Le groupe inclassable qui a ravagé les scènes de France ces 10 dernières années a annoncé sa fin. Dernière tournée. Fin de l’année 2025 on range tout, rideau. Une dernière danse qui n’a rien de larmoyante et qui se fait, comme d’habitude avec Bagarre, dans une ambiance d’énorme teuf. On les a croisé dans leur ultime voyage avec le public pendant Lalalib à Dijon en septembre. Vous les retrouverez ce samedi 1er novembre à Nevers pour le retour du festival Nevers à vif. Interview fin du game avec 3 des membres du gang, puis 4, puis 5. Tout le monde quoi.

En partenariat avec Radio Dijon Campus

Vous avez annoncé la fin du groupe après plus de 10 ans d’existence…C’est la dernière tournée. Vous arrêtez avant d’être ringards ? Vous sentiez que vous étiez au bout d’un truc ?

Muss : L’envie de faire autre chose. On s’est arrêté avant de tous se détester (rires). La décision était assez collégiale en fait. 

Thomas : L’idée c’était aussi de partir quand t’as encore un truc à dire. On était super content d’avoir fait cet album (2024, « Le club, c’est vous ») en full independant. Ca fait presque 15 ans qu’on fait ça. On n’a pas fait grand chose d’autre en dehors. Y’a des envies nouvelles qui sont nées chez chacun. On s’est posé la question de continuer tout en faisant tous d’autres choses à côté, et ça prenait pas vraiment. Bagarre c’est un truc ou tu as besoin d’être à 100%

Des envies de chacun de monter des projets musicaux à côté ?

Muss : ouais, mais pas que la musique, la vie aussi. Des fois tu aspires à d’autres choses. Depuis tout ce temps avec Bagarre, on a évolué. Y’a plein de choses qui sont arrivés dans nos vies perso…

Thomas : C’est une nouvelle aire. On avait besoin d’une rupture franche. On laisse pas le truc partir en eau de boudin sur la fin. Et puis c’est mieux pour le public. On donne un vrai rendez-vous. Pour prendre avec eux un dernier shot de love. On splite pas en fait, juste on arrête le groupe, c’est très différent. Y’a pas de clash. 

La tension dans votre musique, y’en a toujours eu. Est ce que vous arrêtez aussi pour ne pas vous faire bouffer par cette tension ?

Thomas : Pas tant la tension. En fait pour faire un nouvel album, y’avait pas d’évidence esthétique entre nous…On s’est dit « peut-être que ça veut dire quelque chose ? », peut-être que c’est le moment. 

Cyril : En fait, dans Bagarre, y’a une forme d’urgence, qui nous a habité toutes ces années. C’est le fuel du groupe. En vieillissant, t’es un peu sur une autre énergie. Cette urgence a créer, elle est moins là. 

Tu parlais d’arrêter le groupe alors que vous avez encore des choses à dire. Ces choses là, vous allez les dire ou maintenant ?

Muss : Bah dans la vie. La vie c’est un combat. D’être soi même, de lutter contre le regard des gens...En fait, d’exister, c’est déjà une dinguerie. 

Thomas : Yaura encore des chansons, on a chacun des envies. Mais là on est encore la tête dans le guidon avec Bagarre. On dit au revoir à notre public, à une partie de notre vie. On verra plus tard. En tous cas, y’a en ce moment, pour la fin du groupe, un truc vraiment apaisé, assez généreux. La tournée se passe trop bien. On se dit qu’on a fait quelque chose de très beau. On a été compris par le public. c’est chouette comme sensation. On a pas fait ça 10 piges pour personne. C’est pas une tournée d’adieu larmoyante. 

Si on revient un peu dans la passé. Y’a 10 ans quand vous avez débarqué, je me rappelle, on a rien compris du tout. On a tout pris dans la gueule. On avait l’habitude de coller des étiquettes, « ça c’est rock, ça c’est rap, etc.. ». Vous vous avez débarqué avec un cocktail musical et une énergie qui partait dans tous les sens. On a pris une gifle pendant le live, mais on a mis du temps à comprendre ou vous vouliez en venir.

Muss : Nous aussi (rires). 

