Il fait super beau. Il fait même bon, le soir sur les coups de 22h00 dans le Fort de Saint-Père. La Costa del Mancha, c’est possible à Saint-Malo en 2012. Chaud mais pas tant que ça sur scène. Certains se la jouent 80’s on the dark new wave quand d’autres ont bien de la peine à faire décoller leur set ici, à la Route… de la Pop.

Vendredi 10 août

Par ordre d’apparition, les kids de Leeds Alt-J. Avant leur concert, on a rencontré des types dé-ten-dus. Six mois que leur disque An Awesome Wave fait un peu de bruit mais eux, ils y vont tranquille. Leur pop tortueuse, bricolage de tas d’idées accumulées en répèt’, a un faux côté Ravensburger : musique de 7 à 77 ans. Faux côté. Derrière l’apparente simplicité et l’évidence des tubes… c’est toute la famille math-rock et autres collages et bizarreries qui est convoquée. Ça fait plaisir de voir que des structures tordues marchent auprès d’un large public. Les Alt-J, réussissaient même l’exploit, alors que le site du festival n’est pas officiellement ouvert, à balancer devant un public d’une trentaine de personnes applaudissant leurs tests et leurs réglages sur 3 titres comme s’il s’agissait déjà du concert. Forcément à la rentrée les salles de concert françaises résonneront au son d’Alt-J. Pour Dijon, la rumeur souffle. Par contre, pour l’instant, c’est le hic : la transition disque-scène oublie quelques éléments sur le bord de la route et l’élan couillu des basses d’un morceau comme Fitzpleasure fait grise mine dans le Fort de Saint-Père. On a perdu les grattes à Ennio Morricone mais bon, on va pas faire les fines bouches parce qu’après c’était l’heure de Patrick Watson. L’ennui sous des airs groovy. Le Québécois ne partait pas gagnant dans nos cœurs et il revint perdant. Entre deux ballades folk et harmoniques, on découvre l’esprit Tryo de l’Amérique du Nord. C’est Wawashland au pays des Grands Lacs. Un micro au milieu de la scène, deux guitares acoustiques et tout ce petit monde, tout en poils et en casquettes informes, qui chante comme en colo. Un morceau comme The Great Escape avait encore un peu de classe en 2006. A l’époque le gonz’ partageait la scène avec le Cinematic Orchestra ou un Philip Glass. Là, il a viré into the wild le gazier, mais sans guide du campeur. Alors, nous pendant ce temps là, on est allés chercher du bois pour leur feu de camp.

Dominique A

Dominique B

Au retour, le boss était là. Le patron du Fort de Saint-Père depuis une paire d’années s’appelle Dominique A. Pour ce nouveau retour, jeux de scène simple, sobriété, efficacité, contrôle, classe. Les titres de Vers les lueurs s’enchaînent. Le père Ané a pris du poids et pose sa gueule impressionnante sur la grande scène. C’est une vraie bonne masse rock, immense et pesante, qui vibre quand le vibrato lyrique s’efface un peu. Les petits plateaux lumineux à leds au dessus de sa tête donnent une allure particulière à son concert. Un concert tout en maîtrise. On en n’attendait pas moins du boss. Après deux galettes-saucisses et des frites à la sauce réunionnaise qui brûle ta bouche, Spiritualized nous plongeait dans un doute schleckien en voulant nous refaire le coup du Velvet originel. Étions-nous à la Route du Rock ou au festival de square dance de Bain de Bretagne ? Ahhhh, l’Amérique c’est beau. L’Amérique, c’est de grosses guitares qui font du bruit sur des plans vaguement bluesy. C’est le psychédélisme dans les années 1960… c’est… c’est bien mieux que la soupe ennuyeuse de Spirtualized, même noyée en loucedé dans un déluge sonore aussi factice que gonflant. Il fallait attendre le concert de Civil Civic pour se rassurer. Les australiens de naissance et « from nowhere » d’adoption ont une fois de plus renversé le dancefloor. Leur musique, c’est la fête. Leur électro-rock plein de breaks jouissifs est sauvage, imparable. En fosse, un putain de pogo des familles de 45 minutes. 45 minutes d’une course brute à travers les notes ravageuses ponctuées par le tube Run Overdrive en clôture. C’est bouillant et puis, d’un coup vers 01h00 du mat’, le dark side of the pop givre le public.

The Soft Moon ressuscite (ressuce ?) le son de gratte de Joy Division, l’héritage des premiers Killing Joke et l’agonie magnifique de The Cure époque Faith ou Pornography. Comme on est déjà en 2012, le son est énorme, militaire, minimal. La boîte à rythmes est gonflée aux hormones. La guitares caverneuse. C’est très simple, répétitif d’un morceau à l’autre. The Soft Moon réussit le croisement de Scorn, un album/une rythmique plaintive, et de la cold wave. Alors du coup c’est débat dans la rédaction. D’un côté celui qui sort du set avec un sourire de bonheur couillon, rapport au déluge servi bien frappé comme une ascension de Tourmalet un matin de décembre. De l’autre, celui chauffé à blanc par leur EP Total Decay, qui assène un professionnel : « Bien, mais on attendait un peu plus ». Pour départager, un autre Dijonnais proche du milieu laissant échapper un sibyllin : « Tu vois, faut rebooter quand ça couille ». Reboot, donc. On est partis laissant Squarepusher se monter une petite maison ou un appart’ d’étudiant sur scène. Une soirée chaud/froid comme un bon méli-mélo de la mer !

– Martial & Badneighbour

Photos : Badneighbour