– Allo ?
Allo, ouais c’est le boss de Sparse.
– Salut ça va ?
Ouais. Bon, on est partenaire du festival GeNeRiQ les gars.
– Ah super ! Bon festoche ça. Justement on voulait aller voir Georges Kap…
Ouais et du coup vous couvrez le festival pour Sparse à Montbéliard, Belfort, Besançon et Mulhouse. Alors vous m’enlevez ces vilains slims et ces lunettes carrées, et vous filez au pays de la saucisse.
– Ah, ok… on a fait quelque chose de mal ? C’est une punition ?
Non mais il paraît que vous parlez allemand, ça pourra vous aider là-bas. Allez je vous laisse, je vais finir mon papier sur la tournée des clubs échangistes bourguignons.
– Salut boss… merci hein…

C‘est sûr que le Worlwide à Sète en juin, c’est plus bandant que Kingersheim en novembre, mais bon, le boss de Sparse n’a visiblement pas cru important de nous envoyer en déplacement sur la côte d’Azur. Alors on commence notre périple par Belfort et le Pays de Montbéliard.

Instinctivement, musique actuelle n’est pas la première expression que tu sors quand tu parles de ces 2 villes. Le champ lexical serait plutôt celui de la saucisse, du FC Sochaux, du brouillard, de Jean-Pierre Chevènement, et eventuellement de la résistance aux Allemands en 1870 qui a valu à Belfort d’avoir son propre département (un peu d’histoire ne fait jamais de mal). Pourtant, dans le coin, il y a les Eurockéennes, un gros festival de film (Entrevues), le festival Rencontres et racines, bref, ça vit. On va aller voir nous-mêmes.

Boussole. Direction plein Est. On trace vers Besançon, où on repassera cette semaine pour couvrir GéNéRiQ aussi. 1h45 de route, on approche par les usines Peugeot, qui doivent être aussi grandes en surface que le Luxembourg, on arrive dans l’agglo.

Si tu prends Belfort, Montbéliard, Audincourt, Sochaux, ça fait ses 300.000 habitants quand même. Les villes sont voisines mais pas forcément reliées entre elles. À part par un réseau de 4 voies qui s’enchevêtrent. Los Angeles style. Bon, apparemment, comme à Dijon, le brouillard dure d’octobre à mars. Le ciel est à 4 mètres au dessus de ta tête. Ambiance Les Rivières Pourpres. Dark.

Début de notre virée festivalière à Belfort. Il faut dire que le choix est simple, car contrairement à Dijon, ici il n’y a qu’un seul concert en même temps programmé pour GéNéRiQ, et pas 12 dans 5 lieux différents. On va à la galerie Cheloudiakoff. Galerie d’art contemporain / atelier d’artiste du centre ville. Le lieu est sympa. Les lives ont lieu dans une sorte de petite fosse dans le fond de la galerie ce qui permet au public d’être surélevé par rapport aux artistes. Chez Cheloudiakoff, c’est le lieu du focus nouvelle scène colombienne.

Ce soir, on peut voir Monareta et El Reino del Mar. C’est étrange, j’ai l’impression que tous les Colombiens de GéNéRiQ font de la fusion cumbia / hip-hop / électro. Pas tant de monde que ça. Une quanrantaine de personnes peut-être. On croise quand même du monde. Pih Poh, rappeur Belfortain qu’on connait depuis l’année dernière où il était programmé à la Vapeur avec 1995 et Orelsan. Il est passé à la galerie pour faire un petit featuring avec Monareta, qu’il connait depuis son trip en Colombie. On en discute un peu avec lui. Il fait partie des artistes français qui ont tourné là-bas ces derniers temps, en compagnie d’Orelsan ou Mina Tindle. Il nous parle de son périple, de l’énergie qu’il y a, de l’insécurité qui peut y régner. La barmaid nous interrompt : « J’ai grandi à Roubaix, l’insécurité je connais. Alors la colombie… pfff ».

On revoit Raul, leader d’El Reino del Mar qu’on avait vu la veille à Dijon. Il nous embrasse comme des potes d’enfance. On croise les mecs des Eurockéenes, on tchache de la programmation, on boit une bière. Il est déjà temps de filer au Moloco, à Audincourt. C’est la même agglomération mais il faut 20 minutes pour y aller. En bagnole.

Salut le Moloco, c’est Sparse. Super accueil, super catering : merci Patricia, la dame léopard. On mange avec les techniciens, ça discute taille de salle. « Ah ouais, vous venez de Dijon ? Vous avez le Bien Public là-bas ? Les titres devant les bureaux de tabac. Je me rappelle, du lourd ». On parle un peu avec David, le taulier du lieu.

