Il n’est jamais trop tard pour se mettre au théâtre ! Cette année le Théâtre Dijon Bourgogne fête les 70 ans de la décentralisation, et réaffirme plus que jamais l’importance de diffuser la création théâtrale partout et pour tous, en particulier les jeunes – ok avec un budget certain tout de même ! Bah ouais, y a pas qu’à Paname qu’on peut voir du théâtre de qualité : petit panorama sélectif de la saison 17/18 du TDB.

Regards jeunes sur la société contemporaine

Grâce à son équipe de comédiens permanents, et ses auteurs et compagnies associés, le TDB fait la part belle à la création contemporaine portée par de jeunes générations d’artistes. La talentueuse metteure en scène Maëlle Poésy, déjà bien connue des dijonnais, interroge notre époque, celle des exils, des instabilités et incertitudes politiques, et fait parler nos jeunesses inquiètes et abîmées, à travers deux propositions : Ceux qui errent ne se trompent pas, une pièce d’anticipation de 2016 qui questionne sur le sens de la démocratie lorsque tout un peuple choisit massivement le vote blanc un jour de pluies diluviennes, et que le gouvernement, en réaction, flirte avec les dérives totalitaires ; Et Inoxydables une création inédite en « petite forme », sans décor ni lumières, où tout repose sur le jeu des comédiens, qui raconte l’histoire de deux jeunes gens vivant d’amour et de musique métal, contraints un jour de fuir. A travers leur errance et leurs vies éclatées, l’amour est mis à rude épreuve et la musique a un rôle à jouer.

Quatre classiques rééclairés

Quatre pièces classiques seront revisitées cette année sous un éclairage contemporain, dont une création du TDB, mise en scène par son directeur Benoît Lambert : Le jeu de l’amour et du hasard, un Marivaux du 18e siècle, rappelle, à travers un quatuor amoureux d’aristo et de valets, combien l’ordre des classes sociales est immuable, et que les dominants sauront toujours se reconnaître, par delà les ruses et les jeux de séduction. Plus tard dans l’année le Georges Dandin de Molière abordera lui aussi la hiérarchie sociale et sa (non) porosité.

Le marchand de Venise de Shakespeare, où un usurier juif exige le remboursement de la dette de son débiteur sous la forme d’une livre de sa chair, est réécrit à la lumière de notre époque et devient Business in Venice, interrogeant sur la place de l’humain dans le monde capitaliste où règnent économie et loi du marché.

Enfin, une petite tragédie classique, avec ce qu’il faut d’épouses endeuillées, d’amours contrariés, de destin inéluctable, de jalousie, de haine, dans cette Andromaque de Racine rénovée grâce aux apports de la musique live et du cinéma de Jacques Rivette. Attention, les mecs parlent en alexandrins !

Des adaptations de romans

En 2013 l’écrivain Sorj Chalandon recevait le Goncourt des lycéens pour son roman Le quatrième mur, dans lequel un metteur en scène tente de monter la pièce Antigone de Anouilh à Beyrouth en 1982, en pleine guerre du Liban, avec des artistes issus des différents camps ennemis. Le texte est ici adapté au théâtre sous le nom Antigone 82, avec huit comédiens et musiciens venus d’horizons divers, comme un hymne à la fraternité face à la réalité politique.

La 7e fonction du langage, adaptation du roman éponyme de Laurent Binet paru en 2015, met en scène une sorte de parodie d’enquête policière autour de la mort suspecte de l’intellectuel français Roland Barthes, renversé par une camionnette le 25 février 1980, à sa sortie d’un déjeuner avec Mitterrand, comme de par hasard !

Deux ovnis théâtraux

Un curieux projet que celui de placer sur scène six batteurs professionnels, des joueurs de batterie donc, avec leur pratique, leurs connaissances, leur gestuelle, leur mythologie commune, de leur donner la parole et de les laisser s’individualiser peu à peu. Une expérience musicale et théâtrale qui explore les rapports entre l’individu et le groupe, la complexité au cœur de l’unité rythmique. Les batteurs.

C’est au théâtre de genre que s’attaque le metteur en scène Marc Lainé avec Hunter, où il s’intéresse aux genres de l’horreur et du fantastique, plutôt propres au cinéma, à travers la figure de la femme loup-garou obsédante. La pièce hybride associe théâtre et projection cinéma en direct, sur fond de musique électro composée pour l’occasion par Superpoze.

Ces quelques spectacles parmi d’autres annoncent donc une saison riche et variée, un théâtre ouvert sur le monde d’aujourd’hui, au carrefour des arts et de la création. Question budget, avantage aux jeunes : si t’es étudiant, tu chopes ta carte culture, ce qui te fait tous les spectacles à 5,50 euros – merde, c’est justement ce que Macron t’a sucré tous les mois, faut choisir, tu bouffes ou tu te cultives ! Si t’as moins de 30 ans, préfère l’abonnement trois spectacles, qui te permettra de les voir pour 8 balles chacun et ainsi parfaire ta culture théâtreuse tout au long de l’année. Quand on voit ce que tu claques au café tous les week-end, c’est jouable !

– Maria Mood