Il faut bien reconnaître que le vendeur de Gibert Musique devait bien se marrer quand tu venais en toute naïveté acheter le dernier album d’Eminem au tout début des années 2000. Le blondinet semblait définitivement avoir vampirisé le créneau white trash. Et ta street credibility était proche du néant. T’osais même plus mater un DVD de Spike Lee, en particulier He got game, ni mettre ta casquette des Charlotte Hornets pour parader rue de la Lib’. Comme Manuel Valls, toi aussi tu veux « plus de blancos » dans tes rues, et avec un flow de ouf, de surcroît. De la démesure. Des tatouages à faire pâlir Gucci Mane.

Heureusement, Sparse va te balancer les infos hip-hop qui vont te permettre de te la péter dans les rues de Fontaine d’Ouche, en ridant le son à fond à bord de ta Fiesta de 88.

ACTION BRONSON.

Imaginez : un chef cuistot obèse et roux, d’origine albanaise avec la voix et le flow de Ghostface Killah, en mieux. Rappant avec plusieurs blunts confectionnés par ses soins dans la gueule. C’est un peu lui, le rappeur de 2012, multipliant les feats payants (M.O.P,  Reks, N.O.R.E., Smoke DZA, et la plupart des autres gueules d’amour présentes sur cette page), et posant sur des productions de rêve (The Alchemist, Statik Selektah, Harry Fraud).

Le beau gosse crèche vers Flushing Meadows dans le Queens, mais il fait franchement primer la bidoche sur l’entretien de son corps athlétique sur les cours de tennis. Ce thème de la graille revient en permanence par moults allusions dans ses titres, et par une large diffusion de photos où on ne voit guère rentrer son ventre.

Son album avec Statik Selektah, Well done, est un bijou, tout comme son premier opus Dr. Lecter. Il a dès le départ lâché des titres excellents dans ses mixtapes, comme ce convaincant Imported goods.

Où l’écouter ?
En faisant un p’tit basket sur le playground de la Stef, boulevard Voltaire, juste avant d’enchaîner les cakes et les dunks. De toute façon, personne ne tient avec toi dans la raquette, tellement tu pèses.

 

ASHER ROTH.

Encore du rouquemoute, et juif de surcroît ! Voilà qui dénote certainement dans ce fuckin’ rap game. Originaire de Pennsylvanie, il s’est fait connaître avec un ou deux titres mainstreams (comme l’ignoble I Love College ) un peu dégueulasses qui ont trouvé leur public : les teenagers, pour leurs soirées binge drinking. Le fait est également que sa voix n’est pas sans rappeler leur tuteur à tous. Mais le gars possède une belle dextérité avec la langue, et travaille sur des instrus vraiment classieux. Sa mixtape Pabst Jazz , produite majoritairement par Blended Babies, est probablement une des plus abouties des dernières années. L’ambiance jazzy qui s’en dégage, et surtout sa cohérence artistique, en fait littéralement un des meilleurs albums hip-hop de l’année.

Où l’écouter ?
Avec tes ridicules premiers coups de soleil et en marchant façon Aldo Maccione à Dijon Plage. En particulier le titre Summertime qui sonne comme une tentative de tube de l’été.

 

YELAWOLF.

Probablement le moins doué de la bande décrite ici, avec Mac Miller, dont on ne se résoudra pas à parler. Il est originaire de l’Alabama, est moitié Wasp – moitié Cherokee et  quand même signé sur Interscope Records. D’abord versé dans le rock, il a très vite su attirer l’attention d’un Raekwon ou d’un Juelz Santana, qui ont fait des feats avec lui.

Son clip le plus maté sur Youtube jette le trouble malgré tout : le coeur de cible du MC semble vraiment être l’ado boutonneux blanc, le fils de redneck qui a du mal à assumer son goût pour le hip-hop.

Où l’écouter ?
A la fête de l’Amérique, au Creusot, en arborant un t-shirt avec un loup hurlant à la lune sur fond d’aigle. En tout cas, à la campagne, genre Saint Jean de Losne ou Louhans. A Dij’ tu te feras foutre dehors, même de l’Antre 2 monde, rue d’Ahuy, par le serveur en kilt jamais aimable.

 

THE ALCHEMIST.

