Dans les hauteurs de Baume-les-Dames, se terre Karl Grux, un jeune auteur de bande-dessinée qui sort
ce mois-ci son premier ouvrage aux Éditions Lapin : Mon Amie La Gale. Un road movie graphique à la
Easy Rider où les bécanes auraient été remplacées par des parasites à l’entre-jambe. Récit humoristique,
odyssée philosophique, témoignage sanitaire, il y a un peu de tout cela dans cette première œuvre qui
risque de démanger en haut lieu.

On n’avait, je crois, encore jamais traité de la gale dans le 9ème art. Aucune trace de Tintin et Milou se gratouillent l’entre-jambe ou d’Astérix et le secret de la démangeaison magique. Ça te semblait une injustice à réparer ?

Écoute, si je peux être le Joann Sfar des maladies bizarres, j’suis preneur.

Comment est né ce projet ? Est-ce qu’on y décèlerait pas une pointe d’auto-biographie ?

Carrément ! C’est une fiction mais basée sur quelques expériences vécues quand même. C’est un mélange de plusieurs choses en fait : déjà, la gale, je l’ai eu. 2 fois même. Je l’ai refilée à un pote qui me l’a refilée, un vrai ping-pong. J’ai gagné la partie 2-1. Avec ce même camarade on avait décidé de faire un tour de France des PMU, on est tombé sur quelques hurluberlus bien marrants. C’est resté dans ma tête plusieurs années et c’est ressorti dès que j’écrivais les scènes du bouquin. Pis, j’ai une amie qui avait chopé la gale aussi (dans un toute autre contexte) mais qui m’avait affirmé avoir été guérie du moment où elle a commencé à bosser en montagne. Tout ça, plus la très grande envie d’écrire un roadmovie, je trouvais que ça pouvait peut-être donner un truc sympa.

La gale c’est punk ?

Méga punk ! Pour l’anecdote, j’ai chopé cette maladie lorsque je traînais en squat quand je réalisais un documentaire sur les punks à chiens. C’est ça qu’est bien avec la gale, c’est que c’est une maladie un peu border qui a un côté vachement rigolo. Un peu comme la goutte.

Est-ce que tu t’attends à des retours de personnes victimes de cette maladie ? Peut-être fédérer toute une communauté autour de ton ouvrage ?

Si je peux être le grand gourou d’une secte de galeux, je pense que là j’aurai vraiment réussi mon book. Quand je parle de la BD autour de moi, y a à peu près une personne sur 3 qui me dit qu’elle a eu cette maladie ou qu’elle connaît quelqu’un qui l’a eu. On croit que c’est un vieux truc moyenâgeux mais c’est bien plus courant qu’on ne le pense ! Un galeux sommeille en chacun de nous…

« Ce qui est bien avec la gale, c’est que c’est une maladie un peu border qui a un côté vachement rigolo. Un peu comme la goutte. »

Quels conseils tu donnerais à nos lecteurs atteints de ce mal ?

En rigoler, ça fait relativiser. Parce que faut pas croire, mais c’est un enfer cette maladie. Ça démange comme pas possible, ça te réveille la nuit tellement ça gratte et pendant un mois t’es quasiment confiné à te badigeonner de crème (c’était la partie sexy, ça) et laver tes fringues, enfermer tes draps dans des sacs poubelles, mettre du spray partout. Ouais, se marrer, c’est mieux, ça détend.

On injecte toujours un peu de ses influences dans une première œuvre. En terme de bande-dessinées, qui seraient les tiennes ?

En BD, pas tant que ça. Je dirais plutôt Emil Cioran, Louis CK, Céline… Hum…c’est peut-être pas des bons choix. Nan, plus sérieusement, je dirais Bertrand Blier. Ah merde, il est cancel lui aussi. Bon, lui, je le garde mais que pour certains de ses dialogues et son génie pour manier les mots. Toujours côté cinéma, les films de Gustave Kervern et Benoit Délépine sont incroyables. Tu regardes attentivement comment ils composent leur récit, c’est fou. Ils s’emmerdent pas à faire trop de plans, à illustrer les actions des personnages. Nan, c’est une scène, un dialogue percutant, finement ciselé et hop, ça passe à la scène suivante. Y a rien à jeter. Ils sont trop forts dans le rythme de narration. Pour parler bédé quand même, Guillaume Bouzard à fond. Ou Derf Backderf, Olvaro Ortiz, Gilles Rochier, Noah Van Sciver, j’aime beaucoup. Leurs livres, je me les remange chaque année.

Mon Amie La Gale semble s’inscrire dans la grande lignée des road trips cinématographiques. C’est quoi les références dans ce domaine-là pour toi ?

Je parlais de Kervern et Délépine, du coup je dirais « Louise Michel », « Saint-Amour », « Mammuth » et bien d’autres d’eux. Chez les américains, les films de Seth Rogen sont une grosse grosse influence… ou les « Harold & Kumar » aussi. Mon éditeur a osé la comparaison de mon bouquin avec le cinéma des frères Coen. Ça m’a fait plaisir, j’en demandais pas tant.

Ça serait quoi la B.O. de ce périple d’ailleurs ?

C’est marrant que tu poses cette question mais il y a Frère K, un jeune beatmaker underground qui a réalisé la B.O du livre. Une puissance de son incroyable, une techno lourde à se taper la tête dans le caisson. Le morceau est dispo sur ma chaîne youtube, c’est une folie. Sinon, par ordre chronologique d’ambiance du bouquin, j’dirais « CumbiAaa » de Villevieille, « Out of time man » de la Mano, « Guilty conscience » de Kneecap, « Remet » de Drillicit », et « My wild love » des Doors pour finir. 5 ambiances bien différentes mais ça résume bien le bouquin

« Si je peux être le Joann Sfar des maladies bizarres, j’suis preneur. »

Et derrière cette façade humoristique, une pointe de morale philosophique ?

Bien vu. Après, je dirais pas forcément « morale », faut pas déconner, le bouquin éveille pas les consciences non plus mais c’est vrai qu’il y a un peu de philo dans le bouzin. Surtout à la fin, sans spoiler, mais il y a une scène mystique, un peu existentialiste. Quand j’ai écrit ce dialogue, je me suis demandé si j’étais allé trop loin et puis finalement, même avec le recul, je trouve que ça colle quand même bien. C’est un peu perché mais, est-ce que la vie ne l’est pas ? En tout cas, le format roadtrip se prête bien au parcours initiatique et aux délires de la psyché.

La première bédé maintenant publiée, qu’est-ce qu’on peut désormais te souhaiter ?

Une foule en liesse aux dédicaces, ça pourrait être sympa. D’autres contrats aussi, j’ai plein de choses à raconter et pas que des trucs sur la gale !

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Texte et propos rapportés : Picon Rabbane // Illustrations : Karl Grux