Les assiettes accrochées sur le mur de mamie sont devenues l’objet qui fera de votre intérieur un endroit ‘’instagramable’’. La Faïencerie Georges, installée à Nevers depuis 1898, suit les époques et les générations pour offrir à Nevers une belle renommée dans ce milieu malheureusement laissé-pour-compte, avec humour, décalage, et poésie. Un Jour, une assiette.

Vous n’êtes pas sans savoir que la décoration de son petit intérieur cosy cocooning est devenu aujourd’hui une des passions number one des petits frenchies. Nevers n’est pas passé à côté de ça, bien au contraire.  La faïencerie de Nevers c’est comme les escargots, le bœuf bourguignon et les anis de Flavigny, un incontournable de notre patrimoine régional.

Petit récap’ : La faïencerie Georges c’est quatre générations depuis le patriarche Emile Georges, une renommée depuis 1898, une signature représentant deux nœuds verts et une couleur bleue à en faire pâlir Yves Klein. C’est avec la reprise du flambeau par son arrière petite fille Carole accompagnée de son mari Jean-François Dumont, que l’aventure reprend sous les traits du modernisme. Et là on passe à un autre level, on passe à du gros gros doss. Ce couple d’artistes a commencé par apprécier les joies parisiennes avant de se rendre compte que leur Nevers natal est bel et bien the place to be (« bon, en vrai avoir des enfants dans un appart parisien n’était pas l’idéal et la faïencerie se situe ici, donc obligés de rentrer au bercail » me confie Jean-François).

Cependant, l’héritage de la faïencerie n’a pas été tout de suite dans leur ligne de mire. « On n’était absolument pas prédestinés à reprendre l’affaire familiale et, pour te dire, les repas familiaux étaient rythmés par des conversations sur les désavantages du métier » me confie Jean-François. L’un travaillait au ministère de l’emploi à Paris et l’autre dans la publicité. Mais Jean-François avait envie de gérer sa propre affaire et Carole voulait laisser libre cours à son âme d’artiste, ce qui les a amenés à reprendre l’entreprise en 2010. Amoureux de leur région, la poésie du quotidien nivernais les touche jusqu’à la transposer sur une assiette. On est parti pour dépeindre à notre tour leur travail à la Laurent Delahousse mais sans la gomina, revival de « un jour une histoire », façon faïencerie neversoise.

LUNDI : NO PAIN NO GAIN

Le lundi à Nevers, c’est la tête en chien de faïence qu’on adopte. Aucun bar ouvert, double ratio de dimanche, le travail en plus. Aller chercher son pain est la seule activité susceptible de vous occuper dans la journée. No pain, no gain, la campagne, ça vous gagne. Pas aussi poétique que le lundi matin de JF. Le lundi, lui, il se réveille avec une nouvelle assiette dans la tête. Suite au dimanche en pantoufles, télé allumée sur Arte, documentaire sur Motorhead (Lemmy est mort !), JF s’endort. « Cette assiette est donc née d’un réveil matinal en douceur, encore sous l’effet des écritures gothiques du groupe de métal londonien ». Le mot PAIN, il l’a rêvé, dessiné, puis Carole l’a confectionné. Enfin, je vous rassure, c’est pas parce qu’ils s’entêtent à rendre leur lundi rock’n’roll qu’ils ne passent pas une journée du lundi nivernais longue comme un jour sans pain.

 

MARDI : LA TÊTE EN FRICH

Le mardi, on commence à émerger et on se remet gentiment de la tête en friche. Les bars sont ouverts, la semaine peut enfin commencer. On sort du boulot, d’Imphy ou de la Machine, les seules villes dans lesquelles on ne chôme pas ici, à cause de l’industrie. Bel hommage pour le patrimoine industriel de Nevers, la collection des friches a été la première du couple. Traditionnellement, la décoration de la faïencerie de Nevers affiche les monuments historiques de la région. Version modernisée cette fois-ci, on y retrouve ces mêmes friches, promues au titre de monuments incontournables. Certes, l’architecture industrielle n’est pas ce qui nous fait le plus fantasmer, mais l’objectif ici est de contredire cet a priori. Le souvenir glorieux de l’industrialisation nivernaise est ancré dans la mémoire des ses habitants, ravivé par le fond de leur assiette.

