Multi-instrumentiste, dj et leader de nombreuses formations (Quantic Soul Orchestra, Combo Bàrbaro, The Limp Twins, Flowering Inferno), Will Holland a produit 17 albums en 13 ans de carrière. Entre soul, hip hop, funk et musiques tropicales, le producteur anglais pioche dans le répertoire mondial et s’entoure de musiciens chevronnés pour défendre ses projets.  Actuellement en tournée et invité lors du Tribu Festival, nous l’avons rencontré quelques heures avant son live. Il revient sur son expérience colombienne, nous parle des futures collaborations et de l’éventuelle renaissance du projet soul.

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Tu es actuellement en tournée pour promouvoir ton dernier album Magnetica sorti début 2014, quelle formation t’accompagne ce soir ? Nous sommes normalement quatre, c’est une petite formation. Il y a Wilson Viveros, qui est percussionniste et qui joue déjà pour le projet tropical (Ondatropica), le Combo Bàrbaro et sur l’album d’Alice Russell. On travaille régulièrement ensemble et c’est vraiment spécial de l’avoir parmi nous. Il y a également un saxophoniste texan, Sylvester Onyejiaka, avec qui je travaille depuis peu mais qui est un musicien incroyable.

Tu es l’un des ambassadeur de la musique colombienne en Europe, cette passion pour la musique sud-américaine te vient d’où ? J’ai d’abord fait quelques voyages là-bas ; je connaissais déjà cette musique mais je voulais vraiment la découvrir, en écouter davantage. Alors je me suis installé à Cali et j’ai en même temps multiplié les voyages au Panama et au Venezuela. Je suis tombé amoureux de la musique et j’ai commencé à en produire. Je me suis vite senti intégré. Que les gens m’estiment capable de représenter la musique colombienne alors que je suis anglais me touche, j’ai l’impression d’avoir fait quelque chose avec cette musique mais aussi pour elle.

Il y a eu un petit boom -notamment de la cumbia- ces dernières années en Europe. Est-ce que toi, ou les musiciens avec qui tu travailles, vous vous êtes rendus compte de ça à Cali ? Les gens s’intéressent de plus en plus à la cumbia et à la musique tropicale en générale, celle d’Amérique Latine. La cumbia est un terme un peu hype en ce moment, et puis c’est assez facile d’accès.

Pourquoi avoir choisit Cali ? C’était une question d’opportunité, de réseau ou tu as senti qu’il se passait quelque chose de particulier dans cette ville ? J’avais un ami à Cali, Alfredo Linares, un pianiste péruvien. Les premiers voyages je séjournais chez un vieil ami à lui, et c’est grâce à Alfredito que j’ai commencé à rencontrer des musiciens sur place.

Il n’y a pas réellement de majors en Colombie, est-ce que tu as eu du mal à exporter la musique que tu produisais là-bas ? L’industrie du disque est en train de se métamorphoser en Colombie. Mon ami Mario Galeano de Frente Cumbiero m’a toujours conseillé en la matière puisqu’il connait bien ce monde. Les anciens labels sont encore là mais n’existent plus en tant que tels, pour la plupart ils commercialisent des sonneries de téléphone… Et en même temps, c’est une période très propice aux rencontres puisqu’il y a beaucoup de musiciens et d’énergie mais pas de réelle industrie derrière. Les artistes ont soif de ça, revenir à des pratiques plus anciennes, retourner en studio et enregistrer ensemble.

Peux-tu nous parler de ta rencontre avec Nidia Gongora qui chante sur deux morceaux de Magnetica. Nous pensions qu’elle serait avec toi ce soir… ? Je travaille avec Nidia depuis 2007. Elle habite aussi en Colombie mais sur la côte pacifique dans une petite ville tropicale au bord d’une rivière. On a commencé à travailler ensemble sur quelques morceaux du projet Combo Bàrbaro et ça s’est très bien passé. Le truc assez unique chez Nidia, c’est qu’elle écrit aussi bien qu’elle chante. Elle n’est malheureusement pas ici ce soir puisque l’ambassade a gardé son passeport. Je crois que c’est la quatrième fois qu’on est confronté à ce problème en tournée puisqu’ils refusent de lui délivrer un visa.

quantic2Il y a aussi Alice Russell, avec qui tu collabores sur les formations Quantic Soul Orchestra et Combo Barbaro. Tu penses continuer cette collaboration ? Oui.. Bien sûr que nous allons continuer, nous sommes très proches et travaillons ensemble depuis longtemps. Elle fait une petite pause en ce moment et va débuter une tournée cette année mais on a déjà parlé d’enregistrer à nouveau ensemble. C’est tellement facile de travailler avec elle. Elle est bourrée de talent.

Quand tu habitais à Cali, tu avais aménagé une pièce en studio afin d’accueillir les musiciens avec lesquels tu bossais pour les enregistrer ensemble en live. Est-ce que tu as aussi cette configuration chez toi maintenant que tu vis à New York ? Oui, un peu, j’ai installé le matériel pour pouvoir mixer mais tu sais, l’espace c’est de l’argent à New York, donc ça reste relativement petit. Et comme je suis en tournée, j’ai préféré laisser mon matériel au garde meuble pour l’instant. Ça a été la révélation de retourner en studio ici, avec quelqu’un qui est là pour réparer les bugs et un autre pour appuyer sur « record ». À Cali, je devais gérer la partie technique, c’était très compliqué.

À propos du dernier album, tu disais vouloir te retrouver en configuration seul avec ton ordinateur, raison pour laquelle l’album sonne aussi plus électro. Pourtant tu as passé cette décennie à multiplier les projets avec de nombreux musiciens. Comment as-tu trouvé l’équilibre entre ces deux manières de travailler pour sortir cet album solo ? Alors que je consacrais beaucoup de temps au projet tropical et que je me retrouvais dans des formations avec de nombreux éléments live, je travaillais en même temps sur l’album. Mes productions solo, je les ai toujours réalisées pendant mon temps libre. Souvent lorsque je joue, c’est en tant que dj et la moitié de mes productions ne sont pas adaptées au dancefloor, c’est relativement calme. Avec l’album Magnetica, je peux désormais mixer mes morceaux pendant les dj sets.

Tu as sorti déjà 17 albums sous toutes ces formations, tu as touché à plein de styles de musique soul, funk, hip hop, électro, musiques latines en général. T’as fait le tour ou tu es toujours excité à l’idée de faire de la musique ? J’ai envie de refaire quelque chose de soul, ça fait un bail… parce que j’ai l’impression d’être capable de faire ça mieux maintenant, peut être avec le Quantic Soul Orchestra d’ici quelques années. Il y a quelques musiciens de la scène soul américaine, comme le batteur légendaire James Gadson avec qui j’aimerais bosser. Il est encore très puissant sur scène. Mais je ne sais pas, peut-être que je ferais autre chose. Au 26ème album, je finirais éventuellement par me planter avec des productions de musique arménienne. (rires)

– Propos recueilis par Sophie Brignoli, Régis de Saint-Amour et Riddimdim
Photos : Pierre Mériau

Version audio à retrouver sur le site de Radio Dijon Campus.
Version originale (anglais) à lire ici.