Retour détaillé sur ma journée avec Patti Smith. C’était vendredi 11 novembre au Parvis Saint-Jean et à la Vapeur.

Il est 14h30 environ, direction le Parvis St Jean pour la lecture de Patti Smith, le début de la journée de fou que t’attends depuis des mois.

Virage à Sainte Bénigne, tu frissonnes devant la silhouette altière et les cheveux gris de Lenny Kaye, guitariste de madame, tu le vois planté là avec un autre mec. Entre eux, une petite bonne femme farfouille dans un sac, elle porte un béret et des lunettes.  Ok, C’est elle.

Tu essaies de calmer ta joie mais entre tes dents serrées par l’excitation et le café tu dis, c’est Patti Smith, c’est Patti Smith… à ta compagne qui, elle, sait se tenir et évite de céder à l’hystérie.

Devant le Parvis St-Jean ça fume des clopes et ça attend, tu regardes en direction de Ste Bé les trois personnes qui approchent. T’as fait genre de pas te mêler aux autres sur les marches pour regarder la procession. Patti tient son Polaroid des deux mains et avance légèrement voutée.

T’hésites entre te pisser dessus comme une gamine de 10 ans devant Justin Bieber et crier « People have the power ». Comme les deux alternatives sont aussi stupides l’une que l’autre, bah, tu fais rien, tu mattes Patti qui s’approche d’une nana pour la shooter. Personne ne dit rien, tout le monde a un sourire impressionné.

Dans le hall entre des conversations bobo-cultureux ennuyeuses au possible, t’essayes de pas te faire griller pour ne pas avoir une place trop pourrie, t’as pas crâné 6 mois pour voir une Patti Smith de 5 cm au dernier rang alors tu joues des coudes.

Pendant l’attente, tu regardes autour de toi, des gens de tous âges,  il y a une excitation palpable, le public est déjà acquis. On ne vient pas voir Patti Smith par hasard.

On s’installe, elle se pointe, Lenny Kaye l’accompagne et se pose en retrait sur un tabouret, deux micros, une gratte et déjà des applaudissements à tout rompre.

Premiers mots de Patti Lee : « What do I do ? ». Tiens, tiens, dans sa main, elle tient une tasse Ikea mais pas de feuilles volantes ou de bouquins, ça sent la lecture un peu freestyle.

Le truc marrant, c’est qu’il ne va pas y avoir de lecture du tout, elle balance à la fin qu’elle était censée lire mais qu’après tout, on s’en fout, on peut le faire tout seul. Elle a envie de parler et demande au public de lui poser des questions.

La première question est à propos des snails of burgundy. Wow, ça vole haut d’emblée, attachez vos ceintures.

Mais Patti a un truc à dire sur tout, et elle nous raconte une histoire d’escargot qui lui est arrivée à Paris, lorsqu’elle y est venue pour la première fois avec sa sœur.

By the way, elle précise qu’à New-York les gens sont sophistiqués et qu’ils disent « escargots » et non snails. Elle nous souhaite un happy eleven/eleven /eleven, elle trouve ça marrant.

Elle évoque rapidos l’armistice, la guerre, le fait que ça n’a aucun sens de fêter la fin d’un truc qu’on perpétue un peu partout. Une personne la lance sur la politique, elle n’a pas trop envie d’en parler, c’est ennuyeux, passons plutôt un bon moment.

Elle parle de la discipline qui accompagne le travail d’écriture, elle encourage un jeune homme qui lui a posé une question et qui écrit lui-même à écrire, sans cesse, même de la merde, même une ligne. Tous les jours.

Quand on lui demande ce qu’elle trouve de rock-n-roll chez Verlaine, Baudelaire, Rimbaud, elle semble un peu saoulée mais répond quand même que c’est un état d’esprit, les jabots de Mozart tâchés d’encre, le manteau mité de Baudelaire, quoi de plus punk rock ?

T’écoutes les questions que tu juges pas spécialement à la hauteur, disons que personne n’était préparé à ça. C’était écrit « lecture ». Ceci dit, tu n’as toi-même rien à dire à part « Hey Patti, your shoes are just AMAZING ».

Quarante minutes et trois chansons plus tard c’est fini, elle se barre en disant « I have to go », en fait, tu te demandes si ce n’est pas le manque de réactivité qui lui donne envie de mettre les bouts, ou les questions à la con sur son amitié avec Johnny Depp et Vanessa Paradis (chez qui elle a terminé l’écriture de Just kids pour ceux que ça intéresse).

