Samedi dernier, la capitale des ducs vibrait au son des « pchhhhh », »tssssss » et autres « tchak » émanant de la Vapeur. Vous l’aurez compris, Sparse est allé faire un tour du côté du Human Beatbox festival, le rendez-vous annuel dédié au genre, des associations Octarine et Zutique.

Fin d’après midi, on débarque dans la loge principale déjà remplie de beatboxeurs. Les mecs sont à peine arrivés et déjà ils commencent le show en coulisse. Plus personne ne se parle, tout le monde communique en imitant une multitude d’instruments à la bouche.

Parmi eux on retrouve Julien et Robin aka Box Office, la bonne découverte de ce festival avec leur live mélodique, allant parfois au delà des codes traditionnels du beatbox. Ils racontent ici leur victoire au championnat de France 2011 et partage avec nous leur vision rafraîchie du beatbox.

J’ai eu des difficultés à trouver des informations sur vous sur Internet ; j’ai lu seulement une interview écrite et un lien radio inécoutable. Pas de soundcloud ou un bon vieux myspace… pourquoi ?
Julien : Je pense que ça viendra mais ça fait à peine un an qu’on travaille ensemble. On vient de commencer, c’est encore assez frais.

Robin : En fait le nom on l’a mal choisi déjà. Faut rajouter « beatbox » pour trouver quelque chose sur le net. On a un wordpress, mais il est impossible à trouver. Pareil pour notre page facebook, faut vraiment lutter pour la trouver. Faudrait qu’on engage quelqu’un pour s’occuper de ça. Quelqu’un qui saurait nous rendre plus visible sur la toile.

Donc vous avez pas encore de manager ou de tourneur ?
Robin : Non rien de tout ça, on est juste tous les deux. On est ici ce soir parce que Nico Dorbon nous a vu au championnat de France et nous a proposé. On commence à faire parler de nous dans le milieu du beatbox, donc on n’a pas de grands projets pour l’instant. On a quelques dates et c’est déjà super. Ça se met en route tout doucement.

Après moins d’un an d’existence, comment vous retrouvez-vous au championnat de France si vite ?
Robin : En fait n’importe qui peut s’inscrire ! Ensuite c’est un système de sélection. Nous, on fait du beatbox depuis un moment donc on a monté un truc ensemble et c’est passé. On a gagné !

Par équipe c’est ça ?
Robin : Oui. Il y a trois catégories au championnat : solo fille, solo garçon et par équipe.

Quelle est selon vous la catégorie la plus difficile ?  
Julien : Ça dépend, parce que les catégories sont tellement différentes. Par équipe, on prépare des morceaux, on prévoit tout à l’avance, tout est calé au poil.

Robin : Disons qu’on n’est pas super bons en solo l’un et l’autre, donc on a trouvé une bonne dynamique en équipe parce qu’on ne fait pas du tout les mêmes sons Julien et moi. Comme on fait de la musique depuis un moment, on a su bosser en complémentarité, et beaucoup réfléchir sur notre travail. Je préfère bosser en équipe, je me sens moins à l’aise tout seul.

Quand vous dites « ne pas faire les mêmes sons », est-ce que vous pouvez expliquer exactement qui fait quoi dans votre duo ?
Julien : Robin est plus dans la recherche de sons, j’explore un peu plus la technique et les basses.

Robin, j’ai vu sur une vidéo où que tu chantais.
Robin : Oui et Julien aussi. Dans notre set d’ailleurs, on chante tous les deux.

Au niveau de la production, chacun a aussi un rôle bien défini ?
Robin : Dans le beatbox par équipe, souvent -et ça marche aussi très bien- il y a un beatboxeur qui fait le rythme, un autre qui fait la basse, un autre qui va faire une mélodie. Nous on ne fait pas vraiment ça : on se partage à la fois le rythme et les notes de basse. Après forcément, il y a des trucs que Julien maîtrise et moi non. On essaye de tout mélanger. C’est assez complexe en fait, chaque petit morceau de mesure est défini. On aime bien bosser comme ça.

Julien : Oui on se complète pas mal, c’est vrai que quand on nous écoute comme ça tous les deux, c’est difficile d’identifier qui fait quoi, tout est imbriqué.

Et comment expliquez-vous ce besoin d’aller au delà des codes du beatbox ?
Julien : On a tous les deux pas mal étudié la musique, ça s’explique en partie comme ça.

Vous avez fini vos études ?
Julien : Robin a fini mais moi j’étudie encore, en pédagogie musicale. On pratique tous deux plusieurs instruments, on s’est rencontrés en fac de musicologie puis on s’est retrouvés aussi dans un centre de formations de musiciens.

Robin : On essaye de trouver des morceaux qui n’ont pas été entendus encore, des rythmiques nouvelles, des sons à agencer différemment. On est vraiment dans la recherche.

 

« Apporter un peu de voix, des harmonies,
des styles de musique qu’on
n’entend pas forcément, ça fait du bien »

 

Avez-vous justement des beatboxeurs qui vous inspirent, que vous admirez pour leur créativité ?
Robin : Personnellement j’aime beaucoup Beardyman qui est un beatboxeur Anglais très célèbre. J’aime bien son côté complètement fou, ça m’inspire énormément.

