En chantier depuis plus d’un an, le nouvel album du quatrième larron de Black Hippy est enfin disponible. Une belle preuve que prendre son temps pour faire les choses finit par payer. Attention : rap conscient.

C’est peut être la première fois que t’entends parler d’Ab-Soul mais tu l’as forcément déjà entendu quelque part, que ce soit en duo avec Kendrick Lamar ou ScHoolboy Q, ou sur une collaboration entre les quatre membres de Black Hippy, dont ces trois-là font partie avec Jay Rock. Vedettes du label TDE, les quatre rappeurs ont définitivement repris le flambeau de 2pac, Death Row et même The Game, qui ont marqué de leur empreinte le rap west coast. Ces derniers temps, on a eu droit aux albums de la maturité pour Kendrick, passé des délires d’ados à la politique en 2015, et ScHoolboy Q, passé de la codéine à la cocaïne cette année, et Do What Thou Wilt s’inscrit dans cette tendance. Avec un titre d’album inspiré de Shakespeare, ça te classe le bonhomme.

Ab-Soul, contrairement à ses trois potos, n’a pas grandi dans un ghetto. Il a vécu à Carson, près de Los Angeles, où ses parents tenaient une boutique de disques. C’est là que les instincts de poète du « Black Lipped Bastard », le surnom du rappeur, se sont mêlés à son intérêt pour la musique. Après deux mixtapes et trois albums entre 2009 et 2014, dont These Days… qui a révélé Ab-Soul grâce à des duos avec Lupe Fiasco, Rick Ross, Action Bronson, Danny Brown et ses comparses de Black Hippy, on attendait enfin une œuvre capable de propulser le rappeur californien au niveau de Kendrick et Q, déjà mondialement connus.

Autant te prévenir tout de suite, si la notoriété des deux poulains du label TDE a forcément profité à Ab-Soul, cet album ne percera sans doute pas plus loin que dans le petit monde des amateurs de rap, et ce en dépit de sa qualité. Car, une fois de plus, le rappeur a livré un travail très personnel, très profond et difficilement abordable pour ceux qui ne connaissent pas l’artiste californien. Soulo, c’est ton pote en soirée qui fume des joints énormes et qui se met à te parler de la vie et de la mort.

Néanmoins, DWTW s’ouvre sur le titre « RAW (backwards) » qui s’en prend au rappeur Jay Electronica, celui qui s’en était pris à Kendrick Lamar au cours d’un live Periscope à la Serge Aurier. Ab-Soul commence donc par défendre son pote, puis enchaîne avec « Braille », en featuring avec Bas, le gros tube de cet album dont le clip a été tourné à Paris. Dans cette zik, Soulo mélange weed et passages de la Bible. Vient ensuite l’autre single, « Huey Knew THEN » en duo avec DasH, en référence au membre des Black Panthers Huey Newton, où le rappeur aborde sa condition d’Afro-américain.

Très personnel, DWTW laisse néanmoins un peu de place à d’autres artistes, comme ScHoolboy Q sur « Beat The Case » ou Mac Miller sur « The Law ». L’univers d’Ab-Soul s’efface presque sur ces deux titres pour coller à celui de ses invités et l’on croirait presque que c’est lui qui a été convié à participer. Dans l’ensemble, si la totalité de l’album ne présente pas de réelle cohésion dans la tracklist, on reconnait la patte du maître. Hormis les sons déjà mis en avant, on peut citer « Threatening Nature », Womanogamy », « INvocation » ou encore « D.R.U.G.S. » parmi les bonnes surprises. Pour le reste, il faut sans doute réellement comprendre le travail du rappeur pour accrocher complètement. Ce qu’il est peut être le seul à pouvoir réussir. Encore une fois, il faut saluer le label TDE pour la grande liberté artistique dont jouissent ses artistes.

– Loïc Baruteu
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