On en a parlé. Mister Castaner a été élu boss du parti La République En Marche. Puis, pouf, tout s’est évaporé mais 100 adhérents de La République en Marche ont bien déserté les rangs du parti présidentiel. Mais pourquoi au juste ? On a parlé posément avec Eddy Graëff, ancien adhérent LREM, qui nous explique pourquoi il a décidé de ne plus marcher dans les pas de papa Macron.

La gronde, la fronde et la foudre se sont élevées à La République en Marche ! Eddy Graëff, résidant de Pouilly-sur-Loire dans le 58, s’est barré du parti, comme 99 autres adhérents, le 17 novembre dernier. Un départ formalisé au travers d’une tribune manifeste et vachement sévère. Les énergies se sont bien libérées pour le coup. Oui, Eddy a mis fin à cette randonnée so libérale. Pas parce qu’il avait un point de côté, mais à cause du fonctionnement interne du parti d’Emmanuel Macron. Un fonctionnement qui, selon lui, ne respirait pas vraiment la démocratie et s’éloignait de ce qui était promis initialement, à savoir placer le citoyen à la base du projet politique. Une idée qui au départ avait beaucoup plu à Eddy. Au départ…

Eddy en train de tracter avec Catherine Richard-Chevalier qui, elle aussi, a vu flou et a fait marche arrière

À 43 balais, Eddy est webmaster-photographe, il a le virus de la politique depuis bien longtemps en lui, sans cacher une sensibilité plutôt libérale, avec notamment 6 mois de militantisme au Modem de Bayrou. Eddy a rejoint En Marche ! au tout début, en avril 2016, “dès qu’Emmanuel Macron a lancé l’appel”. Il s’est jeté corps et âme dans la bataille électorale, en tractant sur les marchés, collant des affiches. Un travail de l’ombre auquel des milliers d’autres se sont soumis, sans oublier les patrons du CAC 40 qui possèdent 90% des médias nationaux. Big up Paris Match. Il était même ce qu’on appelle animateur local, puisqu’on lui avait demandé de créer un comité local à Pouilly-sur-Loire. Il couvrait les zones de Cosne-sur-Loire, la Charité, etc. avec quelques autres. Eddy a activement participé à la campagne de Perrine Goulet, la député élue LREM de la 1ère circonscription de la Nièvre. Il est dévoué et a cru aux paroles de Macron l’enchanteur : “J’ai été séduit par Macron, je me suis intéressé à lui à la fin 2015 et par la suite j’ai trouvé que les solutions qu’il proposait étaient les bonnes, il se situait hors du clivage gauche/droite, son discours très porté sur l’entreprise me plaisait aussi”.   

Renouvellement, illusion et « escroquerie intellectuelle »

« Dans ses discours, son livre, Macron disait beaucoup : ‘On va réformer par le bas‘”. Puis patatra. Eddy se souvient des premières fractures qui remontent juste après l’élection présidentielle. “On n’était plus informés sur tout, il y avait notamment des réunions en vue des législatives qui se déroulaient dans notre dos, sans nous, en comité restreint. Il y avait même des gens qu’on n’avait jamais vu avant. On a senti quelque part qu’on avait moins besoin de nous d’un coup”. La confirmation est venue au moment des votes des statuts du comité national d’En Marche ! qui pour Eddy, montraient qu’on se foutait pas mal d’eux. Sur les 700 personnes de la représentation d’En Marche !, il était prévu que seulement 20% représente les adhérents, tous tirés au sort. Une trop faible représentativité pour Eddy qui souhaitait minimum 50%. Ce seuil a été réhaussé à 25%, histoire de. “On ne savait pas qui les avait écrit, ils ont fait en sorte de les faire voter le plus vite possible, il y avait une opacité qui nous dérangeait.

Plus récemment, rappelons quand même que Christophe Castaner s’est fait élire dans un climat de concurrence libre et absolument non faussée, se présentant seul, sans la moindre personne face à lui, le 18 novembre dernier. Tout le monde a voté à main levée pour Christophe. Cette concorde apparente et les conditions de l’élection questionnent Eddy qui a dit devant France 2 : C’est là qu’on voit qui décide de tout ça, ça vient du haut, on donne une impression de démocratie qui finalement est bien pour vendre En Marche !” Il ajoute pour nous : “On retombe dans le schéma classique de faire de la politique”. C’est donc ça le renouvellement des pratiques politiques ? On a quand même pas mal l’impression que LREM fait de la vieille politique avec du neuf, nan ?  En tout cas, Eddy est d’accord quand on qualifie le renouvellement comme un truc qui relève plus du marketing électoral qui visait à façonner rapidement une base militante.

Sur cette photo en 6K, Eddy pose avec le candidat Macron lors du meeting de Nevers, le 6 janvier 2017.

Sans pression, Eddy parle librement, quand on lui dit qu’il est critique, il ajuste : “Non, je ne suis pas critique, je dis juste la vérité, tout est factuel, il y a un décalage entre ce qu’on nous a promis et la réalité. On nous avait dit qu’on allait faire de la politique autrement, j’suis déçu.” Mais dites-moi, c’est pas le refrain qu’on entend trop souvent avec les politiques ? Eddy s’est senti pas mal trahi, tout en restant lucide. “C’est pas la première fois que les politiciens nous trompent”. Malgré tout, il ne regrette pas d’avoir participé à l’expérience : “J’en garde un sentiment mitigé mais bon, il y a du positif, j’ai fait des rencontres et j’ai aussi bataillé pour mes idées, j’étais en accord avec moi-même et mes convictions.

Ce fonctionnement interne à En Marche ! exprime pour Eddy un constat que l’on peut poser sur la politique en général et le rapport entre professionnel de la politique et citoyen : “Ils sont déconnectés avec la base. On a l’impression qu’ils n’ont pas trop envie de nous écouter”. Eddy n’a pas l’air emballé non plus par les débuts de la présidence Macron. S’il se dit d’aspiration sociale-libérale, Eddy ne voit pas comment les mesures actuelles vont permettre de faire baisser le chômage par exemple. Il trouve que c’est quand même bien bien bien à droite tout ça avec la suppression de l’ISF, censée ruisseler positivement et apporter du bonheur au sein de tous les ménages français.

Du côté de La République en Marche, 6 mois après l’avènement d’Emmanuel I, on minimise le truc et désamorce cette bombe comme on peut. En tout cas, Eddy n’est ni de droite, ni de gauche, un apatride politique qui cherche un bon podologue désormais.

  • Mhedi Merini. 

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