« J′suis pas une fille moi / j’suis une comète » chante Théa dans son titre FASTLIFE ! Une comète ; de celles qui ne traversent nos cieux qu’une fois par génération. Un univers si singulier, si protéiforme, qu’on n’aurait bien du mal à y coller des étiquettes, qu’elles soient hyperpop ou émocore. La jeune artiste, en voie de devenir porte-étendard de la génération Z, aura sans nul doute fait de nouveaux adeptes lors de son passage au Golden Coast où nous l’avons rencontrée quelques heures avant son concert.
Tu t’apprêtes à monter sur la scène d’un festival qui se décrit à 100 % rap. Si toi aussi, tu devais décrire ton univers en pourcentages, ça donnerait quoi ?
Ah c’est intéressant, je dirais 25 % rap, 25 % pop, 25 % punk et 25 % électro/digital. Quelque chose d’assez équilibré ! C’est vrai que c’est toujours dur de faire des listes de styles et tout mais même dans le rap aujourd’hui, il n’y a plus une scène unique. Le truc a pris une telle ampleur, il y a énormément d’offres, des trucs très pop à des trucs très underground. Donc pour moi, en fait, ça fait sens de me retrouver ici. J’écoute beaucoup de rap et j’ai une certaine structuration de mes textes qui fait que je ne me sens pas à part dans cette programmation.
Tu as déjà ressenti des accueils différents selon devant quel public tu jouais ?
Ce qui est assez marrant c’est qu’on a pu faire vraiment plein de types de festivals cet été et que selon les festoches ça ne répond pas pareil, pas sur les mêmes morceaux … Tu sens que t’attrapes le public mais pas sur les mêmes titres. Parfois sur les plus punks, d’autres sur les plus pop. À chaque fois, on a passé un bête de moment mais tu sens que les gens réagissaient différemment selon les jours, les lieux, les festivals, c’était assez kiffant pour ça.
Comme le laisse suggérer ton titre Enfants d’la rave, tu viens du milieu de la free party ?
Ouais, j’y ai un peu traîné et surtout je kiffe l’idée. C’est un truc qui m’a beaucoup inspirée, tant dans les sonorités que dans la démarche que je trouve très punk. Ne pas demander l’autorisation, aller quelque part et faire la fête, ça me parle.
Et tu as aussi fait une partie de ta scolarité dans un lycée autogéré. Est-ce que tu as retenu des enseignements de ces années-là ?
Je pense mais comme je fumais beaucoup de weed mais je m’en souviens pas beaucoup (rires). Ça a été une étape intéressante, ça a été mon ouverture à Paris et aux milieux militants. Je n’étais pas très bonne élève, je n’allais pas beaucoup en cours mais j’ai eu accès à une certaine forme de liberté qui est encore ma raison de vivre aujourd’hui. Je n’ai pas fait d’études après ça parce que je voulais vivre de ma musique, me débrouiller seule. Ça m’a appris ce qu’était l’indépendance.

Dans tes réf’ musicales, il y a tout un tas de choses très années 2000 (émo, nu metal, skate punk) qui étaient plutôt moquées par les puristes à l’époque mais qui reviennent très, très forts aujourd’hui. Tu penses que l’heure de la revanche a sonné pour toutes ces influences là ?
Je suis pas sûre parce qu’on se prend toujours des piques par les puristes aujourd’hui mais il y a quand même une nostalgie de ces années là. J’ai grandi là-dedans, dans ce côté émo mainstream, ce côté pop-punk justement, le punk un peu skate … Mais aussi avec Justin Bieber et One Direction qui, pareil, étaient ultra critiqués, soit parce que c’était des trucs de meufs, soit parce que c’est trop pop. Moi, ça m’amuse de faire appel à toutes ces choses qui sont certes très pop mais qui sont aussi très ancrées culturellement. Parce je pense surtout que ce sont des trucs que beaucoup de gens écoutent sans trop vouloir le dire (rires).
Est-ce que dans les thématiques que tu abordes tu as voulu conserver l’aspect très sincère, très écorché de ces différents styles ?
Oui, parce que c’est des projets qui m’ont aidée, qui m’ont parlé. Le néo-métal et Linkin Park par exemple, ils évoquent la santé mentale de manière très crue. Même le côté très sensible de ces projets-là, de projets très pop comme Kyo, c’est quelque chose qui a été important pour moi à un moment donné. Je ne sais pas si la forme et la manière d’écrire sont encore très actuelles mais cette manière de se confronter à la sensibilité et aux émotions, ça l’est encore, c’est sûr. C’est un héritage.
T’as une ascension assez fulgurante, t’as su trouver ton public super vite. Qu’est-ce qui, dans ton univers, réussit à atteindre et toucher ce je-ne-sais-quoi de l’ordre du générationnel ?
Je pense qu’il y a pas mal d’ados ou de personnes de 20 ans qui peuvent s’identifier à moi et à ce que je raconte de ma vie. Et puis, ce côté très digital de ma musique est assez générationnel aussi, je pense. Mais ce qui est kiffant, c’est quand tout ça parle aussi à des gens d’une autre génération. C’est pas quelque chose que j’aurais pu prédire mais je trouve ça très beau à voir.

Qu’est-ce qui, à ton avis, différencie ta génération des précédentes ?
Peut-être une certaine forme de nihilisme. Parce qu’on a grandi en entendant dire qu’on sauverait peut-être la planète en coupant le robinet pendant qu’on se brosse les dents mais on a vite compris que ça ne suffirait pas. Je pense qu’il y a vraiment une conscience du monde dans lequel on vit du fait de l’accès à l’information. Il y a vraiment une clarté dans la réflexion de cette génération. Avec des gens qui sont prêts à se bouger, avec un monde entre les mains qui est un peu fucked up mais qui est vu tel qu’il est. On sait pas si on va pouvoir changer les choses mais on serait trop con de ne pas essayer. Alors, on met toute notre rage et notre énergie là-dedans.
Dernière question : on te voit souvent arborer un t-shirt loup, c’est pour démarcher les fans de Johnny ?
C’est mon frangin qui m’a offert ça pour se foutre de ma gueule mais il s’avère que je le trouve vraiment stylé (rires). Je me souviens, quand j’étais très jeune, de ces piaules de grands frères où il y avait des posters de métal, des t-shirts loups et la télé allumée avec Medal of Honor qui tournait. C’est toute une esthétique de la génération un peu avant la mienne qui me fait beaucoup rire. Il faut relancer cette mode !
Picon Rabanne // Photos : L.Pochet