Quand on appartient à une ville, on est souvent fier des ses ambassadeurs locaux. Des types du cru qui sont montés à la capitale, qui ont réussi et dont le rayonnement rejaillit indirectement sur nous. Et à Dijon ? Du lourd. Jean-Pierre Marielle. Oui. Parfaitement. Le mec des Galettes.

Article issu du magazine Sparse #8 (sept. 2014).

Putain, Jean-Pierre Marielle est né à Dijon. En 32. La classe, quoi ! Jean-Pierre Marielle, quand même. C’est fou. C’est même limite surprenant, car bien sûr on a quelques stars à Dijon : Saez, Jamait, Vitalic, Gustave Eiffel… Mais à part ces derniers, c’est pas du gros niveau quand même, c’est un peu la Ligue 2 de la notoriété. Là, avec Marielle, ça tape direct en Champion’s League. Le problème, c’est que le gazier renie un peu son appartenance locale. Invité avec Joey Starr pour la sortie du film Max chez K6FM début 2013, il avait parait-il été assez désagréable. À la question : « Êtes-vous content d’être là ? » il avait lâché un cinglant « Non, je m’emmerde ! » Boum.

Mais ce n’est pas grave. Jean-Pierre, c’est une idole, une icône. Une des dernières grandes figures du ciné français avec Rochefort et Depardieu. Classe et gouailleur. Drôle et charismatique. Un grand. Un peu la définition du cool, même. À l’ancienne par contre. Il est plutôt associé au cinéma du dimanche soir des 70’s qu’aux productions bien lourdingues estampillées Canal+ de ces dernières années. Mais attention, la filmo est quand même parsemée d’incontournables du cinoche français comme Les Galettes de Pont-Aven, Calmos, Comme la lune, ou encore Tous les matins du monde.

Fantasmons deux secondes. Ça aurait eu de la gueule qu’il kiffe Dijon. Qu’il y revienne. Souvent. Une vraie tête de gondole. Déjà, ça aurait fait la nique à ces tocards de Foucault ou Onteniente. À force, et pas grave qu’il ait plus de 80 balais, il serait devenu notre pote. Avec les mêmes centres d’intérêt que toi, lecteur lambda, qui tient ce gratuit. C’est-à-dire CSP dans la moyenne, la trentaine, plutôt de gauche, à vélo, et de moins en moins barbu (vous remarquerez que je n’ai pas mentionné fort justement les mots hipster ou bobo). Donc si le J-P devenait ton pote, cher lecteur, t’aurais surtout plein d’amis, tel un gagnant du Loto ou comme le type qu’aurait ramassé plein de pass pour l’Oeno Music Festival. Avec ton pote Jean-Pierre donc, t’irais à la Péniche par exemple. Lui aurait la sienne à l’année au port du Canal et vous iriez ensemble à la Cancale vous envoyer des planteurs pendant un mix d’afro-cumbia-zouk-dubstep d’un berlinois quelconque ! À l’aise. Pendant le festival Dièse, il papoterait avec Jean-Paul Brenelin (cf. Sparse N°04) et se trémousserait sur la zique d’un obscur groupe de synth-pop irlandais boutonneux à la chanteuse semi-gothique, pendant que tu irais lui chercher une bière chaude. Il serait ravi, c’est évident. Même si notre bonhomme est plutôt féru de jazz. Mais c’est de la fiction de toute façon, on dit ce qu’on veut.

Pour le coup, il ne serait jamais venu chez K6FM faire son interview. Ben non. Il saurait. Tu l’aurais accompagné naturellement à Radio Campus. À force d’ailleurs, il aurait certainement animé une émission, nous montrant ainsi son amour pour la Cité des Ducs. « Marielle Dijon ». De 11h00 à midi. Tous les dimanches. Bénévole le J-P. Il aurait également son compte Twitter et se clasherait allègrement avec Lanaud du Gray. Ça le ferait marrer ! Il organiserait aussi un festoche à l’Eldo, en l’honneur de son pote Joël Seria. En gros, il serait devenu la caution culturelle de la ville. En son honneur, tous les Ibis du coin offriraient à leurs clients une robe de chambre violette. Parfait. Sans oublier Gaston Gérard, où on le verrait bouffer des saucisses, encourager le DFCO. Un nouveau groupe de supporters se serait créé : les Marielle’s boys ! Prêts à en découdre. C’est sur que dans cette petite pochade, on a plus à faire à un Jean-Pierre Marielle de 40 ans qu’à l’actuel de 82 balais. Pour être tout à fait honnête, s’il revenait régulièrement, on ne le verrait jamais. Au théâtre un peu, à l’Auditorium souvent. Chez Billoux ou à la Charme, à Prenois. Surtout, il ne bougerait pas de sa baraque de la Vallée de l’Ouche. Il serait citoyen d’honneur de la ville, en espérant qu’il vote à gauche et un arrêt du tram porterait son nom. Ou peut-être une crêperie. Il serait éventuellement invité pour un Des Racines et des Ailes spécial Bourgogne. C’est tout. Fin des divagations.

Au lieu de ça, ben le J-P, il s’en fout de Dijon. Royalement. Il y est donc né, a fait ses études à Carnot, pour partir ensuite à Précy-le-Sec. Dans l’Yonne. Ça, ça craint. Mais c’est pas grave. On l’aime Jean-Pierre. Ensuite, Paris, le conservatoire, Bébèl, Séria, etc. Après pratiquement 50 ans de carrière, la belle Dijon, il a dû un peu l’oublier. Mais alors, doit-on lui reprocher cette indifférence ? Doit-on se vexer, comme certains avec la boutade de Foucault ? Sauf que le pépère ne représente que lui-même. C’est sûr qu’on aimerait bien qu’il parle de nous le Jean-Pierre, parce qu‘il est cool. Et tout le monde se diraient : « Ils doivent être cools les Dijonnais ! » Comme lui. Mais bon, à l’inverse, Bayonne se serait bien passer d’un Félicien et Auxerre d’Emile Louis. Pourtant, il y a de la tête d’affiche, là ! Finalement, qu’est-ce que ça dit sur nous et notre ville, ces stars, ces acteurs, ces groupes, ces peoples qui en sont issus et qui réussissent à Paname ?

Noir Désir et Gamine sont de Bordeaux, Gold et Jean-Pierre Mader de Toulouse. Quelle conclusion en tirer ? Qu’il y a plein de bons profs de zique qui boivent du Saint-Émilion et que Marc Toesca a maintenant un putain d’appart dans la ville rose ? Ovidie a vécu à Tours et PPDA est de Reims. Y’a plein de sex-shop dans l’une et de perruquiers dans l’autre ? Ce sont juste des trajectoires personnelles, comme tous les millions de provinciaux habitant Paris qui ensuite se targuent vite d’être de la Capitale et certainement pas des bouseux de province. Le J-P, ça a dû lui faire la même chose. On ne va pas le blâmer. Reste où tu es Jean-Pierre, on t’aimera quand même. Alors non, on ne le verra jamais siroter un petit blanc à la buvette du marché et encore moins traîner au concert de rentrée. Y’a Jamait qui revient au Grand Théâtre en septembre, c’est déjà pas si mal. Une certaine idée de notre ville, en quelque sorte.

  • Texte : Mr. Choubi / Illustration : Mr. Choubi