Tout le monde connaît le DJ au talent indiscutable, depuis les instrus mémorables produits pour les différents acteurs du rap game, notamment du Queens. Il a réussi à imposer ses instrumentaux aux groupes les plus crados de la côte Est, alors même qu’il est originaire de Beverly Hills. Le bougre se met même à rapper sur certains titres, et de façon pas dégueulasse en plus ! Voici une vidéo de son projet commun, parmi de nombreux autres : Diggaz with attitude.

Mais son dernier morceau de bravoure consiste à avoir sorti (dans les temps, pas comme Detox) un album tout à fait conceptuel, composé de samples de vieilles chansons russes, et de featurings pas dégueux comme Roc Marciano ou Meyhem Lauren. Cela aurait pu être seulement original, c’est au final très très bon. Nazdrovié !

Ou l’écouter ? 
En t’approvisionnant en bières pas chères et originales à Troïka, la petite épicerie russe rue Pasteur.

 

DANA COPPAFEEL.

Le pauvre rappe dans un des coins les plus miteux des States : Milwaukee. Il fait partie de ces p’tits gars qui n’hésitent pas une seconde si on leur propose de tourner un clip dans une laverie (voyez plutôt, une véritable ode à Darty).

Là aussi il est souvent question de cuisine, TTC pourra encore hurler au plagiat. La voix est pincée, voire nasillarde, mais le flow est vigoureux. C’est beau la jeunesse. Son titre Paradise est tout à fait sympathique, à télécharger d’urgence !

Où l’écouter ?
À l’Atelier des chefs, rue Chaudronnerie, en apprenant à faire des cakes.

 

RIFF RAFF THE GOLDEN CHILD. 

“MY HAiR iS DOWN NOW …. AUBURN AFRO”

La honte du rap game. Qui se fait appeler « l’enfant doré du Tibet », le « Larry Bird du rap », ou le « freestyle scientist ». Découvrir Riff Raff, c’est avant tout une expérience visuelle. C’est aussi comprendre que le comble du swag dégénére forcément en quelque chose de proto-gay, en tout cas complètement glam, ce qui n’est évidemment guère assumé par tous ses confrères dégoulinant de testostérone. On est habituellement rarement stupéfait, blasé comme on est, sur Google Images. Mais là, on en arrive à avoir peur d’aller mater ses clips sur Youtube : ce type est un bonbon acidulé et absolument rien ne l’arrête dans le grand n’importe quoi. Ce « prodige » de Houston, en permanence sous codéine, repousse les frontières du mauvais goût, n’hésitant pas à se faire tatouer une carte du Texas sur l’estomac, un Alien sur l’avant bras, ou un Bart Simpson sur le cœur. Découvert dans une émission de télé réalité sur MTV (encore un tatouage), le type est hallucinant. Comme dans ce clip où il rappe dans un frigo, avec des chips sur le corps, se faisant masser par des pieds (WTF?!)

Se nommant lui-même régulièrement le « rap game Andy Kaufman », Riff Raff a pu jeter le trouble sur sa folie douce : quiconque a vu Man on the moon de Milos Forman pourra en effet le soupçonner de mener une com’ millimétrée du genre Michaël Youn, d’autant que le contrôle de ses tapes et mp3 est extrêmement régulé. L’énigme est intégralement décrite (sans être résolue) chez nos confrères de Pure Baking Soda.

Une parodie ambulante, dont on a peine à croire qu’il pourrait officier au premier degré. LA Weekly rapporte les dommages que causent cette équivoque : « This obliteration of the line between irony and inanity has understandably elicited plenty of animosity. When Riff Raff was booked to perform at vaunted L.A. beat haven Low End Theory in December, online response alternated between extremes of hate and hospitality.  »

En attendant, après avoir été un temps dans l’écurie de Soulja Boy, l’hurluberlu aurait signé chez Mad Decent, rien que ça !

Et musicalement ? Euh, bon… Disons qu’on appréciera davantage ses collaborations bien produites que ses freestyles, tous plus désastreux les uns que les autres. Ainsi, son feat’ avec le gros roux du Queens paraît curieusement probant, même si le clip est complètement dingue. Je n’avais encore jamais vu un rappeur se brosser les cheveux tout le long d’un clip.

Où l’écouter ?
Chez Glups, rue de la liberté. Ou sur le parking du Géant de Chenôve un dimanche, à un concours du tuning.

++ Bonus
La collaboration de trois énergumènes présentés sur cette page.

 

– Tonton Steph