Et hop, une de plus pour le Théâtre Dijon Bourgogne ! Quittant les murs de la maison Saint-Jean, le Centre Dramatique National rejoint comme à chaque début de saison l’espace forain et convoque grand public et afficionados pour l’ouverture de sa saison. Après la magie Dromesko, après les ratés du Footsbarn voici sur le plateau de cette année une bonne rasade de cirque. Quoi ? Bordel… du cirque !

Il en fallait sous la semelle vendredi soir pour aller sous chapiteau et rater la seule émission TV de droite où on peut voir un t-shirt de l’Austin Psych Fest. Du cirque, ouais, tu parles, c’est de hold-up dont il faudrait parler. Hold-up sur l’imaginaire, sur le génie du mouvement aussi simple que radical, braquage des vieilles antiennes des rois de la piste, anciens ou modernes. Démasqués, les Trottola sont là ! Pas de panique, ici pas de chinoiseries nubiles en justaucorps, pas de chameau pelé, pas de frères siamois trapézistes aquatiques en équilibre sur tronçonneuse. Les cocos du Trottola sont désespérément humains et entendent visiblement bien le rester. Humaines les carcasses d’acrobates du trio, humaines aussi les collisions musicales du duo en bout de piste. Humain toujours le western circassien servi on the rocks par Bonaventure Gacon, Titoune et Mads Rosenbeck. Et ceux-là savent qu’au cirque, il ne suffit pas d’avoir des noms sortis des tiroirs de Jules Verne pour faire un spectacle. Comme chez le Jules, la machine est réglée au cordeau, huilée à la graisse de coude et l’aventure vous saute à la gueule avant de dire plouf. Humains, je disais, mais jusqu’au point où ils s’envolent. Ces enfoirés savent se servir mieux que vous et moi d’une échelle et d’un balai !

Alors oui, d’aventure, il n’y a que celle, un peu raide parfois, de fardeaux transportés, posés, jetés, bousculés et autres figures d’échanges et de combats. Mais ces trois-là, aux ordres des deux autres, à moins que ça ne soit l’inverse, racontent, et c’est fou ce qu’il y a dans ce rien ! La solitude, le pouvoir, le commerce, l’infini et tout ce que vos caboches voudront bien laisser sortir face au lupanar monté de toutes pièces par l’équipe Trottola (toupie en italien, racines du cirque I) avec ce satané spectacle qu’est Volchok ( toupie en russe, racines du cirque II). On pourrait facilement attacher Volchok au mouvement un peu pompeux du Nouveau Cirque, celui sans nez rouge mais avec concepts et philosophie de boudoir (le biscuit). Mais ce serait ne pas voir qu’ici, il n’y a d’esthétique que celle de l’insurrection, du moment où les corps s’agitent et tiennent tête à la pesanteur, à la maladresse en les consacrant. C’est Bakounine en tricot de peau ! Il faut les visages des spectateurs d’en face pour comprendre ça. Les visages défaits par le rire et l’émotion. Visages en état d’urgence de plaisir. Alors oui, ces totos du Trottola travaillent un cirque venu en ligne droite du cirque alterno-punk (prenez la dégaine de Titoune pour exemple) lancée par Archaos et Pierrot Bidon (RIP) dans les Seventies françaises. Alors oui, on y voit du lien avec Plume ou encore avec Klotz, mais il y a surtout une singularité que pousse Trottola à réussir l’intégration des cultures alternatives à l’art populaire, voire à l’art brut. On imagine Tom Waits danser avec Dubuffet, Julio Cortàzar tirer avec Comelade à la sulfateuse sur l’héritage de Zavatta. Loin du punk de surface, il y a aussi de la lucidité à la Tadeusz Kantor, première époque. Il va falloir penser sérieusement à suivre ces génies de l’indicible, les deux pieds dans la légèreté des objets en équilibre, des corps qui se superposent. Sinon, pour le précis du contenu, il vaut mieux voir par vous-même. Il n’y a presque rien à décrire de factuel. Débrouillez-vous, vous avez jusqu’à mardi 4 octobre. Après c’est retour au Théâtre mais nous en reparlerons.

Last minute info : Pas de bol, la fille au t-shirt Austin Psych Fest vient d’abandonner son camp et l’aventure du jeu TV ! Sale temps pour les nomades…

Badneighbour

Volchok, autres représentations :
mardi 4 et mercredi 5 octobre à 20h, espace forain (vers le palais des Congrès)
renseignements et résa : 03 80 30 12 12 / www.tdb-cdn.com