Ah, que n’aimes-tu tant que dénigrer la ville où tu as élu domicile, en décrétant qu’il ne s’y passerait rien. T’as pas le sentiment de raconter n’importe quoi ? Tu vas sérieusement rester devant Thalassa ? Au cas où la chaîne Mezzo soit dans tes favoris, ou, encore plus fou, que tu sois capable de la plus élémentaire curiosité, il serait grand temps que tu te rendes à l’Auditorium ou au Grand Théâtre.

Il y aura dès la rentrée L’Orféo de Monteverdi

On va pas faire semblant de connaître cette oeuvre, mais puisqu’elle est annoncée comme, en quelque sorte, la premiere de l’histoire de l’opéra, cela pourrait être pas mal pour se constituer une culture jusqu’à tes vieux jours. Tu peux aussi aller lire cette analyse philosophique pour te donner un contexte. Et puisque tu as de la suite dans les idées, il y aura aussi l’Ulysse du même auteur, ainsi que l’Orphée et Eurydice de Glück. Laisse la vieille prof’ de lettres classiques décatie en toi s’enjailler !

Parce qu’il faudra bien que tu vois La Flûte enchantée une fois dans ta vie

Et pas que dans Amadeus de Milos Forman, où le musicien s’émerveillait, effronté, du potentiel politique revêtu par la possibilité de parler à plusieurs voix de façon harmonieuse. Par ailleurs, il paraît que la pièce n’a été représentée que 14 fois depuis 1828 dans ta ville ; ça y est, on voit ta mine réjouie, t’aimes bien te sentir privilégié. Et puis, Mozart est venu jouer à Dijon alors qu’il n’avait qu’à peine dix ans, le 18 juillet 1766 (ouais, il y a pile 250 ans). Tu jouais encore à la baballe à l’école Darcy, à cet âge-là.

« Han y’a même plus de danse à l’Opéra Dijon » : raté, ronchon

Ne serait-ce que parce qu’il y aura quatre représentations lors du festival Art Danse. Si tu rajoutes deux pièces du Ballet de l’Opéra national de Lyon et une du Grand Théâtre de Genève, cela en fait tout de même sept, ce qui est certes toujours mieux que zéro, non ?

Pour rappel, c’est l’un des plus beaux monuments d’architecture dijonnais

Au lieu de te contenter de passer en dessous en tram ou pour te rendre à Ikéa, il serait temps que tu viennes admirer ses belles courbes, au lieu de faire la queue pendant les journées du patrimoine. Un cabinet d’archi’ de Miami s’était, à l’époque, mis à pied d’œuvre. Prends ça, Dexter Morgan.

Parce qu’on t’a vu te plaindre de l’augmentation des impôts locaux de ta chère ville

Or, rien ne t’oblige à demeurer ici. Tu peux prendre un magnifique pavillon dans un lotissement de Longecourt-en-Plaine. Vivre à Dijon, c’est faire le choix, notamment depuis une décennie, d’évoluer dans une ville qui propose un panel varié de possibilités pour sortir. On t’a toujours pas vu à l’auditorium, t’es vraiment mieux devant ta télé ? Tu veux revoir La grande vadrouille, encore ?

Les abonnements et tarifs sont abordables

On n’est pas à Bastille ou à l’Opéra Garnier ; c’est 5,50 avec ta fameuse Carte Culture, oui, celle censée t’éloigner un minimum de ton nombril dans ta pauvre chambre u. Découvre ta nouvelle ville, l’étudiant débarqué de Digoin. En outre, L’accès aux spectacles est gratos pour les moins de 15 ans lorsqu’ils sont accompagnés d’une personne de plus de 60 ans ayant acheté une place en plein tarif. Une occasion de sortir mamie dans la maison de retraite et de lâcher Pokémon go deux petites heures.

Parce que l’opéra n’est certes pas réservé aux snobs, aux bourges et aux viocs

Même si chacun fait un petit effort pour venir bien sapé ; on n’est tout de même pas à la foire au jambon persillé. On te l’avait déjà suggéré lors de la venue du philosophe Mehdi Belhaj Kacem pour la Tétralogie de Wagner il y a trois ans : le public est bigarré, avec plein de dilettantes et de curieux qui ne sortent pas leur revolver lorsqu’ils entendent le mot « culture ».

Parce qu’accessoirement, on aime la communication visuelle

Qui a été confiée depuis déjà un moment et avec intelligence à Vitali Studio ; elle accroche le regard sans difficulté, et donne un souffle de modernité bienvenu à une institution souffrant à tort souvent d’une image vieillotte. On attend tous les ans avec plaisir le fascicule de présentation de la saison.

Dijon vs la capitale

Les affres de la centralisation absolue dans l’hexagone ; un journaliste désoeuvré du Figaro descend chez les ploucs bourguignons et vient leur faire la leçon lors de la représentation de la Tétralogie : « Le ring tourne en rond à Dijon« , « ce fut une longue désolation ». Christian Merlin, ta tête est mise à prix chez nous wallah, on va te hagar.

Parce que Descartes lui-même t’incite à t’exciter

« Lorsque nous lisons des aventures étranges dans un livre ou que nous les voyons représenter sur un théâtre, cela excite quelquefois en nous la tristesse, quelquefois la joie ou l’amour ou la haine et généralement toutes les passions, selon la diversité des objets qui s’offrent à notre imagination : mais avec cela nous avons du plaisir de les sentir exciter en nous et ce plaisir est une joie intellectuelle qui peut aussi bien naître de la tristesse que de toutes les autres passions. » in Les Passions de l’âme, article 147.

Aucune excuse, tu y vas.

– Tonton Stéph
Photo (c) Gilles Abegg, Opéra de Dijon