Vendredi, je me suis souvenue qu’il y avait the meeting au Zénith de Dijon, celui de Nicolas Sarkozy. Je sortais d’un tabac au centre-ville et je suis tombée sur ces traditionnelles pancartes publicitaires du Bien Public annonçant l’événement. 16h30 à la montre. C’était le moment ou jamais. Bon, le meeting de Sarkozy, au fond qu’est-ce que j’en ai à foutre ? Pas grand-chose. C’est vrai. Mais j’ai eu envie d’aller voir. Juste pour voir ! Alors j’ai pris le bus. Hop, direction le Zénith.

17h. La file d’attente.

Me voilà devant le Zénith, une tension UMPesque flotte sérieusement dans l’air. Une centaine de personnes font la queue et je me demande simplement ce que je fous là.  Normal : c’est la première fois que je me retrouve en sacro-sainte terre sarkozienne. Et il y en a du monde qui se bouscule au portillon ! Papy, mamy, et aussi Jean-Marc avec son porte-document qui vient de sortir du boulot. Tous sont au rendez-vous. Même les petits drapeaux bleu-blanc-rouge. Ça sent la France active, rémunérée, sûre d’elle, mais je ne vois pas beaucoup de jeunes. Ça sent la France Forte. J’ai peur. Mais je me décide à faire la queue comme tout le monde. Après tout, on ne sait jamais, peut-être qu’à l’intérieur Sarkozy et ses potes ont prévu des petits fours pour faire patienter.

5 minutes plus tard. Le barrage de sécurité.

Un vigile souriant fait de grands gestes et s’adresse à la foule. Il nous explique calmement et avec tact que le Zénith est plein à craquer. Qu’il ne laisse plus rentrer personne. Le verdict tombe : il nous faudra rester dans le hall pour suivre le meeting retransmis sur écran. Flûte. Je ne verrai pas Sarkozy en vrai. Grosse déception. Quelque chose me dit que ça ne se passera pas comme ça, les gens sont vraiment déçus. Moi, je regrette déjà de ne pas avoir choisi l’option la moins risquée : suivre le meeting pénard sur mon canapé avec une bière. Mais autant se rendre à l’évidence, c’est trop tard. Je vais donc déambuler là, dans les couloirs du Zénith, entourée de tous ces acharnés de l’UMP (et autres) devant un écran. Les gens commencent à s’agiter, on sent comme une vague de tension protestataire. De vrais rebelles. C’est sans compter sur le vigile qui est là pour motiver les troupes. Et il sait trouver les bon mots celui-là :  « Vous ne pourrez pas rentrer dans le Zénith parce qu’il y a trop de monde. Mais vous savez ce que ça veut dire ? Hollande quand il est venu, il a pas rempli le Zénith. On est plus nombreux, vous comprenez ? »  Oui, j’ai compris. Alors, même les vigiles sont de mèches ?  Merci, je me sens déjà mieux.

17h15. On accède aux écrans.

Ô victoire, ça y est, le hall (et ses écrans de retransmission) est à nous !  Tout le monde a pu rentrer dans la « salle d’attente ». On nous permet de mater le meeting sur écran. Merci les gars pour le geste. La foule se disperse, on croirait presque la quiétude revenue. Mais ça, ça dure une minute. Car déjà les gens se ruent en direction des portes d’accès à la salle. Bah oui, on sait jamais, peut-être qu’il reste encore des places !  Une vendeuse de hot dog passe furtivement dans les couloirs (merde, on pourra pas manger gratos). Personne ne la remarque. Tout le monde s’en fout. On n’est pas venu pour bouffer des hot dog mais pour écouter un discours, je le rappelle. Pendant ce temps, les gens surexcités font gentiment du forcing auprès des vigiles. Pour peu, on se croirait à un concert de Johnny Halliday ou d’Enrico Marcias. Et moi, pas très à l’aise dans mes baskets, je me mets à l’écart de la foule, petite gauchiste que je suis, impressionnée par tant de ferveur et d’acharnement. Je matte l’écran sur la droite. Ouf, j’ai rien loupé :  François Sauvadet est sur l’estrade, il sourit et nous dit tout le bien qu’il pense de monsieur Sarkozy. « Nicolas », comme il dit.

17h30. La prise du Zénith.

Les vigiles répètent la même chose. On regarde les écrans, mais on ne peut pas rentrer. Pourtant, quelques irréductibles bien décidés à pénétrer la forteresse pensent ici et là pouvoir braver l’autorité. D’ailleurs, on a vraiment l’impression que les fans de Sarko ont échafaudé des techniques de professionnels : là-bas, un père de famille proteste en toute bonne foi auprès d’un vigile : « j’avais réservé des places pour moi et ma famille, on ne vous a pas dit ? ». Ha bon ? On pouvait réserver ? Cool. Plus loin, c’est une toute autre technique qui fait fureur.  Et J’apprends, en direct, qu’elle est réalisable en plusieurs étapes : 1. Avoir l’air calme. 2. Attendre que le vigile tourne le dos. 3. Prendre de l’élan. 4. Monter le plus vite possible les escaliers sans se faire repérer. Un truc à la Rambo. Un tour de maître. Je vous avouerais que cette technique reste la plus ardue et la plus risquée. Enfin, il reste ce que j’appelle l’ouverture ou l’effet mouton. Lorsqu’une personne avance un petit peu et semble se diriger avec conviction vers une ouverture, toutes les autres la suivent. Alors là, tout le monde fonce, oui, même toi mamy !

Manque de bol, il s’agit à tous les coups d’un type qui va innocemment aux toilettes, la porte d’accès aux tribunes se trouvant juste à côté. Fausse alerte… Mais moi, dans ce tohu-bohu de malade, je ne désespère pas. Bien décidée à rentrer, je choisis alors la solution la plus sage. Je me glisse dans une des files clandestines. On nous demande de reculer. Personne ne recule. On nous demande une deuxième fois de reculer. Personne ne bouge. Parfois des mecs se perdent. Un téméraire journaliste aux cheveux longs grisonnant et à la tête de hippie essaie de se frayer un passage en brandissant son pass presse. Petit joueur ! Tu ne penses tout de même pas que les gens vont se pousser avec ce minois de mélenchoniste ?

17h45. L’entrée de Sarkozy

Et puis, comme dans un de ces moments mystiques, le vacarme cesse peu à peu car arrive l’événement tant attendu (via écran toujours). Drapeaux flottant sur les tribunes du Zénith au son de mille clameurs. Panoramique sur 7.000 personnes. Gros plan sur la jeunesse portant des t-shirts à l’effigie de leur idole. C’est l’entrée de Nicolas Sarkozy, il n’y a pas de doute. La transmission à l’écran est coupée pendant quelques secondes. Petit interlude musical, histoire d’envoyer des mégawatts pour faire comprendre que le bonhomme arrive. Je me demande ce que c’est que cette foutue musique. Tout le monde semble être pris par les tripes. Et moi, là au milieu, je crois reconnaitre un air semblable à celui des Dents de la mer.

T.