Cette semaine, c’est comme à la radio avec un disque à la demande, ce sont les lecteurs qui ont la parole et qui m’ont conseillé un bouquin : Tyler Cross, polar graphique dans les États-Unis des années 50. Bon, en vrai ce lecteur c’est pas tout à fait un inconnu puisqu’il s’agit de Msieur Choubi, auteur de bédé patenté et éminent membre de Sparse.

tyler crossAlors que me dit-il ?
« Hey, t’as vu… Bruno vient de sortir une nouvelle bédé. Moi – Euh, ouais, ouais… nan. – Mais si Brüno, çé un çuper deçinateur qui avait fait Inner Ciy Blues. Alors, çi tu connais pas regarde ça vite, c’est çuper ».

Bon, notre discussion ne s’arrête pas là, Choubi souhaitait dire à quel point il adorait mes critiques et mes choix bédé dans cette chronique, mais bon ça me gène d’étaler là une discussion d’ordre privée. Bref, je quitte notre Msieur Choubi avec cette question lancinante : « Qui est ce Brüno ? Et pourquoi Choubi connait-il plus de trucs que moi ? » Alors qu’ai-je fait ? Ben je me suis procuré ce fameux Tyler Cross, sorti chez Dargaud. Et effectivement, j’ai découvert un dessinateur qui se la donne grave. Son style est pas révolutionnaire mais il maîtrise ses années 50 aux States.

Vous voyez le topo. Des mecs habillés à la Mad Men : costards bien coupés, gomina pour plaquer la raie et le Borsalino, ce chapeau en feutre mou qui, à l’époque, faisait l’Homme. Oui, faut pas oublier que contrairement à la légende, le monde se divisait alors en deux  : ceux qui portaient des Borsalinos et les autres.

Alors, le dessin est semi-réaliste tout dans la rondeur même pour les parties anguleuses. Le découpage est complètement cinéma avec parfois trois/quatre cases format 16:9, dessins et couleurs numériques. Le Brüno connait très bien ses classiques puisque, petit effet qui marche très bien, lorsque que Tyler s’énerve ou que quelque chose d’important est en jeu, son regard s’assombrit et ses yeux, son regard, sont dissimulés derrière un masque de superhéros, mode années 50, un triangle comme The Spirit.

Mafia, ploucs consanguins et poudre blanche

L’histoire. Tyler Cross est un flingue de la mafia, un type entre nous plutôt balaise dans son domaine. Efficace, intelligent et qui ne fait pas de sentiment. Un jour un parrain, Monsieur Di Pietro, lui demande un petit service : s’occuper de son filleul, qu’il n’aime pas beaucoup et qui a un peu trop tendance à se la jouer. Tyler doit lui braquer ses 20 kilos de mexicaine pure, pour lui donner une petite leçon. Tache dont s’ acquitte notre Tyler avec plus ou moins de facilité. Mais il le fait. Sauf que… panne de voiture et Tyler se trouve coincé dans un patelin de ploucs consanguins du fin fond du Texas. Le père Pragg, maître tout puissant a placé ses fils : le plus gras est le banquier, le beau gosse est le maire et le moins malin est le shérif. La ville est leur domaine, tout leur appartient : des champs de pétroles mal-acquis à la banque, tout est Pragg. Ils règnent sans partage et imposent leur loi aux habitants.

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Comment un agent de la mafia qui en a vu d’autres s’en sortira ? Réponse à la fin du bouquin. L’histoire est construite de manière assez linéaire, comme un bon thriller. Y’a quelques éléments humoristiques. L’atmosphère et la réussite de la bédé reposent sur le flegme, le sang froid du personnage Tyler Cross.

J’ai pas trop l’habitude de lire des polars en bande dessinée, je suis donc incapable de vous dire si c’est super orignal mais quand même le dessin et l’histoire vous offriront un bon de lecture. Apparemment des gens plus intelligents et beaucoup plus connaisseurs des films noirs américains ont relevé des tas de références et autres clins d’œil à Bogart, Eastwood, Tracy. À noter que l’esprit Texas et pipeline de l’histoire renvoie directement à une autre bédé du scénariste Fabien Nury et sa série Le Maitre de Benson Gate.

Vite fait pour finir, une madeleine, un instant régressif avec Les Mystérieuses cités d’or. Régression mais pas seulement puisqu’il s’agit des nouvelles histoires, la deuxième saison. J’avais parlé ici d’un manga en plusieurs tomes sur la première série, celle de notre enfance. Là sort un livre illustré : un peu de texte sur une page et des images tirées de la série animée pour illustrer. Le titre de ce tome 1, c’est En route vers la Chine. Oui, la Chine parce qu’en fait y’a pas une citée mais plein d’autres à trouver.

Comme je suis pas du tout affecté par le syndrome dit de la Cabrellite, le fameux « c’était mieux avant », je ne monte pas sur mes grands chevaux pour crier au scandale, au sacrilège. Les personnages ont un peu changé depuis notre enfance, le dessin est complètement numérique mais honnêtement, à l’époque, qu’est-ce qu’on en avait à faire du style ? Hein ? Ça se lit très bien et comme ça vous n’êtes pas obligés de vous lever à 9h du mat’ pour suivre tous les dimanches matin sur Tfou les aventures d’Esteban, Zia et Tao. C’est bon pour tous les yeux d’enfants, de 4 à 444 ans.

– Martial Ratel

Les Mystérieuses citées d’or, tome 1, En route vers la Chine, 156 pages, Glénat – autour de 18 euros.
Tyler Cross, 96 pages, Dargaud, par Brüno et Nury – autour de 17 euros.

La chronique bédé est un partenariat avec Radio Dijon Campus.