Le Moloco, c’est la nouvelle SMAC du coin. Ouverte en septembre. Elle a mis 5 ans à se construire. Un lieu flambant neuf. Une espèce de petite Rodia, pour ceux qui connaissent la salle de Besançon, dans le sens où le lieu est… moderne. Un choix esthétique quoi, 600 places dans la salle (que je considère comme la jauge parfaite), et une pinte à 4 euros… 4 euros la pinte ! La valeur ajoutée du lieu.

La prog’ du soir : The Bots et Stupeflip. La salle sonne bien. On se rend compte en regardant le public que c’est vrai que le Haut-Doubs (le coin de Montbéliard), c’est la patrie du Two-Tone et du Psychobilly. Y’a du cuir, de la casquette écossaise et de la rouflaquette bien taillée. Les tekos nous chambrent avec nos Dufflecoats.

Sur scène : The Bots, deux frangins de 16 et 19 ans. Guitare – batterie. Ils sont passés par Dijon la veille. Musicalement, les frangins nous jouent un punk sur-énergique. Avec un petit côté blues pas négligeable. Ils sont ultra souriants. C’est l’anniversaire du plus jeune, 16 ans. Ils en rigolent. Ils font monter le public sur scène pour jouer de la guitare. Ils descendent dans la fosse pour danser avec les gens. La salle est quasi pleine et le public, qui est clairement venu pour Stupeflip, adhère complètement. Même les mecs de Here Lies Wolf Queen qu’on a vu sur scène à Dijon la veille headbanguent sans complexe sur le son des jeunes californiens.

Bon par contre, The Bots, musicalement, je serais leur prof de musique je leur mettrais 3/20. J’ai l’impression que leur musique est faite à base de pains. Riffs de guitares, batterie trop forte. S’ils avaient 25 et 30 ans, ils ne seraient jamais venus sur le festoche. Ça fait un peu bête de foire. On les montre partout parce que ce sont des p’tits jeunes. Ils ont même fait le Grand Journal de Canal+.

Après un changement de plateau ambiancé par Homework de Daft Punk, voilà Stupeflip. Stupeflip, comme quelques autres, c’est l’inverse du côté découverte du festival. Ceux programmés pour blinder les salles. Comme Keny Arkana ou Oxmo Puccino.

Alors, comment dirais-je, déjà on savait pas qu’ils avaient une base de fans aussi importante. Le stand merchandising est pris d’assaut. La moitié de la salle a un t-shirt, un sweat, ou même une cagoule Stupeflip. Les doubistes sont chauds. Ça danse, ça pogote, ça connait les paroles par cœur. Le groupe a crée une pure identité visuelle, y’a de la vidéo, une succession de personnages sur scène, ils ont mis en image leur univers dark egotrip. Beau travail.

Par contre, en ce qui concerne la musique… Voilà le topo : Stupeflip, c’est un truc pour ouach-ouach qui s’encanaillerait à écouter du hip-hop. Sur de l’électro-rock brouillon. C’est très cheap. Voire carrément dégueulasse. En fait, Stupeflip, ça pue la crise d’adolescence mal vécue de types qui faisaient de moins bonnes blagues que les autres.

Sur scène, mention speciale quand même à la statut géante d’un chibre en terre cuite exhibée par un des zikos. Leur meilleur moment restant quand même l’interprétation du fameux titre « Cadillac fait caca ». D’une qualité rare. Allez, on a découvert un lieu excellent à quelques encablures de chez nous, on a bien rigolé. C’est déjà ça.

On rentre. On passe devant les usines Peugeot . De toute façon, si tu ne passes pas devant une usine Peugeot quand t’es dans ce coin, c’est que tu t’es trompé de route. On se couche.

Le lendemain midi : concert sandwich aux Bain Douches de Montbéliard. On passe par le centre-ville. Ils installent le marché de Noël, un 23 novembre. On arrive aux Bains Douches. C’est un resto. « Y’a un concert ici, non ? ». « Ah oui mais faut passer par derrière ». Le lieu est planqué.

Salle toute neuve aussi. Qui appartient à la scène nationale de Montbéliard (on vous en parlera plus tard, on risque de vous embrouiller). Tout ça pour vous dire que si on y ajoute le Moloco, la Poudrière et tout le reste, ça regorge de lieux culturels partout.

Joli petit théâtre d’une centaine de places. Encore une fois super accueil. Concert sandwich, ouais… plutôt concert assiette de tartines à 8,50 euros. Un braquage.