Thomas : Non mais c’est vrai, on voulait pas faire un truc avec un style défini. 

Et c’est vrai qu’on ne savait pas dans quel style vous classer…

Thomas : C’est un peu nécessité/vertu. On aurait voulu faire un style précis on n’y serait pas arrivé…On a fait notre truc. Bagarre. 

Vous avez réussi a crée une communauté. j’ai l’impression qu’il y a un public fidèle, qui rempli les salles. 

Muss : On a vraiment capté ça quand on a annoncé la dernière tournée…C’est cool. On aura goûté à ça, le groupe à « succès » (rires)

Justement vous faites une tournée toutes les salles sont pleines, ça marche. Ça vous donne pas envie de continuer un peu ? De voir ce public qui en veut encore, que le groupe marche bien…

Emma (qui vent de nous rejoindre autour du canapé) : L’énergie qu’on a tous les 5, ça peut pas « fonctionnoter » (rires). On peut pas vivoter de Bagarre, c’est un truc qui nécessite d’être à fond dedans. Faut y aller corps et âme. Et d’ailleurs le public nous l’a bien rendu, corps et âme.

Thomas : On n’est pas Indochine, on peut pas faire de la rente mémorielle (rires). Attention, je kiffe Indochine, je les ai vu au Stade de France. En fait quand tu regardes les groupes qui tournent depuis des années, j’ai l’impression que leur meilleur album, c’est le premier. Et nous aussi en fait. y’avait une énergie…On calculait pas, on se regardait pas faire…je pense qu’on est pas une assez grosse machine pour continuer sans continuer à fond. 

Emma : T’en parlais tout à l’heure, en studio, on nous a pas encore tout à fait compris je pense. Nous on est connu et reconnu grâce aux concert. Donc on bouffe des concerts. Ça fait 10 ans qu’on est sur la route;, c’est éreintant. La thune elle vient des concerts, donc on tourne. Dans ces conditions là, même écrire un album c’est pas facile. 

Bagarre, quand t’écoutes sur album, t’as l’impression qu’il y a pas un tube, pas un truc qui te tiens, ambiance pop, refrain couplet…Mais quand on vous voit en live, y’a que des tubes, avec un public qui connaît tout. 

Thomas : C’est ça qui est cool. En fonction de ton mood, y’a différents trucs que tu peux kiffer chez Bagarre, comme y’a plein de trucs différents. Différents titres, différents personnages…

C’est une expérience d’écoute. y’a des choses que t’as pas saisi à la première écoute, t’y reviens, tu comprends d’autres choses…y’a un esprit en escalier, ça bouge toujours un peu.

J’aimerai parler de l’identité visuelle, ce logo Bagarre. Qui fonctionne à fond. C’est quoi son histoire ?

Emma : C’est un mec qui s’appelle Thomas Christiani, dont on était proche, en plus d’aimer son travail. On a beaucoup parler musique avant de parler d’image. ils nous comprenaient. Il nous a proposé très vite les 5 carrés parce que les 5 personnalités. D’ailleurs le 1er EP c’est lui qui nous dit qu’il fallait faire 5 morceaux, un chacun. A la base, Muss avait pas de morceau ou il chantait; Et comme il voulait sur son visuel que Muss apparaisse aussi, il fallait en faire un autre. Enfin bref…Il a fabriqué ce logo, un peu Beatles, un peu Black Flag, qui est trop beau, qui est iconique

Il est iconique et il va vivre encore bien après le groupe. Tu parles de Black Flag, c’était une référence pour vous ?

Muss : Bien sûr ! Moi je connaissais pas (rires), mais mes potes eux, ils avaient de la cultures (rires)

Arthur (qui vient d’arriver et qui se joint à la conversation) : Nous, on est des enfants des 90’s. Des CD, des pochettes de CD. Pour nous ça coulait de source. On fait de la musique, on a un nom de groupe, on a une image qui va avec. L’image, ça enrobe, ça donne un sens, c’est un peu magique. Et ça on le perd avec les plateformes. Y’a pas de pochette, on s’en fout un peu. Y’a plus le côté organique de l’image. 

Chablis Winston et Martial Ratel / Photos : Édouard Roussel