On commence par une des nouvelles stars de la bédé niou school, et je dois vous confesser que je la découvre seulement. C’est Nine Antico. Pourtant ça fait quelques années, depuis 2008, qu’elle publie d’excellents livres. L’année dernière, son Girls Don’t Cry et son Coney Island Baby étaient tous les deux en sélection à Angoulême, et leurs cotes étaient relativement hautes. Bref, là pour moi, c’est Discovery Channel !

Premier contact avec ce livre, c’est le jaune et l’orange de la couv’ qui frappent. Une nana toute en angles arrondis nous fait face. Grosses lunettes de couleurs. Sourire un poil arrogant et couleurs chaudes saturées.
On pourrait appeler ça une première rencontre. Ça ressemble plus à un tableau qu’à une illustration de bédé classique. Et puis, bing ! A l’intérieur, les dessins vous font tomber sous le charme de cet univers pop, chatoyant. Bienvenue dans une cocon visuel fin 50’s, 60’s. Les cases sont arrondies, rien d’anguleux. Des plans, des cadres serrés sur des filles, plein de nanas qui causent entre elles, vont au cinoche, sortent en boite, vont à des concerts et causent, causent, causent.

Avant de vous dire de quoi… on reste sur le dessin. C’est beau, tout simplement, agréable à l’œil. Les dessins sont épurés même si des petits détails dans les fringues, le décor trainent ici et là. Ça a la délicatesse, la fraicheur, la naïveté des pubs pour l’american way of life de Ford ou Philips aux grandes heures du magazine Life.

Mais derrière cette candeur, Nine Antico nous raconte des histoires de nana, de manière crue : les mecs (beaucoup) la draguent, les mecs et les meufs (beaucoup), les mecs (beaucoup) la draguent, les mecs et les meufs (beaucoup), etc. Ce bouquin répond sûrement aux fantasmes de pas mal de mecs : être planqué dans le sac de leur copine pour écouter toutes les petites discussions. Pour autant, c’est pas non plus des histoires « pour les meufs ».

Nine Antico a trainé ses crayons dans Nova Mag ou Trax, du coup le bouquin est truffé de références musicales

Le truc, c’est trois filles qui vivent leurs soirées ensemble ou en parallèle. La narration est fragmentée. Le bouquin est rythmé par les heures de la soirée. Une page, une planche correspond à un lieu, une situation, un bout d’histoire. Il faut un petit temps d’adaptation à cette narration. Ensuite tout rentre dans l’ordre, mais je me demande quand même si ça apporte vraiment quelque chose ou si c’est pas un peu de la pose stylistique. Ça fait  quand même gimmick narratif  « so 2012 toi-même tu sais ».

Quoi qu’il en soit c’est drôle et très agréable à lire, et puis Nine Antico a trainé ses crayons dans Nova Mag ou Trax, du coup le bouquin est truffé de références musicales, de Beyoncé à Sexy Sushi en passant pas Jay-Z. Et je suis tombé tout simplement amoureux de ses dessins.

Deuxième bouquin, musique et pop culture avec une histoire rêvée de David Robert Jones alias David Bowie dans Haddon Hall. Alors, visuellement ce livre de Néjib est parfaitement raccord avec le précédent. Y’a plein de couleurs, le trait est fin, dynamique, efficace, épuré et on est encore dans une ambiance rétro baignée de musique. Le livre nous plonge dans le manoir Haddon Hall au milieu des années 70, quand David James inventa son personnage de David Bowie. Dans cette grosse maison communautaire, il s’amusa avec des potos qui s’appellent Tony Visconti, Syd Barret ou Mick Ronson. Bon, moi qui en ai rien à cirer de Bowie, ce bouquin m’a pas vraiment intéressé même si graphiquement c’est chouette et qu’il y a deux-trois bonnes idées. C’est très psyché et en même temps très clair. Pas de case. Comme si on avait plongé Sempé dans un baril de LSD. En fait, j’aimerais bien revoir un bouquin de cet auteur sur un autre sujet que Bowie… En gros, un bouquin à offrir à votre tonton qui croit tout savoir et tout avoir, du poster au briquet, de David Bowie. Un bouquin à feuilleter pour le plaisir des yeux.

Martial

Haddon Hall : Quand David inventa Bowie – Néjib, Gallimard, autour de 19 euros
Tonight – Nine Antico, Glénat, autour de 13 euros

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Retrouvez la chronique bédé de Martial sur les ondes de Radio Dijon Campus tous les mardis à 8h40 et vers 12h20.