C’est pas le même public que pour Stupeflip la veille. Plutôt les gens qui bossent dans la culture à Montbé. Donc 30 personnes, plus nous. On écoute le live d’Harold Martinez. Blues bien rock. Guitare/batterie. Belle ambiance aux lampions qui projettent les ombres des zikos sur les murs du théâtre. Idéal pour un vendredi à 13h. On discute un peu avec Harold et son batteur. Ils viennent de Nîmes. On parle de la Paloma, la nouvelle SMAC de Nîmes. Un monstre, gigantesque, disproportionné. Ils ont la chance d’avoir été selectionnés pour être un des groupes suivis par la salle. C’est grâce à ça qu’il sont dans la prog’ de GéNéRiQ. Ils ont kiffé le concert, celui de la veille à Dijon, nous rencontrer, ainsi que l’est de la France. Frais les types.

On retourne à Belfort, on contourne les usines Peugeot. On repasse à la galerie Cheloudiakoff en fin d’après-midi. On recroise les gars de Monareta qui y jouaient la veille, qui sont restés dans le coin. On y recroise beaucoup de gens qu’on a déjà vus en fait. La veille ou le jour même. Le p’tit milieu culturel, le même partout.

Sur scène, les Colombiens du soir sont le Zalama Crew. « Hip-hop alternativo ». Ils sont 7 en live. Apparemment 10 quand ils sont en Colombie. Tous n’ont pas pu venir. C’est la fête sur scène. Gros partage avec le public. Alors pour le coup, ils ne nous mettent pas de cumbia électro dans leur hip-hop. Y’a quand même tout un tas de choses : jazz, funk, rock, parfois soul. Un bassiste bien présent et 2 MC avec un flow efficace. Ils kiffent vraiment ensemble sur scène. Par contre, on n’a toujours pas compris la présence de la meuf à la flûte traversière. Pourquoi ? Peut-être que c’est la copine d’un des types. Ou alors juste parce qu’elle est sexy. Rrrrh.

Le son n’était pas super bon. C’est vrai que c’est pas facile de sonoriser des lieux comme cette galerie. Mais c’est ça l’intérêt de GéNéRiQ aussi : aller voir des artistes dans des lieux où ils ne vont pas d’habitude : une galerie d’art, un salon de coiffure, une patinoire, chez ton voisin, dans un commissariat, chez un notaire…

On file à la Poudrière, la SMAC de Belfort. Joli petit lieu de 200 places environ. Au pied de la citadelle et du lion de Belfort. Plafond voûté. Petit balcon. On nous paye à manger au comptoir de la salle. Royal. On bouffe avec le sondier de Sally Ford. « Vous allez aussi à Mulhouse ? Putain, c’est l’Allemagne là-bas ! » Et ouais mec. On y va la semaine prochaine.

On discute avec l’équipe de la salle. Ils nous expliquent comment ça peut marcher dans le coin grâce à la complémentarité qu’ils ont avec le Moloco et les Eurocks. Quand Thomas Schoeffler Jr commence son set, la salle est déjà presque pleine. Thomas Schoeffler Jr, c’est de la country folk de redneck à la Hank Williams. Un exercice de style. One man band guitare, harmonica, grosse caisse. Il est assez drôle sur scène, il fait des petites blagues cyniques entre les morceaux avec un air de mal à l’aise. Coup de cœur de Sparse. Viennent ensuite les Bisontins de Catfish. Combo guitare / batterie. Y’a plus que ça, ça donne droit à des crédits d’impôts ou quoi ? On connait déjà les 2 lascars. Ils jouent dans la Washing Machine Cie. Des p’tiots du Doubs quoi. Riffs de guitares qui fleurent le sud des States, banjo et batterie bien rentre-dedans pour accompagner la voix rauque et sucrée d’Amandine Ginchard qui chante en battant. Classe. Ils commencent à se faire un petit nom et sont connus par la plupart des gens du publics.

La tête d’affiche du soir, c’est Sallie Ford & The Sound Outside. On a adoré. Enfin, quand on les a vus l’année dernière à Dijon. Parce que pour être honnête, là, on s’est tirés. Il était tard : la route, le brouillard, la peur d’être trop saoul pour conduire si on restait. Bref, on a mûri. On est repassé par les usines Peugeot.

Belfort – Montbéliard – Audincourt, c’est comme dans la Nièvre en fait. Plein d’amoureux du rock super cools qui vivent dans le brouillard, avec des usines en plus, des autoroutes, et des immeubles. Enfin, la Nièvre en ville quoi. Faudrait les présenter. On se revoit à Dijon, Mulhouse et Besançon pour la suite du festival.

– Mika Pagis

Photos : POB