. Même si Busta Rhymes avait annulé sa présence plusieurs semaines avant le festival. Pour ceux qui en doutaient, DJ Premier n’est pas venu pour rien, nous gratifiant d’un mix de haute volée, avec des scratches pas à la portée du premier disc-jockey dijonnais venu. KRS-One, en revanche, venu remplacer Busta Rhymes, partage avec ce dernier un embonpoint le faisant passer pour Whoopi Goldberg (pour rien dire de l’absent qui lui ressemble à peu près à Magloire désormais) ; on avait dit “pas le physique”, mais il se trouve que cela a rejailli sur sa prestation, quelque peu empâtée et relou. L’heure de la retraite à Digoin a sonné, vieux. Anecdote marrante : il paraît que KRS serait rentré par le même accès que les spectateurs, sûrement sous le regard médusé des agents de sécurité. La petite histoire ne dit pas s’il a garé une Fuego ou un Touran sur le parking…

SIDE_MobbDeepSPRITEMobb Deep en playback

Ensuite, Mobb Deep. Quelque part, on ne voit pas trop en quoi on devrait se réjouir de voir les deux compères de Queensbridge saccager leurs propres chansons en hurlant par-dessus le playback, ce qui sera l’exact contrepoint de la prestation de Cypress Hill, qui elle impliquera d’authentiques musiciens, mouillant la chemise et prenant des risques. Le bon point toutefois à retenir de cette “performance”, c’est que les MC’s ne se sont pas contentés de Shook Ones Part. II à l’efficacité imparable, mais ont rappé des sons moins connus des dilettantes, provenant notamment beaucoup de Murda Muzik. Des assertions aussi pertinentes que “A Hoe Gonna Be A Hoe” pouvaient donc être assénées à l’auditoire conquis, le parterre de donzelle applaudissant à ces belles sentences les concernant. Remarquons d’ailleurs qu’un bon quart des spectateurs était constitué de gonzesses, ce qui tranche avec l’afflux quasi exclusif de testostérone à ce genre d’évènements.

Redman en solo

L’intervenant suivant, tout penaud, ne fut autre que le malheureux Redman, qui, il faut bien l’admettre, peut largement moins pavoiser sans son compère Method Man. Lequel, dixit Redman lui-même, bien embarassé, missed his plane”. Appelons un chat un chat : c’est du foutage de gueule, surtout pour ceux qui souhaitaient en particulier voir celui qui interprète le personnage de Cheese dans The WireEncore une trentaine de minutes d’attente, comme entre chaque concert, qui permettent à la fois de se taper la queue pour de la bière et de rouler des joints. Ambiance festoch, les gens sont assis par terre et ont les yeux complètement rouges. Le public est donc plus qu’à point pour accueillir la pièce maîtresse de la soirée : Cypress Hill.

« I Wanna Get High »

Malgré 25 ans d’existence au sein du groupe et une consommation excessive de weed, B-Real et Sen Dog ont retourné le Zénith de Strasbourg, parfois secondés par Bobo “on the corner” (qui était également percussionniste pour les Beastie Boys). Reconnaissable entre mille, le rap nasillard de B-Real a produit l’effet escompté sur le public. Il fallait être sous anesthésie générale pour ne pas se mettre à sauter comme un cabri aux première notes de “Insane In The Brain”, “A To The K” ou “Cock The Hammer”. C’est donc ce qui s’est produit pour les 12 000 personnes présentes, et la vue de la fosse se secouant à l’unisson était vraiment impressionnante.

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On sait ce que tu penses. Bof. Des dinosaures qui ont fait un tube avec un sample de hennissement de cheval décliné à l’infini. Non. Cypress, c’est une discographie dense, des tubes à la chaîne, une présence, un son qui n’a rien perdu de sa puissance. Un putain de mythe s’est produit sur scène, au Zénith de Strasbourg, sous nos yeux. Le show était millimétré, parfaitement exécuté, on voit que les mecs tournent depuis plus de vingt ans. Et lorsque B-Real allume son joint sur scène, toutes nos emmerdes liées à l’organisation débordée s’évaporent en fumée.

C’est à DJ Shadow que revient la lourde tâche de boucler la soirée aux alentours de 2h du mat’ avec du son qui paraît soporifique après la grosse ambiance de Cypress Hill. Signe qu’il est temps de redescendre gentiment de son nuage et d’aller se coucher.

– Augustin Traquenard, Tonton Stéph & Loïc Baruteu
Photos : DR