MERCREDI/ TU T’ES VU QUAND TU SUES

Le mercredi sport, c’est sacré. La Maison Des Sports de la ville de Nevers, on y est tous passés. Certains pour admirer les bels éphèbes du Handball, d’autres pour voir sous les tutus des danseuses. Les mouvements sportifs ont été source d’inspiration pour C et JF. Mais au fait, tu t’es vu quand tu sues ? C’est vrai que le sport, ça ne nous met pas forcément en valeur. Soit tu sues en déballant toute ta rage sur ce putain de punching ball, soit tu plonges dans ton slip, que tu trouvais pourtant trop serré y’a deux minutes et qui se barre par inadvertance, pendant que la gymnaste commence à développer un strabisme aigu à force d’avoir la tête dans les genoux. Mais c’est ça qui plait à C et JF, figer ces poses incongrues. Le plongeur c’est un de leur pote de Saint-Saulge, baignant dans le bleu de Nevers saturé à 12% ce qui confère à cette assiette un bleu piscine, à en faire pâlir de jalousie Isabelle Adjani. Mais rien ne serait merveilleux sans les giclures de pinceaux de C, qui fait de ce plongeon une réalité. Et là, t’es fière de suer.

JEUDI : APRÈS L’EFFORT…

Le jeudi, c’est école buissonnière. On prend son vieux Peugeot et on part à travers champs. Terrains vagues, cheveux aux vents et chromes qui brillent. Comme ces pylônes, plantés là, scintillant. Entre nous, un poteau électrique n’a jamais fait vibrer quiconque. JF, lui, il les affectionne particulièrement. « C’est le souvenir de ses balades entre copains au milieu des paysages nivernais », apparemment. Graphiquement, ces pylônes nonchalants sont un véritable défi pour C. En prime, ils ont chacun un petit nom, « celui-ci s’appelle ‘’Le Chat’’ en raison de ses oreilles ». Il n’y a pas que les pylônes qui ont leurs petits noms, il y a aussi la bière. Après l’effort, le réconfort. On va boire une Georges, bière du coin aux couleurs de la faïencerie. Nevers dispose depuis quelques mois maintenant de sa propre bière artisanale et biologique : la Ôlieu. Son créateur, Denis Lechopier, s’est lancé le défi de créer une bière qui rappellerait la faïence et son univers cossu. On est donc sur une bière de Noël aux arômes ambrés rappelant la finesse de cette faïencerie, élaborée à base de Dog Rose, cynorrhodo ou gratte-cul en français, fleur rose qui soignait les chiens de la rage. Denis l’a fait, C & JF l’ont étiqueté.  Ils sont bons ces bourguignons.

VENDREDI : CA CHARBONNE

C’est l’institution pour tout neversois qui se respecte le week-end: aller au Café Charbon. Ce soir, on écoute un bon vieux rock avec Nicolas Fouviel à la gratte, charrié pour sa position ‘’so rockeur’’ par JF qui décide de le mettre en assiette façon « private joke ». On termine notre soirée par un set endiablé d’Alto Clark. Traditionnellement, la faïence met en scène les métiers d’antan, ici l’apothicaire laisse sa place au rockeur, le sabotier tire sa révérence au DJ et ça c’est rock’n’roll.

SAMEDI : TOURNEZ MANÈGE

Maxi tour, maxi sensation, la tête en bas, les jambes en l’air, le string de travers. Le samedi, on va faire un tour à la fête foraine, histoire de ramener l’extra peluche playboy à sa dulcinée. Cette composition appelée cri-cri a été un des best-sellers de la maison. Après avoir reçu une demande de MAX MARA, grande enseigne de prêt-à-porter, souhaitant une série sur le thème de la fête pour décorer l’ensemble de leurs magasins à travers le monde, C et JF se sont lancés dans de gigantesques compositions murales. Bien que le projet n’ai pas abouti, il ne s’est pas pour autant essoufflé. Le souvenir juvénile de l’adrénaline foraine les ont poussé à nous offrir ces gigantesques fresques à la composition animée. De quoi faire la teuf en mangeant !

DIMANCHE : PROMENONS NOUS DANS LES BOIS

On est tous d’accord, le citrate de bétaïne, ça n’a jamais remplacé une bonne balade en forêt le dimanche, après avoir fait semblant de ne pas être encore saoul de la vieille pendant le repas familial. Marcher dans la Nièvre est le passe temps dominical favori de nos deux artistes. Se promener dans un sous-bois de Chasnay, à côté de la Charité, comme prétexte de digestion, idéal. La lumière ambiante sera surement plus agréable que celle de la véranda. Ce jaune pourtant pas ocre, rappelant quand même le contraste  de ce soleil froid et éblouissant des paysages d’hiver, développe pourtant chez le marcheur un sentiment d’inquiétude. Limite angoissant. « On passerait presque d’une balade joviale à une explosion nucléaire ». Merci JF ! La transposition de ce dimanche en scène lunaire, à l’instar des autres créations de C & JF, déploie toute la splendeur de la Nièvre, le temps d’un repas.

  • Victoire Boutron

Images : Faïencerie Georges