And Also The Trees, 40 ans de carrière, figures incontournables de la « cold wave », reviennent à Dijon sous la forme de Brothers of the trees, projet des frères Jones, chanteur et guitariste, dans la magnifique salle des actes de l’Hotel de Grandmont à Dijon pour un concert unique en France le dimanche 15 octobre. Rencontre avec Simon Huw Jones, le chanteur.

Brothers of the trees : who, why, what, how …. ?

Il s’agit essentiellement de Justin (frère et guitariste – ndlr) et moi. Quelqu’un nous a demandé si l’on pouvait faire un concert ensemble dans un abri antinucléaire transformé en club clandestin – la proposition nous a plu, on a répété ensemble quelques jours puis on a joué – et ça a très bien fonctionné.

On s’est donné la liberté d’improviser et d’expérimenter sur certaines chansons choisies d’And Also The Trees (AATT) autour desquelles travailler et que l’on puisse réinterpréter. Des morceaux que nous n’avions pas joué en live depuis longtemps et d’autres dont nous savions qu’ils pouvaient fonctionner à deux. Je tenais à ce que Justin utilise toute sa gamme d’effets et à ce qu’il expérimente un peu, parce qu’il est beaucoup plus doué pour ce genre de chose qu’il ne le croit. Moi, je ne peux pas improviser de paroles…mais j’ai un assez bon sens du timing et de l’anticipation. Le premier concert a été un succès – mais on était un peu trop sur le fil ; je savais qu’on pouvait être meilleurs en se détendant un peu et en se faisant plus confiance . Les deux concerts suivants m’ont donné raison. On s’est préparé mentalement, et il se trouve que nous avons joué dans les bonnes villes et les bons endroits pour que ça marche vraiment . 

On a commencé à se faire une idée plus précise de ce que nous voulions que Brothers of the trees soit… On voudrait que les concerts soient uniques, que l’on joue dans des lieux intéressants et on veut rester ouverts à la possibilité d’inclure d’autres musiciens quand c’est possible. Parfois, cela veut dire d’autres membres d’And Also The Trees et d’autres fois, on espère, des musiciens invités. Peut-être des villes dans lesquelles nous jouons. On aimerait écrire de nouveaux morceaux spécifiques à ce projet et les sortir indépendamment d’AATT. C’est une idée encore en gestation et nous en sommes enthousiastes. On a joué quatre fois maintenant, je sais que tout sur Internet est forcément « incroyable » et « génial », mais je dois dire que ces concerts ont été très bien reçus et qu’on les a absolument adorés.

J’étais au Café de la danse à Paris en octobre dernier. J’ai eu le sentiment de vivre quelque chose de rare. Que s’est-il passé, comment l’as-tu vécu ?

Je dirais, sans exagération, que c’était l’un des meilleurs moments de ma vie. Certainement, un moment à part, où les choses se sont bien passées, c’était incroyable, mais de façon très calme, presque surréaliste. Pour moi au moins. L’alchimie entre nous et le public était vraiment unique, difficile à décrire et à expliquer. Je ne pense pas que cela puisse se reproduire partout. C’est plus facile pour moi de parler des concerts de Leipzig et de Hambourg – qui étaient aussi très spéciaux. C’est en partie parce c’est nouveau pour nous, c’est une pratique inconnue, que nous découvrons – ça pourrait mal tourner mais il ne faut pas trop s’en soucier. D’autres musiciens connaissent tout sur l’improvisation, or c’est quelque chose de totalement nouveau pour Justin et moi. Je dois dire que c’est aussi cool lorsque les autres musiciens se joignent à nous sur scène – ce qui ne sera pas toujours le cas. Certaine fois on ne sera que tous les deux, le but étant de pouvoir s’adapter et que chaque concert soit différent.

C’est quand même mieux les concerts assis, non ? Y’en a marre des boites à rock avec un son pourri, de devoir jouer des coudes et se tordre le cou pour voir quelque chose tu crois pas ? 