Beardyman, comme beaucoup d’autres artistes du genre, reprend des standards, des covers de morceaux ultra connus. Pensez-vous que le beatbox puisse exister dans un live au delà de ça, en se basant uniquement sur de la création ?
Robin : Nous on reprend dans nos 45 min de live deux petits morceaux de hip-hop, et c’est tout. Tout le reste, c’est de la création. En fait, on avait repris ces deux titres pour le championnat parce qu’on voulait avoir un set assez complet, on avait envie de caser des vieux trucs de hip-hop qui n’avaient pas été fait justement… Du coup on les a gardé, mais c’est vrai qu’on pourrait s’en passer. C’est rigolo en même de temps de reprendre un truc en beatbox quand tout le monde connaît. Mais c’est pas trop notre délire.

Pourriez-vous refaire les championnats ?
Julien : On pourrait oui, mais je ne pense pas qu’on le fasse.

Robin : On est sélectionnés pour les championnats du monde par équipe. On sait pas exactement quand ce sera car l’organisation est pas très au point. Pour l’instant on attend des nouvelles.

Vous comptez présenter quelque chose de nouveau pour l’occasion ?
Robin : Oui on compte faire quelque chose de différent. Après les championnats de France, on a vraiment bossé 45 minutes dans le but de faire des concerts, dont celui là à Dijon.

J’ai lu que la gestuelle occupait une place importante dans vos lives, comment concrètement travaillez-vous ces mouvements et pourquoi ?
Julien :  C’est arrivé un peu par hasard en fait. A notre premier concert, on s’était retrouvés à faire un morceau tous les deux ou instinctivement on s’est mis à battre la mesure. Et quand on a regardé la vidéo à nouveau, on a trouvé ça chouette. On s’est dit que ça pourrait être intéressant de développer ce côté visuel.

Robin : C’est un truc tout con… Au début on jouait avec les mains. Au championnat on se passait une balle d’énergie invisible… Je suis gaucher, lui est droitier, du coup c’est plus joli à regarder. Là on a un morceau où chaque pas représente un son. On dirait que ça marche, nous on se sent à l’aise avec ça.

C’est quelque chose que vous aimeriez développer en live ? Avec des costumes, des éléments scéniques ?
Robin : Moi j’y ai pensé oui.

Julien : Mais c’est vrai que ça devient plus un show qu’un concert.

Robin : J’aimerais bien avoir une boîte au milieu de la scène, de laquelle on pourrait sortir des choses… Juste une idée pour l’instant.

Vous jouez des instruments tous les deux, on les retrouve sur scène ?
Robin : Il y aura seulement de la clarinette ce soir.

Justement, est-ce qu’on apprend à faire du beatbox comme on joue d’un instrument ?
(long silence puis Robin se met à parler littéralement en mode rewind)
Julien : Bah, oui et non pour ma part. Oui je l’ai travaillé comme un instrument après c’est différent parce que le beatbox c’est plus dans la recherche de son. Tu peux partir de rien et tu explores tout seul avec ta bouche les sons que tu peux faire. C’est toi qui crées tout en découvrant petit à petit ce que tu es capable de faire.

Tu serais en somme moins limité qu’avec un instrument ?
Julien : Hum… (Il passe en mode rewind aussi).
Robin : Elle est dure ta question, on n’est pas assez intelligents pour y répondre. On est un peu con-con tu sais…

Est-ce qu’il y a un discours caché dans votre musique, un message qui vous tient à coeur ?
Robin  : Moi je suis super content de ce duo parce que dans le petit monde du beatbox, je suis persuadé que ce qu’on fait ne se fait pas… On joue sur des petits détails. Mais…. putain je vais partir loin… ce qu’on fait sur scène, c’est pas ce qu’on entend d’habitude quand on fait du beatbox. Après, il n’y a pas vraiment de message. Beaucoup de beatboxeurs ne jouent pas d’instrument mais sont tout aussi bons musiciens. Mais c’est vrai qu’apporter un peu de voix, des harmonies, des styles de musique qu’on n’entend pas forcément, ça fait du bien.

Votre dernière découverte musicale ?
Julien : Pour moi c’est le contrebassiste Avishai Cohen avec deux de ses albums « Gently Disturbed » et « Continuo ». Les mélodies qu’il propose sont très instinctives, c’est assez simple, souvent modal, ça m’évoque beaucoup la musique africaine. En même temps on sent que c’est un musicien complet, et rythmiquement il propose des choses assez énormes. Je suis grand fan.

Robin : Moi j’ai vu Sly Johnson hier, beatboxeur du Saïan. En le voyant en live, j’ai pris une grosse leçon de groove. Un groove très simple, qui m’a fait pleurer.

Propos recueillis par Sophie Brignoli

Photo : (c) Julien Meril
Box Office en concert ce vendredi 13 avril à Maurepas au Beatbox Championship.