Souvent le jour 3 sur les rivages de la Manche a un côté 6 juin 44, genre Le Jour le plus long. Le soleil se voile mais l’esprit conquérant du reporter ne faiblit pas. On profite de cette accroche pour en placer une petite pour notre confrère de Libé, Philippe Brochen. Gaulé en flag d’enfumage. Le pauvre vieux devait traîner les plages de St Malo et a chroniqué samedi sur Libe.fr le live de My Best Fiend sauf que le groupe avait annulé depuis des semaines ! Tu penses bien qu’on aurait jamais osé ça ! Chez Sparse, quand on est à la plage on te le dit, parce que c’est cool la plage.

Du coup, tu nous en voudras pas de pas te parler de Judah Warsky. Un concert à 18h30, dimanche 12 juillet, c’est pile l’heure de Karabatic, du bouchon des plages ou encore l’heure du réveil pour d’autres. Au vu du nombre de minettes en Ray-Ban interviewant le gazier, ça devait pas être mal comme concert… Au prix d’efforts insoupçonnables, on est là à 19h15 pour les kids de Cloud Nothings. Le concert a du démarrer par un « one, two, three, four », rouler comme une boule qui claque un strike et se terminer par un bon gros sourire de ces teenagers anglais qui s’éclatent jusqu’à plus soif avec le punk hardcore. C’est incongru de revisiter le grunge aujourd’hui, mais ça permet aux mômes de Cleveland d’être produits par Steve Albini. Après, j’crois qu’on avait un rendez-vous important avec un riche éditeur qui serait prêt à nous refaire le coup de Quatar Sport Invest avec Sparse, parce qu’on n’a aucun souvenir précis de Stephen Malkmus. Y’avait de la guitare ? C’était un peu long ? Du rock ? Un peu vieux, longuement répétitif ? Sans plus rien de la hargne amusée du Pavement de 1992 ? Et qui s’écoutait jouer ? Ah nan, en fait, c’est bad mood baby : Colin Stetson, qu’on recroisera plus tard sur scène, vient de nous poser un lapin. On lui tirera pas notre chapeau là-dessus au Stetson. Il a la grippe le soufflant de saxo basse. Badneighbour est inconsolable. A la nuit tombée, The Chromatics, les chouchous du boss de Sparse, pointaient le bout de leurs synthés. Honnêtement, nous, on n’attendait rien de ce groupe américain, créé du côté de Portland en 1991 sur les cendres du punk et qui, 20 piges plus tard a tourné casaque et joue une électro pop psychée. Et on a été scotchés. Tout bêtement. Énorme : de l’électro sans ordi, une guitare rameutant les eighties et une chanteuse froide comme une Chrissie Hynde plongée dans l’azote liquide. On s’est fait prendre comme des bleus. Y’avait pourtant un indice. Dès les premières mesures de Kill For Love, le combo cold à paillettes ramenait tout le monde dans la fosse comme l’avaient fait l’an passé les Suuns dès le début d’Arena. Brillant, littéralement.

Juste le temps d’aller prendre des nouvelles du côté du bar et sur la scène s’installe un groupe des 90’s qu’on ne pensait jamais voir : Mazzy Star. Pénombre sur le plateau, qui ne bougera pas du set, projections de photos sépia, d’images d’une nature fantomatique derrière le groupe, Mazzy Star met tout dans la musique et la fabuleuse voix de Hope Sandoval. Ce concert sera le seul à ne pas être retransmis sur les écrans géants. Comme la veille avec The XX, le groupe joue slow ou mid tempo. La musique reste planante et plaintive sans être glaciale. Aucune tension, la voix de Sandoval aurait même l’effet inverse comme une douce berceuse. Depuis les années, cette voix n’a pas bougé, elle est peut-être un peu plus ferme, mais elle est et reste la délicatesse incarnée. Quelques titres de So Tonight I Might See défilent comme Mary Of Silence ou Into Dust. L’idée qu’on se faisait du groupe psyché et laidback est finalement soit incomplète soit dépassée. Les 5 musiciens aux côtés de Sandoval aiment beaucoup (trop) le mississipi blues, et ça s’entend. Mais la classe aidant, on se fait une raison. A l’arrivée, en live c’est comme sur disque, on tombe amoureux de (la voix) de Hope Sandoval. On repart avec le sourire.

On a raté Hanni El Khatib,
mais on l’a interviewé

Et c’est pas fini. De l’autre côté, sur la petite scène, c’est le soufflant sous Humex qui commence à corner. Pas rancuniers, on descend à la petite scène de la Tour voir et entendre Stetson. Perdu comme un jazzman solo dans un festival rock, le gars tousse un peu mais pousse quand même la liturgie free dès ses premières notes. Un mot pour résumer son set : circulaire. Un sax, une cellule et le gazier fait tourner les serviettes. Apnée proche de celle mise en scène par Albert Ayler en son temps, à crever les tympans des intégristes d’Offenbach. Du coup, on calme les blagues sur Stetson et Jr Ewing, on écoute juste le type tournicoter au sax basse ou alto et raconter des trucs pas possible en musique. Le genre de trucs qu’on entendrait chez nous du côté du Consortium ou de Mansart pendant Why Note. Mystique comme une bande son pour les bouquins de Faulkner. Après ? Les Walkmen ne nous ont pas du tout intéressés. On n’en parlera pas. Et on a raté Hanni El Khatib. Raté, enfin pas complètement. C’est vrai qu’on n’a pas vu le concert du rocker mais on l’a interviewé.

Et puis, après on est parti. Juste après le tour de télékinésie du dijonnais qui a réussi à faire bouger son larfeuille de l’espace presse jusqu’au bar VIP sans les mains. On s’est dit qu’on reviendra l’année prochaine. On s’est dit que c’était dommage pour les organisateurs d’avoir une fréquentation à la baisse mais que c’était vachement plus agréable, qu’on avait plus de place pour profiter du site et pour voir les concerts. La rumeur : cette année la tête d’affiche devait être Blur. Pisté et presque ferré par le programmateur, sauf que la proie a pris quelques zéros entre les premiers contacts et l’annonce du concert de Blur en clôture des Jeux Olympiques. Blur, médaille d’or de l’entourloupe ?

– Martial & Badneighbour

Photo : Cloud Nothings (Vincent Arbelet), foule devant Chromatics (Badneighbour)