N’allez pas croire que nous serions allés voir la dernière oeuvre de Cédric Klapisch ces derniers jours : nous nous étions rendus à l’avant-première au Cap vert il y a plusieurs mois, en présence du réalisateur et des principaux acteurs. Il nous était apparu à l’époque évident que nous inciterions à vous rendre en masse visionner ce film qui arrive à filmer correctement la Bourgogne. Si si.

Quoi de plus casse-gueule qu’une scénar’ portant sur des histoires de terroir, d’héritage, de névroses familiales et de pinard ? On est limite pas loin du Chateau des Oliviers, tu as déjà envie de rétorquer que c’est un énième horrible film psychologique français, forcément chiant. Ce serait oublier le plaisir que tu as pu éprouver devant Le péril jeune et la sympathie qui pouvait se dégager des personnages de L’auberge espagnole, Les poupées russes, voire les moins réussis Le casse-tête chinois ainsi que Paris. Cédric Klapisch, espèce de cinéaste de gauche sympathique, arrivera à thématiser « la terre qui ne ment pas » et les problèmes liés à l’enracinement sans verser dans une espèce de pétainisme dégueulasse. Juré. Et, avouons-le carte sur table : ce n’était pas gagné.

Travail, famille, Puligny

L’exercice consistant à filmer la Bourgogne est une gageure : quiconque a un peu frayé dans le coin s’attend au pire, souhaitant ne pas voir s’afficher devant lui les pires poncifs. Stupeur :  Klapisch arrive même à filmer une paulée sans que cela ne nous semble ridicule. Les scènes dans ce drame familial sont magnifiquement filmées dans les climats de Puligny-Montrachet, pas spécialement le coin à vins les plus dégueux – et il a été aidé par un résident qui lui a évité, probablement, un regard trop parisien sur nos petits us et coutumes provinciaux. Néanmoins, Klapisch connaît bien le pinard du coin, et semble bien davantage l’apprécier que le Bordeaux. Y’a intérêt, gros. Son film évoque le retour au bercail, au décès du pater familias, d’un des trois gosses de vigneron mis au pied du mur face aux droits de succession des vignes, dont ils doivent se demander s’ils vont les travailler ou les revendre, leur intérêt étant bien davantage porté sur leur vie affective tumultueuse et moderne, que sur les enjeux de la taille des cepts ou de la date des vendanges. Une problématique universelle : should i stay or should i go ?

cequinouslie

Plus belle la lie

Avec un titre pareil, on aurait pu légitimement craindre une mièvrerie abominable, une réfléxion surannée sur la communauté et l’attachement au sol. Il n’en est rien. On passe un bon moment, sans trop se prendre la tête, tout en partageant les péripéties des trois apprentis vignerons, pesant avec eux la portée des décisiosn pressantes. A travers un rythme enlevé, un art de la scenette marquante et de la punchline drolatique, drolatique utilise au mieux le charisme de ses trois principaux acteurs : les protagonistes arrivent à incarner l’hésitation existentielle la plus triviale sans tomber dans le film d’auteur relou ou Plus belle la vie . La vision d’un Transco, l’évocation des patelins pas éloignés de là où nous avons par hasard pu nous aussi grandir, amuseront à n’en pas douter les locaux. Comme l’exhibition sans ambages de la beauferie de certaines de nos amis de la côte, faisant leurs choux gras à coup de pesticide et de cynisme. Cette honnêteté-là aussi fait plaisir à voir. Et si après ça, tu as encore envie de boire de la piquette, c’est à ne plus rien y comprendre.

Tonton Stéph