Réveil difficile après une soirée passée au bar avec Theo, le gérant de l’hôtel, à écouter tout un tas d’anecdotes jusqu’à 4h du mat’. Alors forcément à 7h, on n’est pas super frais. On remonte courageusement dans le bus direction la capitale avec l’équipe média. On passe au dessus du canal de Corinthe, impressionnant par sa profondeur, construit par les Français au 19ème siècle pour relier celui-ci au golfe Saronique en mer Egée.

Mercredi 20 juin, 11h30. Changement de bus pour se rendre au centre-ville et faire un peu les touristes en allant visiter l’Acropole. Sous un soleil de plomb et un vent salvateur, on s’émerveille forcément devant les plus grands vestiges de la civilisation grecque. Cet endroit est constamment en chantier ; les mecs taillent les pierres de remplacement directement sur le site et la différence de couleur entre les nouvelles et les anciennes permettent de réaliser l’ampleur du travail accompli. On apprend aussi, en passant devant tous les écriteaux explicatifs, que ce lieu a toujours fait l’objet d’une lutte acharnée au cours des siècles : le temple dédié à la déesse Athéna a été tour à tour une église, une mosquée, puis une église à nouveau, avant de voir la plupart de ses sculptures enlevées par les Anglais pour les protéger, raison pour laquelle la plupart se trouvent encore aujourd’hui dans les musées londoniens.  Le site offre une vue imprenable sur toute la ville et permet de repérer la multitude de temples dont regorge la ville.

13h00. Malgré l’écrasante chaleur, on est affamés en redescendant de l’Acropole. Ce quartier, c’est un peu comme la butte Montmartre, les portraitistes en moins. Les terrasses pullulent, les magasins de souvenirs en tout genre aussi. Pour la modique somme de 5€ tu peux repartir avec une petite représentation en 2D du Parthénon. Tradition oblige, on s’arrête donc déguster notre premier “grec”, enfin kebab. En fait on sait plus trop comment l’appeler. Il se présente sous la forme de longs boudins de viande placés sur une pita avec quelques tomates et oignons crus. Pas mal et pas cher. Ça donne envie de renouveler l’expérience en tout cas.

15h00. On se rend au ministère de la Culture pour rencontrer Zoe Kazazakis, responsable de la culture contemporaine. La discussion s’engage en français et on évoque très vite la crise. La culture, tout comme l’éducation, a vu son budget divisé par deux. Mais comme avec la journaliste de Patras Events hier, elle insiste sur le fait que cela stimule d’une certaine manière la création artistique. Les 3/4 du budget de la culture contemporaine vont aux scènes nationales (théâtres) et aux orchestres nationaux. Les nombreuses troupes de théâtre quant à elles, ont un statut semi-publique et s’appuient donc sur des subventions de l’état et des collectivités locales. La plupart de l’argent est absorbé par le théâtre et la musique sachant que cela représente moins de 20% du budget total de la culture. En Grèce, avec un patrimoine pareil, l’essentiel est destiné à la restauration et la mise en valeur des sites et oeuvres antiques.

Petit bémol : sur plusieurs questions la conseillère feint de ne pas avoir certaines données comme par exemple le montant du budget du ministère ou encore le nombre de théâtres nationaux dans le pays. Quand on lui demande si certains théâtres ont fermé à cause de la récession économique, elle nous affirme que non, alors qu’au moins un d’entre eux a été contraint de mettre la clé sur la porte. Essaierait-elle de minimiser ainsi les conséquences de la crisi ? On quitte le bâtiment officiel sous le regard attentif d’un policier. Les instances ministérielles sont sous bonne garde.

Au milieu des vendeurs de clopes à la sauvette,
on découvre plein de gens assis sur
le bord du trottoir, une pipe à crack à la main.

16h. Petit détour par l’université pour essayer de rencontrer une urbaniste qui planche sur la réorganisation de certains quartiers du centre-ville. Pas de chance, elle est en réunion toute l’après-midi. Mais ce petit arrêt nous permet de tomber sur la rue des addicts qui longe les abords de la fac. Au milieu des vendeurs de clopes à la sauvette, on découvre plein de gens assis sur le bord du trottoir, une pipe à crack à la main. Tout le monde prépare et fume sa dose en pleine rue. Deux policiers au coin de la rue ne bougent même pas le petit doigt. Maria nous explique qu’ici, les héroïnomanes sont perçus comme des malades donc la police n’intervient pas mais ne permet pas non plus à des associations de les prendre en charge. Donc en gros, soit ils se font soigner à l’hôpital, soit ils se tuent dans les rues à chasser le dragon.

Après ce passage digne d’une émission de Bernard de la Villardière, Maria nous emmène dans un café alternatif, engoncé entre deux bâtiments dans une superbe cour intérieure à deux rues de l’axe principal. Certains de ses amis sont venus la rejoindre pour passer un moment avec elle. Dans le lot, nous faisons la connaissance de Petros, 23 ans, actuellement en service militaire sur l’île de Chypre. Ici le service est obligatoire et dure 9 mois, l’Etat parle de le rallonger à 12 mois. On évoque la situation chypriote. Selon lui, l’occupation physique de l’île est en faveur des grecs, plus que des turques, il nous parle d’un ratio de l’ordre de 60/40%. Il nous explique ensuite que le gouvernement turc fait pression sur sa population depuis la récente découverte de ressources pétrolières il y a quelques mois, en incitant les turques à aller s’installer sur l’île. La situation est tout simplement aberrante : en plein milieu de Nicosie est érigée une frontière avec deux tours de guêt, l’une turque, l’autre grecque, qui se font face. On lui demande s’il a entendu parler de l’arrangement officieux entre des pays comme l’Allemagne et la France qui s’engagent à envoyer des fonds pour supporter la crise en Grèce contre l’achat d’armement militaire (frégate française, sous-marin allemand). L’information a circulé jusqu’ici mais pour eux, étant le pays européen le plus proche du géant turc, cette militarisation est nécessaire. Il nous avoue également qu’il a demandé à être envoyé à Chypre parce que le service là-bas est rémunéré, à hauteur de 250€ contre 7€ seulement sur le continent. Quand Martial de la team Campus lui demande d’enregistrer l’interview, le jeune homme prend un peu peur et refuse catégoriquement. Petros, qui vient de terminer ses études en Bank Management, a prévu de quitter la Grèce lui aussi, une fois le service terminé, direction l’Angleterre.

19h. Retour à la gare routière d’Athènes pour rejoindre Selianitika. On prend le temps de déguster une spanakopita, sorte de tourte en feuilles de brick remplie d’épinards et d’oignons préparée par la tante de Maria. Un délice.

Demain on passera la journée avec les groupes, pour vivre avec eux la fête de la musique.

– Sophie Brignoli, à Athènes.