Chose promise chose due : la semaine dernière, je vous présentais un livre, Jeu vidéo de Bastien Vivès mais je vous promettais un autre de Vivès : Polina. Après avoir creusé l’univers geek, Vivès nous montre qu’il est capable d’assurer comme une brute en… danse… Ouais, ouais en danse classique ! Et là encore le boss du level, c’est Vivès. Parce que Polina, c’est environ 200 pages noires et blanches sur la danse.

J‘vous dit que c’est balaise aussi parce qu’en dessin, en peinture, la danse a déjà été sacrément représentée. Y’a qu’à penser à Degas, c’était y’a pas si longtemps et ses dessins restent aujourd’hui bien impressionnants pour des auteurs qui s’y collent.
Revenons à notre Bastien Vivès. Une académie en Russie, tranquille le chat, à l’ancienne, où le boulot, bah, c’est le boulot. Dès le plus jeune âge, barre, gainage du dos et assouplissement des articulations sous le regard des profs. L’histoire est belle, un poil fleur bleue, mais ça c’est la patte Vivès. L’amour, l’amitié… il nous les sert avec talent à toutes les sauces.

Cette fois, il ajoute un ingrédient : la transmission. La petite Polina arrive dès le plus jeune âge dans cette académie select et sévère. Comme les autres, elle doit turbiner pour rester au niveau d’exigence. Plus que les autres même parce qu’elle est pas trop sure d’elle et elle est pas super souple… Elle se voit comme un petit cygne noir. Mais, y’a le prof barbu avec de grosses lunettes, M’sieur Nikita Bojinski, qu’est à l’affût. Derrière ses airs de bourreau bourru, il repère le talent de Polina. Alors, il la prend sous son aile et la fait bosser, passer dans les classes supérieures. Ça devient un papa poule pour ce petit rat de l’opéra. Mais un jour elle passe entre les mains d’une nouvelle prof… vieille, d’un autre âge avec d’autre méthodes, d’autres valeurs. Va-t-elle renier son Nikita Bojinski ? Va-t-elle tirer une croix sur la danse classique ? Dansera-t-elle pour Bojinski ce solo qu’il lui offre ? Suspens.

Finalement, est-ce qu’on est capable de tuer le père ? Par haine, par amour ou… pas du tout. Est-ce qu’il y a quelque chose derrière le respect ? C’est le sujet de ce bouquin. Il parait que Vivès s’est inspiré d’une véritable danseuse, Polina Semionova, mais ça on s’en fiche un peu. Sauf pour la blague. Lancez un recherche d’images « Polina » dans votre moteur de recherche. La vraie, c’est la deuxième photo…

Au niveau du dessin, j’vais me répéter par rapport à la semaine dernière mais le trait… pfffff… il est super beau. Noir, blanc, gris… à l’encre de chine ou quelque chose comme ça. J’vais pas me réinventer, le dessin de Vivès fait mouche avec une économie de moyen. Y’a la moelle, le mordant et le nerf, souvent tendu, des danseurs. Ce sont des corps plein d’énergie, juvéniles et musclés, figés ou en action. Et il y a un magnifique travail sur les jeux d’ombres. Ça peut sembler avare de dialogue mais au contraire c’est un livre qui évite d’être bavard et qui nous invite à prendre notre temps. C’est sobre et net ! C’est l’opposé de Degas et ses danseuses colorées, graciles et fragiles. Et c’est bien joué !

Y’a quand même quelques moments où Vivès se laisse aller. Il sait dessiner et bien dessiner alors il le montre avec les architectures baroques et volubiles des théâtres. Ce livre a été récompensé en décembre dernier par le prix de la critique bédé, ce qui explique certainement pourquoi il n’a malheureusement rien glané à Angoulême.

Martial

Polina, Bastien Vivès – KSTR, 18 euros

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