Sympa, elle a signé le bouquin d’un mari qui va l’offrir à sa femme, dans la foulée une personne lui propose de lui apprendre le français, elle décline, la même personne lui demande de signer son livre et elle répond en mode Smith et Wesson, qu’elle a un travail, qu’elle n’est pas là pour signer les livres de toute la salle.

Elle est drôle, bien dans ses boots, elle parle de ses morts qu’elle chérit, des vivants aussi, de ses enfants. Rien de pesant, elle est en paix et n’a aucun souci avec le fait de ne pas lire.

Elle se barre et quand tu captes qu’elle ne reviendra pas, tu regardes autour de toi, tu essaies de déceler de la déception ou quelque chose qui y ressemble. Il est difficile de savoir comment le public a vécu cette arnaque à la lecture que tu as plutôt appréciée.

Tu sors de boboland encore plus fascinée par cette nana et tu as déjà hâte qu’il soit 20h pour la retrouver.

Le concert à la Vap’

Arrivée prestigieuse en tacot blanc comme neige et vitres teintées, tu demandes au chauffeur d’aller plus loin pour pas te taper l’affiche, genre, Georges elle en peut plus depuis qu’elle a été citée sur Radio Dijon Campus. Le mec doit pas écouter cette radio parce qu’il t’envoie balader. Ok, on sort du méga truc blanc devant tout le monde, et c’est pas rock-n-roll du tout.

Tu retrouves des visages déjà vus l’après midi au Parvis, c’est l’effet forfait.  Là encore, les générations se confondent, c’est sympa, les fans historiques mêlés à la jeunesse curieuse.

Une fois à l’intérieur de la grande salle, t’es vaguement déçue de voir des grattes electro- acoustiques et un piano. Où sont les amplis qui devraient tous nous envoyer en l’air ?

Patti la débraille arrive, stylée à mort, le public est super chaud et elle est touchée par l’accueil tonitruant qu’il lui a réservé.

Wing, Redondo beach dancing barefoot, Frederick…  La set-list est plaisante pour qui connait le répertoire du Patti Smith Band mais aussi pour ceux qui la découvrent. C’est acoustique mais quand même bien punchy, on chante, on danse, bonne ambiance à la Vap’.

Elle avouera plus tard qu’elle fait un « sweet, quiet, little show » parce qu’elle est claquée mais qu’elle reviendra pour un show électrique.

Elle se balade sur la scène, elle danse, elle demande du feed back en plein milieu d’une chanson, elle s’excuse dans la foulée puis reprend où elle en était.

Elle disparait un moment de la scène et remonte avec un enfant qu’elle installe sur le côté de la scène, quand il s’échappe au milieu d’une chanson, elle balance : « that’s rock-n-roll ! »

De loin, tu vois la pochette du vinyle « Easter » que quelqu’un agite comme un étendard. L’armistice, c’est à la Vapeur que ça se passe.

Sa voix profonde est vraiment chouette en live, le show est parfait, Patti fait le pitre, oublie de chanter, une bonne partie du public chante avec elle, elle se déconcentre et se recentre en deux secondes.

Elle prend souvent la peine de dédier ses chansons aux personnes qui ont marqué sa vie. Elle semble puiser une immense force dans ses souvenirs et toujours elle parle de son mari, Fred ‘Sonic’ Smith. Elle le porte en elle.

Un mec hurle le nom du groupe « The Almost » et s’entend dire : « Tu sais, quand je pisse, il y a plus de rock-n-roll dans ma pisse que dans n’importe quelle chanson de The Almost ».

A 66 piges, elle se fait pas des nœuds au cerveau avant de parler, c’est cash, comme elle, sans compromission.

On a le droit à un peu de peace and love, save the planet, fuck the politics et c’est assez marrant pour toi qui chaloupe depuis le début du spectacle à côté de Monsieur le Maire.

D’ailleurs, tu repenses à sa présence quand tu te secoues sur Rock’n’roll Nigger, le poing en l’air, en gueulant « outside of society that’s where I want to be »Cette chanson et le légendaire GLORIA ont fini de foutre le feu, un pur moment de communion rock.

Patti, animale, sensuelle, explosive qui crache sur la scène de la Vapeur. Patti qui gueule, qui nous sort sa voix d’outre tombe. Patti qui nous quitte sur ces mots : « You are the future and the future is now ». Message reçu.

Le truc vraiment amusant à propos de cette journée, c’est de voir comment elle a foutu en l’air le plan com’ de la Vapeur et du TDB en ne faisant pas de lecture et de concert acoustique l’après midi et en jouant unplugged le soir. En tout cas, la prochaine fois, soyez réactifs pour prendre vos places !

Georges

Bonus vidéo : Pissing in a river