En fait, je me suis toujours dit qu’une des choses que j’aime vraiment avec AATT, c’est que nous avons toujours joué dans des endroits très variés : des théâtres, des festivals, des clubs, des églises sans parler des endroits plus insolites. Mais c’est mon point de vue de performer. J’ai du mal à le dire mais quand je vais voir des groupes jouer, je préfère être assis, maintenant. Je peux marcher toute une journée mais bizarrement je trouve assez difficile de rester debout pendant une heure et demi. Peut-être cela a-t-il à voir avec l’âge…

« Dijon…c’est l’une des plus belles villes de France. »

J’ai toujours senti une extrême concentration et une grande écoute entre vous. Pourrais-tu parler de ton rapport à la scène. Que se passe-t-il pour toi quand vous jouez ?

Pour moi, en tant que chanteur, il s’agit d’exister de l’intérieur de la musique, d’en faire partie, j’aime aller là où la musique me mène, là d’où les mots viennent. Je suis quelqu’un d’assez visuel donc j’aime bien « voir » ce que je chante. Devenir le protagoniste… ou du moins être totalement conscient d’eux. Idéalement, il faut qu’il n’y ait rien d’autre à mon esprit, donc j’essaie de ne penser à rien, si ce n’est à la chanson. Et ce n’est pas toujours facile. C’est sûrement pour ça que j’ai les yeux fermés la plupart du temps – ce qui doit paraître « rubbish » et me rend, paraît-il, difficile à photographier. J’espère toujours, en faisant ce que je fais, que le public ne ressente pas que je me coupe de lui, alors une part moi essaie de rester ouvert et de laisser les gens entrer. Le rapport au le public est très important et je fais ce je peux pour établir cette connexion .

Tu rentres presque toujours sur scène avec un grand manteau noir. Ça doit tenir chaud non ? D’où cela te vient-il ?

Ha, ce n’est pas toujours le même et il n’est pas toujours noir, mais c’est vrai que je porte un manteau aux débuts des concerts. C’est une sorte de superstition ou de tradition personnelle. J’aime les manteaux. Quand j’ai trop chaud je l’enlève. Ça doit remonter à l’époque où on a débuté dans les années 80 quand on voulait se démarquer des autres groupes, on a remarqué que les vêtements les plus intéressants et souvent les moins chers étaient ceux qu’on trouvait dans les magasins de charité et aux salons de l’église ‘jumble sales’. On s’achetait des costumes de 1940 ou des manteaux, des gilets, même des bottes d’équitation, des choses que les gens avaient dans leurs greniers et qu’ils jetaient. Peu de gens s’habillaient comme ça et en tout cas, je crois que le manteau remonte à cette période. Notre « image » était très particulière à l’époque… Je pourrais en dire long à ce sujet.

Qu’écoutes-tu en ce moment ? Des découvertes à faire partager ?

Je suis allé à un concert d’Anna Von Hausswolff il y a quelques semaines et j’ai été totalement époustouflé, c’était génial, j’ai acheté son album ‘The Miracuolous’ et c’est ce que j’écoute en ce moment. Sinon mon ami et collègue de November Bernard Trontin (des Young Gods) m’a recommandé « Orphée » du compositeur islandais Johann Johannsson, alors j’écoute ça aussi – c’est excellent.

Je sais qu’il y a un nouvel album de November, ton projet avec Bernard Trontin des Young Gods, qui se prépare ; ça en est où ?

Ça sortira l’année prochaine, c’est mixé et masterisé cette semaine. Il nous a fallu beaucoup temps pour en arriver là – principalement à cause de problèmes logistiques, mais ça y est,c’est prêt maintenant. On est content.

Tu traînes souvent en Bourgogne  ?

Oui, la Bourgogne est ma région préférée en France, sa campagne est vraiment mon type de paysage, les champs ondulés, les haies et les bois et les nombreux superbes bâtiments anciens et Dijon… C’est l’une des plus belles villes de France. J’aime beaucoup le quartier des Halles, en particulier les jours de marché, et la vieille ville qui couvre une superficie étonnamment grande – avec tous ces bâtiments et superbes rues préservées de la modernisation et du tourisme. Je trouve qu’il y a une sorte d’élégance calme et discrète qui se fait rare aujourd’hui. Curieusement, nous n’avions pas joué à Dijon avant 2012, on est moins connus ici que dans d’autres régions de France, mais maintenant, il semble que nous rattrapions le temps perdu.

 

  • Interview réalisée par Marie Desbois

Photos : Sébastien Fait-Divers